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Ariane Web: Conseil d'État 68454, lecture du 20 janvier 1988, ECLI:FR:CESSR:1988:68454.19880120

Décision n° 68454
20 janvier 1988
Conseil d'État

N° 68454
ECLI:FR:CESSR:1988:68454.19880120
Inédit au recueil Lebon
10/ 4 SSR
Védrine, rapporteur
Massot, commissaire du gouvernement


Lecture du 20 janvier 1988
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 mai 1985 et 8 octobre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme CHEMIN-LEBLOND, demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1- réforme le jugement du 7 mars 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a limité à 1 F la somme que la ville de Paris est condamnée à lui verser en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la reprise d'une concession funéraire dont elle était titulaire au cimetière de Bagneux et de l'exhumation des membres de sa famille qui s'y trouvaient,
°2- condamne la ville de Paris à lui verser la somme de 57 000 F en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle a subi,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Védrine, Maître des requêtes,
- les observations de Me Luc-Thaler, avocat de Mme CHEMIN LEBLOND et de Me Foussard, avocat de la Ville de Paris,
- les conclusions de M. Massot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.361-15 du code des communes "les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement. A défaut du payement de cette nouvelle redevance le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l'expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Dans l'intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants-cause peuvent user de leur droit de renouvellement" ;
Considérant que la famille de X... CHEMIN-LEBLOND a acquis le 4 août 1942 une concession d'une durée de trente ans dans le cimetière de Bagneux ; que cette concession est venue à expiration le 4 août 1972 et n'a pas été renouvelée ; qu'ainsi ce terrain a fait retour à la ville de Paris, qui pouvait le reprendre sans aucune formalité à compter du 5 août 1974, les héritiers CHEMIN-LEBLOND n'ayant plus aucun droit sur ledit terrain à compter de cette date ; que l'arrêté préfectoral du 20 avril 1972 portant règlement général sur les cimetières de la ville de Paris qui prévoyait dans son article 33 que "la reprise (des concessions périmées ou abandonnées) est annoncée aux intéressés trois mois à l'avance par voie d'affiches dans les mairies et les conservations" n'est entaché au regard de l'article L.361-15 précité du code des communes d'aucune illégalité en ce qu'il prévoit que "les concessionnaires ne sont jamais prévenus individuellement par l'administration" ;

Considérant qu'il suit de là que la faute commise par l'administration, en faisant le 9 décembre 1975 à une demande de rensegnement de Mme CHEMIN-LEBLOND, la réponse erronée que la concession pourrait être renouvelée du 2 juin 1981 au 1er juin 1983", est sans lien avec le préjudice matériel qui a pu résulter pour Mme CHEMIN-LEBLOND du non-renouvellement de la concession ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que la ville de Paris n'a repris effectivement la concession qu'en 1978 et n'a exhumé qu'à cette date les restes des membres de la famille de X... CHEMIN-LEBLOND ; qu'ainsi la faute commise par l'administration qui a conduit la requérante à ne prendre aucune mesure pratique pour sauvegarder les dépouilles de ses parents et leur assurer une nouvelle sépulture de son choix, est à l'origine pour Mme CHEMIN-LEBLOND d'un préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en condamnant la ville de Paris à lui payer une somme de 10000 F, y compris tous intérêts au jour de la présente décision ;
Article 1er : L'indemnité que la ville de Paris a été condamnée par le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 mars 1985 à payer à Mme CHEMIN-LEBLOND est portée à 10 000 F, y compris tous intérêts au jour de la présente décision.
Article 2 : Le jugement susvisé est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme CHEMIN-LEBLOND, ensemble le recours incident de la ville de Paris, sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme CHEMIN-LEBLOND, à la ville de Paris et au ministre de l'intérieur.


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