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Ariane Web: Conseil d'État 340213, lecture du 26 novembre 2010, ECLI:FR:CESJS:2010:340213.20101126

Décision n° 340213
26 novembre 2010
Conseil d'État

N° 340213
ECLI:FR:CESJS:2010:340213.20101126
Inédit au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Honorat, président
M. Aymeric Pontvianne, rapporteur
M. Lenica Frédéric, rapporteur public
SCP DEFRENOIS, LEVIS ; ODENT, avocats


Lecture du vendredi 26 novembre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le mémoire, enregistré le 3 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 pour la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM, dont le siège est situé 37, rue de Saint Louis à Huningue (68330), représentée par son gérant en exercice, et pour la SCI HASELAECKER, dont le siège est situé 60, rue Jacques Mugnier à Mulhouse (68200), agissant par ses représentants légaux en exercice ; les sociétés requérantes demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur pourvoi contre l'arrêt n° 08NC01420 du 1er avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement n° 0402996 du 10 juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2003 par lequel le préfet du Haut-Rhin a qualifié de projet d'intérêt général le programme de développement de l'aéroport de Bâle-Mulhouse et le projet de servitudes associé, ainsi que de la décision du 10 mai 2004 rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de l'urbanisme, notamment ses articles L. 121-2, L. 121-9 et L. 123-14 ;

Vu le code de justice administrative ;





Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aymeric Pontvianne, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM et de la SCI HASELAECKER, et de Me Odent, avocat de l'Aéroport de Bâle-Mulhouse,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Defrenois, Levis, avocat de la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM et de la SCI HASELAECKER, et à Me Odent, avocat de l'Aéroport de Bâle-Mulhouse ;





Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme : (...) l'Etat veille au respect des projets d'intérêt général (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 123-14 du même code : Lorsqu'un plan local d'urbanisme doit être révisé ou modifié (...) pour permettre la réalisation d'un nouveau projet d'intérêt général, le préfet en informe la commune ; que les alinéas suivants du même article définissent les conditions dans lesquelles le préfet peut engager et approuver la révision ou la modification d'un plan local d'urbanisme en cas de refus ou de carence de la commune ; qu'aux termes de l'article L. 121-9 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000, applicable en l'espèce : Des décrets en Conseil d'Etat (...) précisent (...) la nature des projets d'intérêt général, qui doivent présenter un caractère d'utilité publique (...) ; que l'article R. 121-3 du même code a précisé la nature de ces projets ;

Considérant que la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM et la SCI HASELAECKER soutiennent que l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme, en ce qu'il renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir la nature des projets d'intérêt général, méconnaît les dispositions de l'article 34 de la Constitution dans des conditions qui, compte tenu des contraintes susceptibles d'être imposées par ces projets en vertu notamment des articles L. 121-2 et L. 123-14 du même code, affectent la libre administration des collectivités territoriales garantie par l'article 72 de la Constitution et le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant que la disposition en cause est applicable au présent litige et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment en ce que législateur aurait méconnu, en l'édictant, l'étendue de la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution dans des conditions affectant la libre administration des collectivités territoriales, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;


D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM et de la SCI HASELAECKER jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL DU PARC D'ACTIVITES DE BLOTZHEIM, à la SCI HASELAECKER, à l'aéroport de Bâle-Mulhouse, au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et au Premier ministre.