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Ariane Web: CAA LYON 17LY00642, lecture du 26 octobre 2017

Décision n° 17LY00642
26 octobre 2017
CAA de LYON

N° 17LY00642

6ème chambre - formation à 3
M. POMMIER, président
M. Claude CARRIER, rapporteur
Mme VIGIER-CARRIERE, rapporteur public
BESCOU, avocats


Lecture du jeudi 26 octobre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a demandé au président du tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de la Savoie du 16 janvier 2017 l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant un an.

Par un jugement n° 1700301 du 19 janvier 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 février 2017, M. A... B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 19 janvier 2017 en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français durant un an ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision portant interdiction de retour sur le territoire français susmentionnée.

Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce que le magistrat désigné s'est livré à un contrôle restreint de la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français alors qu'un contrôle normal aurait dû être effectué ;
- il est entaché d'une erreur de droit en ce que le magistrat désigné a regardé comme inopérants les éléments de sa vie privée et familiale en Italie alors que l'interdiction de retour sur le territoire français a des incidences sur sa possibilité de séjour sur le territoire des Etats membres de l'Union européenne ;
- les éléments tenant à sa vie privée et familiale en Italie constituent des circonstances humanitaires qui auraient justifié qu'une interdiction de retour sur le territoire français ne soit pas prise à son encontre.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2017, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par décision du 21 mars 2017, confirmée par ordonnance du président de la cour en date du 3 mai 2017, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Carrier, président-assesseur.

1. Considérant que M. B..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1993, est entré en Italie en février 2015 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour ; que, le 16 janvier 2017, il a été interpellé en France dans le train à grande vitesse Paris-Turin alors que, selon ses dires, il rentrait en Italie en provenance d'Amsterdam et ne faisait que transiter par la France ; que M. B...étant dépourvu de document de séjour ou de voyage en cours de validité, le préfet de la Savoie, par arrêté du même jour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ; que M. B... fait appel du jugement du 19 janvier 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
2. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.(...) " ;
3. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour, y compris lorsqu'elle a été prise à la suite d'une obligation de quitter le territoire sans délai ;
4. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêté contesté que pour estimer que le requérant ne justifiait pas de circonstances humanitaires s'opposant à ce que soit prononcée à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et en fixer la durée à un an, le préfet de la Savoie a notamment pris en compte le caractère très récent de son entrée en France, l'absence de demande de régularisation, ainsi que sa situation personnelle et familiale ;
5. Considérant que M. B...soutient qu'il vit depuis 2015 en Italie chez son oncle et sa tante, qu'il souhaite épouser sa cousine, de nationalité italienne, et solliciter un titre de séjour dans ce pays ; que, toutefois, les attestations qu'il produit, tant celle émanant de son oncle et de sa tante qui certifient qu'ils l'hébergent à Turin, que celle de sa cousine attestant qu'ils vivent en concubinage depuis un an et demi, établies le lendemain de la décision contestée, ne présentent pas de caractère suffisamment probant, alors surtout que lors de son audition par les services de la police de l'air et des frontières il s'est présenté comme célibataire et n'a pas fait état de sa relation de concubinage ; qu'ainsi M. B...n'établit ni l'intensité de sa vie privée et familiale en Italie, ni l'existence d'un droit au séjour dans ce pays ; que, par ailleurs, s'il a mentionné lors de son audition la présence d'un oncle en France, il a toutefois précisé qu'il ne savait pas où il habitait ; que, par suite, et en tout état de cause, M. B..., en se bornant à se prévaloir de ces seuls éléments, n'invoque pas des circonstances humanitaires, au sens des dispositions précitées, susceptibles de justifier qu'une interdiction de retour sur le territoire français emportant signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ne soit pas prononcée à son encontre ; qu'il s'ensuit que le préfet de la Savoie a pu légalement décider de prendre à l'encontre du requérant une interdiction de retour sur le territoire français ; que, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à ce qui a été dit, le préfet n'a pas non plus commis d'erreur d'appréciation en fixant à un an la durée de cette interdiction ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le président arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Beytout, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2017.

N° 17LY00642