Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 417475, lecture du 4 mai 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:417475.20180504

Décision n° 417475
4 mai 2018
Conseil d'État

N° 417475
ECLI:FR:CECHR:2018:417475.20180504
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Laurent Domingo, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public


Lecture du vendredi 4 mai 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 janvier et 5 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Kronenbourg demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les mots " ou à 0,5 % vol. pour les bières " figurant au paragraphe n° 180 des commentaires administratifs publiés le 19 septembre 2014 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-TVA-LIQ-20-10.

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 98 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et du 1 de son annexe III relative à la liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant être soumises à des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée, les Etats membres peuvent appliquer un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux boissons, à l'exclusion des boissons alcooliques.

2. En vertu de l'article 278-0 bis du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne : /A. Les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur :/ 1° L'eau et les boissons non alcooliques ainsi que les produits destinés à l'alimentation humaine (...) ". Il en résulte que les boissons alcooliques sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal prévu à l'article 278 du même code.

3. Selon le paragraphe 180 des commentaires administratifs attaqués, publiés le 19 septembre 2014 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-TVA-LIQ-20-10, relatifs aux produits imposables à la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal : " L'ensemble des boissons (à emporter ou à consommer sur place) dont le titre alcoométrique volumique est égal ou supérieur à 1,2 % vol. ou à 0,5 % vol. pour les bières relève du taux normal. Il en va de même pour les produits composés de fruits et d'alcool (fruits de l'eau-de-vie) ou les produits en bocaux baignant dans l'alcool, les liqueurs fabriquées à partir des cafés, thés, chicorés et leurs succédanés ". La société Kronenbourg demande l'annulation pour excès de pouvoir des mots " ou à 0,5 % vol. pour les bières " figurant dans ce paragraphe.

4. En premier lieu, le paragraphe 3 de l'article 98 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée prévoit qu'" en appliquant les taux réduits prévus au paragraphe 1 aux catégories qui se réfèrent à des biens, les États membres peuvent recourir à la nomenclature combinée pour délimiter avec précision la catégorie concernée ". Le chapitre 22 de la nomenclature combinée annexée au règlement du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, relatif aux boissons, liquides alcooliques et vinaigres, précise qu'au sens du code n° 2202, qui comprend les boissons non alcooliques, de telles boissons sont celles dont le titre alcoométrique volumique n'excède pas 0,5 %, alors que les boissons alcooliques sont classées selon le cas dans les codes n°s 2203 à 2206 ou dans le code n° 2208. Il en résulte que doivent, en l'absence de définition spécifique donnée par la loi fiscale des boissons non alcooliques, être regardées comme telles, au sens des dispositions du 1° de l'article 278-0 bis du code général des impôts, les boissons dont le titre alcoométrique volumique n'excède pas 0,5 %. Ce taux alcoométrique volumique s'applique, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'ensemble des boissons non alcooliques, sans qu'il y ait lieu de se référer aux catégories de boissons retenues en matière de droits d'accises sur les alcools. Ainsi, en indiquant que le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée s'applique aux bières dont le titre alcoométrique volumique est égal ou supérieur à 0,5 % vol, les commentaires attaqués se bornent à réitérer, sans en méconnaître la portée ni y ajouter, les dispositions législatives qu'ils ont pour objet d'éclairer. La circonstance que ces commentaires, dans leur version antérieure, publiée le 12 septembre 2012, se référaient à la définition des boissons alcooliques résultant des quatre derniers groupes alors mentionnés à l'article L. 3321-1 du code de la santé publique, est sans incidence sur la légalité de l'interprétation résultant de la modification de ces commentaires intervenue le 19 septembre 2014, alors au demeurant que l'article L. 3321-1 du code de la santé publique, qui est relatif à la réglementation de la fabrication, de la mise en vente et de la consommation des boissons, classe la bière, quel que soit son titre alcoométrique volumique, dans la catégorie des " boissons fermentées non distillées ", au même titre que notamment les vins, cidres, poirés et hydromels, soit une catégorie de boissons alcooliques, et ne saurait, dès lors, en tout état de cause, être utilement invoqué par la société Kronenbourg pour soutenir que les bières dont le titre alcoométrique volumique est inférieur à 1,2 % devraient être, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, considérées comme des boissons non alcooliques.

5. En second lieu, d'une part, dès lors que les commentaires contestés ne donnent pas une interprétation erronée de la loi fiscale en ce qui concerne le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux bières, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation des mots " ou à 0,5% vol. pour les bières ", de ce que ces mêmes commentaires méconnaîtraient le principe d'égalité. D'autre part, la loi prévoyant l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à toutes les boissons non alcooliques telles que définies au point 4 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de neutralité du système commun de taxe sur la valeur ajoutée ne peut qu'être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Kronenbourg doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
--------------

Article 1er : La requête de la société Kronenbourg est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Kronenbourg et au ministre de l'action et des comptes publics.


Voir aussi