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Ariane Web: Conseil d'État 398727, lecture du 28 janvier 2019

Analyse n° 398727
28 janvier 2019
Conseil d'État

N° 398727
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du lundi 28 janvier 2019



19-04-02-03-01-02 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Revenus et bénéfices imposables règles particulières- Revenus des capitaux mobiliers et assimilables- Revenus distribués- Avoir fiscal-

Société française ayant perçu des dividendes de sociétés, dont elle est un actionnaire minoritaire, établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne - Demande de restitution de l'avoir fiscal correspondant - 1) a) Principe - b) Conditions - 2) Application - Société se bornant à produire les taux de l'impôt sur les sociétés dans les différents Etats d'établissement des sociétés distributrices et se prévalant de l'impossibilité matérielle de produire d'autres éléments, en arguant du caractère minoritaire de sa participation et des difficultés à obtenir les informations requises, sans faire état des diligences accomplies à cette fin - Cour estimant ces éléments insuffisants - Méconnaissance des règles de dévolution de la charge de la preuve - Absence.




1) a) Par l'arrêt C-310/09 du 15 septembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que les principes d'équivalence et d'effectivité ne font pas obstacle à ce que la restitution à une société mère des sommes de nature à garantir l'application d'un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de celle-ci établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d'autres Etats membres, donnant lieu à redistribution par cette société mère, soit subordonnée à la condition que le redevable apporte les éléments qu'il est le seul à détenir et relatifs, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d'imposition effectivement appliqué et au montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres Etats membres, alors même que, à l'égard des filiales installées en France, ces mêmes éléments, connus de l'administration, ne sont pas exigés. Dès lors, il n'est pas suffisant d'apporter la preuve que la société distributrice a été imposée, dans son État membre d'établissement, sur les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués, sans fournir les informations relatives à la nature et au taux de l'impôt ayant effectivement frappé ces bénéfices. La Cour de justice a précisé que la production de ces éléments ne peut cependant être requise que sous réserve qu'il ne se révèle pas pratiquement impossible ou excessivement difficile d'apporter la preuve du paiement de l'impôt par les filiales établies dans les autres Etats membres, eu égard notamment aux dispositions de la législation de ces Etats se rapportant à la prévention de la double imposition et à l'enregistrement de l'impôt sur les sociétés devant être acquitté ainsi qu'à la conservation des documents administratifs. Tout en indiquant qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier si ces conditions sont satisfaites, la Cour a précisé que les justificatifs requis ne devraient pas revêtir une forme particulière, l'appréciation ne devant pas être effectuée de manière trop formaliste. Elle a également souligné que l'administration fiscale n'a pas à répondre des difficultés rencontrées par la société mère pour fournir les informations requises relatives à l'impôt acquitté par sa filiale distributrice de dividendes, difficultés liées non pas à la complexité intrinsèque de celles-ci, mais au défaut de coopération éventuel de la part de la filiale concernée, et qu'en outre, la seule existence de mécanismes d'assistance mutuelle ne dispense pas la société mère bénéficiaire de dividendes d'apporter la preuve de l'impôt acquitté par la société distributrice dans un autre État membre. Les principes ainsi dégagés par la CJUE dans le cadre d'un contentieux concernant le précompte mobilier relatif à des distributions de dividendes relevant du régime mères et filiales sont également applicables dans le cas où les distributions de dividendes proviennent de sociétés, établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne, dans lesquelles la société qui sollicite une restitution ne détient que des participations minoritaires et où le crédit d'impôt dont elle réclame le bénéfice à vocation à s'imputer, non sur le précompte mobilier mais sur l'impôt sur les sociétés. Dans l'un et l'autre cas, la société qui perçoit les dividendes a droit à un crédit d'impôt permettant d'assurer un même traitement fiscal des dividendes provenant de sociétés établies en France et de ceux provenant de sociétés établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne. b) Le caractère pratiquement impossible ou excessivement difficile de la preuve du paiement de l'impôt par les sociétés distributrices établies dans les autres Etats membres s'apprécie pour chaque dividende en litige et, le cas échéant, en fonction de circonstances exceptionnelles invoquées par le redevable, de nature à justifier l'impossibilité matérielle de produire les éléments requis. Lorsque le redevable produit des éléments ou se prévaut de l'impossibilité matérielle de les produire, il appartient à l'administration d'apporter des éléments en sens contraire. Il revient alors au juge de l'impôt de se déterminer au vu de l'instruction et d'apprécier, compte tenu de l'argumentation des parties, si, pour le dividende en litige, le redevable justifie de sa demande en restitution. 2) Une cour administrative d'appel ne commet pas d'erreur de droit en jugeant que la seule comparaison des taux de l'impôt sur les sociétés applicables dans chacun des Etats membres d'établissement des sociétés distributrices au taux de l'impôt sur les sociétés applicable en France ne permet pas de vérifier le bien-fondé de leur droit à restitution d'un crédit d'impôt correspondant à l'avoir fiscal qui résultait des dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts (CGI) alors en vigueur et en exigeant que les sociétés requérantes, alors même que les dividendes litigieux provenaient de sociétés cotées dans lesquelles la société, dont elles viennent aux droits et obligations, ne détenait que des participations minoritaires, produisent des éléments relatifs, pour chaque dividende en cause, au taux d'imposition effectivement appliqué et au montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les sociétés distributrices installées dans les autres Etats membres. Cour relevant que, pour justifier de l'impossibilité matérielle de produire les justificatifs requis, d'une part, les sociétés requérantes, se bornaient à se prévaloir du caractère minoritaire de leurs participations dans les sociétés distributrices, de l'insuffisante précision des comptes consolidés de ces sociétés et du caractère disproportionné de la recherche documentaire exigée au regard de l'enjeu de leur demande. Cour estimant, d'autre part, qu'elles n'apportaient aucun élément probant quant à la nature et l'importance des diligences accomplies pour obtenir des informations concernant le montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les sociétés distributrices. Cour relevant enfin que le coût prohibitif allégué des recherches nécessaires pour obtenir ces éléments, au demeurant non précisé, ne paraissait pas pertinent au regard du montant de la restitution demandée. La cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point et ne saurait être regardée comme ayant méconnu le principe du contradictoire, a déduit de ces éléments, qu'elle a souverainement appréciés et ne sont argués d'aucune dénaturation, qu'il ne résultait pas de l'instruction que les sociétés requérantes seraient dans l'impossibilité matérielle d'apporter les justificatifs requis. En statuant ainsi, elle ne méconnaît pas les règles de dévolution de charge de la preuve.

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