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Ariane Web: CAA LYON 16LY02344, lecture du 26 octobre 2017

Décision n° 16LY02344
26 octobre 2017
CAA de LYON

N° 16LY02344

5ème chambre - formation à 3
M. CLOT, président
M. Bertrand SAVOURE, rapporteur
Mme BOURION, rapporteur public
GALLOIS BLANDINE, avocats


Lecture du jeudi 26 octobre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SA Financière AVR a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la restitution d'une créance sur le trésor de 768 068 euros, née du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2007 et la décharge des intérêts de retard et de la majoration de 5 % prévue par l'article 1731 du code général des impôts y afférents.

Par un jugement n° 1304093 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de la SA Financière AVR.
Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 mai 2016 ;
2°) de rejeter la demande de la SA Financière AVR devant le tribunal administratif et de remettre à sa charge les impositions litigieuses.

Il soutient que : le chef de rectification litigieux se rapporte à un apport en réserve de capital en faveur d'une société allemande ; cette catégorie juridique, inconnue du droit français, ne doit pas être considérée comme une avance mais doit s'assimiler à une augmentation de capital ; elles représente donc un complément de prix de revient des titres de participation de cette dernière ; ainsi, la somme litigieuse ne peut être regardé comme une avance susceptible de faire l'objet d'une provision.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2016, la SA Financière AVR, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens présentés par le ministre des finances et des comptes publics n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;


1. Considérant que la SA Financière AVR, qui a pour activité la détention de titres de participation de sociétés et qui exerce son activité dans le domaine de la vente d'armes et d'articles de chasse, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant notamment, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2007 et 2008 ; que l'administration a estimé qu'à concurrence de 3 millions d'euros, une provision constituée sur une créance de 4 680 759 euros détenue auprès de sa filiale de droit allemand, la société Kettner international GmbH, dont elle est l'actionnaire unique, devait, en réalité, s'analyser comme étant destinée à faire face à une dépréciation de titres de participation et devait, par suite, être imposée suivant le régime des moins-values à long terme ; que le résultat déficitaire de l'exercice clos en 2007 de la SA Financière AVR ayant ainsi été ramené de 5 512 803 euros à 2 512 803 euros, l'administration a remis partiellement en cause la créance née du report en arrière du déficit dont elle avait bénéficié, à concurrence de 768 068 euros, somme majorée de 49 157 euros d'intérêts de retard et de 38 403 euros au titre de la majoration de 5 % prévue par l'article 1731 du code général des impôts ; que le ministre des finances et des comptes publics interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de la SA Financière AVR tendant à la restitution de cette créance et à la décharge des pénalités correspondantes ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) Par dérogation aux dispositions des premier et quinzième alinéas, la provision pour dépréciation qui résulte éventuellement de l'estimation du portefeuille est soumise au régime fiscal des moins-values à long terme défini au 2 du I de l'article 39 quindecies (...) " ;
3. Considérant que l'article 38 sexies de l'annexe III à ce code prévoit que : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment (...) les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. " ;
4. Considérant que, quand bien même la somme de 3 millions d'euros litigieuse a, au moins partiellement, transité par un compte courant d'associé, elle a été comptabilisée par la société Kettner international sous la forme d'un " kapitalrücklage " au sens du droit allemand des sociétés, soit une " réserve de capital ", qui donne notamment la possibilité de recapitaliser les sociétés en difficulté sans se soumettre aux contraintes des formalités d'une augmentation de capital ; que cette somme doit être regardée comme un élément du capital propre de la société bénéficiaire, même si elle ne se traduit pas par l'attribution de parts sociales constitutives du capital de la société ; qu'en outre, sauf preuve contraire, l'aide apportée par une société mère à sa filiale doit être réputée augmenter la valeur de sa participation détenue dans le capital de sa filiale ; que, dans ces conditions, faute pour la société intimée de démontrer que la somme litigieuse n'a pas augmenté la valeur de sa participation dans sa filiale, l'administration a pu à bon droit la regarder comme se rattachant directement au prix de revient de ses titres de participations ; que, par suite, la provision constituée par la SA Financière AVR doit s'analyser comme l'ayant été pour faire face à une dépréciation de titres de participation et non au risque de ne pas recouvrer une créance ; qu'elle devait donc être imposée suivant le régime des moins-values à long-terme ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de la SA Financière AVR ;
6. Considérant que l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SA Financière AVR bénéficie d'une somme au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;


DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 mai 2016 est annulé.
Article 2 : Les droits, intérêts de retard et majorations mis à la charge de la SA Financière AVR par avis de mise en recouvrement du 22 novembre 2011 sont remis à sa charge.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SA Financière AVR sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Financière AVR et au ministre de l'action et des comptes publics.


Délibéré après l'audience du 5 octobre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.



Lu en audience publique, le 26 octobre 2017.


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