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Ariane Web: Conseil d'État 334779, lecture du 16 février 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:334779.20110216

Décision n° 334779
16 février 2011
Conseil d'État

N° 334779
ECLI:FR:CESSR:2011:334779.20110216
Publié au recueil Lebon
3ème et 8ème sous-sections réunies
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur
M. Geffray Edouard, rapporteur public
SCP PEIGNOT, GARREAU, avocats


Lecture du mercredi 16 février 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 2009 et 18 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS, représenté par le président du conseil général ; le département demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 1er octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il a interjeté du jugement du 29 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du 6 février 2007 par laquelle la commission permanente de son conseil général a approuvé l'attribution d'une subvention de 9 700 euros à la section départementale de la fédération syndicale unitaire de la Seine-Saint-Denis pour l'organisation de son congrès annuel à Bobigny ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 et la décision du Conseil constitutionnel n° 2001-455 DC en date du 12 janvier 2002 ;

Vu le décret n° 82-450 du 28 mai 1982 ;

Vu le décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 ;

Vu le décret n° 2005-849 du 25 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Auditeur,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat du DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat du DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 6 février 2007, la commission permanente du conseil général de la Seine-Saint-Denis a accordé une subvention d'un montant de 9 700 euros à la section départementale de la Fédération Syndicale Unitaire (FSU) pour l'organisation de son congrès annuel, qui s'est tenu à Bobigny du 17 au 19 janvier 2007 ; que cette délibération a été déférée par le préfet de la Seine-Saint-Denis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui l'a annulée par un jugement du 29 avril 2008, au motif que la subvention ainsi octroyée ne présentait aucun intérêt départemental ; que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il a interjeté de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3231-3-1 du code général des collectivités territoriales : " Les départements peuvent attribuer des subventions de fonctionnement aux structures locales des organisations syndicales représentatives dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Les organisations ainsi subventionnées sont tenues de présenter au conseil général un rapport détaillant l'utilisation de la subvention " ; que l'article R. 3231 de ce code dispose : " Les départements peuvent attribuer une subvention de fonctionnement aux structures locales des organisations syndicales représentatives qui sont dotées de la personnalité morale et qui remplissent des missions d'intérêt général sur le plan départemental. Ces structures ne peuvent reverser les subventions à d'autres personnes morales et doivent rendre compte de leur utilisation dans le rapport mentionné à l'article L. 3231-3-1. / Les subventions sont attribuées par les assemblées délibérantes de ces collectivités. Les conventions conclues, le cas échéant, avec les structures locales des organisations syndicales représentatives, en application de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 pris pour son application, sont jointes aux délibérations attribuant ces subventions lors de la transmission prévue aux articles L. 3131-1 et L. 3131-2 " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un département peut légalement accorder des subventions aux structures départementales des organisations syndicales qui, en vertu des textes qui leur sont applicables, doivent être regardées comme représentatives au niveau national, au niveau local ou encore dans une branche d'activité ou au sein d'une profession, dès lors que ces subventions ont pour objet de contribuer au financement du fonctionnement courant des organisations syndicales ou d'une ou plusieurs activités particulières qui en relèvent ; qu'un département ne saurait toutefois accorder des subventions pour des motifs politiques ou pour apporter un soutien à l'une des parties dans un conflit collectif du travail, ni traiter inégalement des structures locales également éligibles à son aide ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que les dispositions précitées des articles L. 3231-3-1 et R. 3231 du code général des collectivités territoriales imposent que la délibération décidant l'octroi d'une subvention de fonctionnement à la structure locale d'une organisation syndicale représentative définisse l'intérêt public départemental auquel répond la mission à laquelle cette subvention doit être affectée, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la subvention litigieuse a été accordée pour l'organisation à Bobigny du congrès annuel de la section départementale de la FSU, qui figure parmi les " organisations syndicales de fonctionnaires de l'Etat les plus représentatives " au sens de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 relatif au conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et est, par suite, au nombre des " organisations syndicales représentatives " visées par les dispositions de l'article L. 3231-3-1 du code général des collectivités territoriales ; que, eu égard à son objet, qui relève du fonctionnement courant d'un syndicat, elle constitue une subvention de fonctionnement au sens des mêmes dispositions du code général des collectivités territoriales ; qu'il n'est pas allégué que le département aurait décidé d'accorder cette subvention pour des motifs politiques ou pour apporter un soutien à l'une des parties dans un conflit collectif du travail, ni qu'il aurait méconnu le principe d'égalité ; qu'ainsi, la subvention litigieuse, dont la légalité n'avait pas à être appréciée au regard des dispositions des articles L. 1111-2 et L. 3211-1 du même code, qui ne trouvent à s'appliquer qu'en l'absence de dispositions législatives spéciales autorisant expressément le département à accorder des concours financiers, était de celles que les départements peuvent légalement attribuer en vertu de l'article L. 3231-3-1 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, le département est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accueilli, pour annuler la délibération du 6 février 2007 de la commission permanente de son conseil général, le moyen tiré du défaut d'intérêt public départemental de la subvention litigieuse au regard des dispositions des articles L. 1111-2 et L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la cour administrative d'appel de Versailles ;

Considérant, en premier lieu, que, s'il est loisible à la délibération qui accorde une subvention de fonctionnement à la structure locale d'une organisation syndicale représentative de préciser la ou les activités, relevant du fonctionnement courant de cette structure, qu'elle entend aider, les dispositions des articles L. 3231-3-1 et R. 3231 du code général des collectivités territoriales ne sauraient être regardées, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, comme imposant la définition de l'intérêt public départemental auquel répond l'action à laquelle cette subvention sera affectée ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération du 6 février 2007 serait illégale en ce qu'elle ne définit pas l'intérêt public départemental que présentent l'organisation du congrès de la section de la FSU de la Seine-Saint-Denis et les actions auxquelles peut donner lieu cette manifestation doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que, compte tenu de son montant, l'octroi de la subvention litigieuse n'était pas subordonné, contrairement à ce que soutient le préfet, à la conclusion d'une convention en application des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et du décret du 6 juin 2001 pris pour son application, auxquelles renvoie l'article R. 3231 du code général des collectivités territoriales ; que, si le préfet soutient par ailleurs que l'obligation de présentation du rapport détaillant l'utilisation de la subvention prévu à l'article L. 3231-3-1 du même code n'a pas été respectée, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la délibération attaquée ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du 6 février 2007 de la commission permanente de son conseil général ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 1er octobre 2009 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 avril 2008 est annulé.
Article 3 : Le déféré du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENIS et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


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