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Ariane Web: Conseil d'État 338977, lecture du 9 juillet 2010, ECLI:FR:CESSR:2010:338977.20100709

Décision n° 338977
9 juillet 2010
Conseil d'État

N° 338977
ECLI:FR:CESSR:2010:338977.20100709
Inédit au recueil Lebon
8ème et 3ème sous-sections réunies
M. Arrighi de Casanova, président
Mme Paquita Morellet-Steiner, rapporteur
M. Olléon Laurent, rapporteur public


Lecture du vendredi 9 juillet 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu l'ordonnance du 21 avril 2010, enregistrée le 27 avril au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Nice, avant de statuer sur la demande de M. et Mme A tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2009 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a transféré d'office dans le domaine public de la commune de Boyon la propriété d'une voie ouverte à la circulation leur appartenant, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme ;


Vu le mémoire, enregistré le 2 mars 2010 au greffe du tribunal administratif de Nice, présenté par M. et Mme François A demeurant ..., en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. et Mme A soutiennent que l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, applicable au litige, méconnaît l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'il prévoit une expropriation sans indemnisation préalable ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de l'urbanisme, notamment son article L. 318-3 ;

Vu la loi n° 65-503 du 29 juin 1965 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;



Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme dispose que : La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut, après enquête publique, être transférée d'office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. / La décision de l'autorité administrative portant transfert vaut classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés. / Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, à la demande de la commune (...) ;

Considérant que ces dispositions, qui permettent à l'autorité administrative de transférer d'office la propriété de voies privées ouvertes à la circulation générale et situées dans des ensembles d'habilitation afin de les incorporer dans le domaine public communal, sans indemnisation préalable de leur propriétaire, sont applicables au litige, au sens du 1° de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'en ne prévoyant pas une juste et préalable indemnisation des propriétaires, elles portent atteinte au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;





D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme François A, au Premier ministre, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au tribunal administratif de Nice.