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Ariane Web: Conseil d'État 333917, lecture du 7 avril 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:333917.20110407

Décision n° 333917
7 avril 2011
Conseil d'État

N° 333917
ECLI:FR:CESSR:2011:333917.20110407
Publié au recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Martin, président
Mme Christine Grenier, rapporteur
Mme Vialettes Maud, rapporteur public


Lecture du jeudi 7 avril 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 17 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE TRAVAIL-EMPLOI-FORMATION-INSERTION, dont le siège est 43-45 rue de Javel à Paris (75015), représenté par son secrétaire général ; le syndicat requérant demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1128 du 17 septembre 2009 portant adaptation des dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de Pôle emploi ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 ;

Vu le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;




Considérant que l'article L. 311-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi, repris à l'article L. 5312-1 du même code, confie à une institution nationale publique dénommée Pôle emploi, qui résulte de la fusion de l'Agence nationale pour l'emploi et du réseau des associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, la mission de placement et d'accompagnement des demandeurs d'emploi ; qu'aux termes de l'article L. 5312-9 du même code : Les agents de l'institution nationale, qui sont chargés d'une mission de service public, sont régis par le présent code dans les conditions particulières prévues par une convention collective étendue agréée par les ministres chargés de l'emploi et du budget. Cette convention comporte des stipulations, notamment en matière de stabilité de l'emploi et de protection à l'égard des influences extérieures, nécessaires à l'accomplissement de cette mission. / Les règles relatives aux relations collectives de travail prévues par la deuxième partie du présent code s'appliquent à tous les agents de l'institution, sous réserve des garanties justifiées par la situation particulière de ceux qui restent contractuels de droit public. Ces garanties sont définies par décret en Conseil d'Etat ; que le syndicat requérant demande l'annulation du décret du 17 septembre 2009 pris sur le fondement des dispositions précitées et modifiant le décret du 31 décembre 2003 fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de l'Agence nationale pour l'emploi ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 5312-9 du code du travail, sont applicables à tous les agents de Pôle emploi les règles relatives aux relations collectives de travail prévues par la deuxième partie du code du travail, au nombre desquelles figurent celles régissant les institutions représentatives du personnel et notamment le comité d'entreprise ; que les dispositions du III de l'article 6 de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi habilitent le délégué général de l'instance nationale provisoire, que crée cet article en vue de la mise en place de la nouvelle institution, à conclure tous accords et conventions nécessaires à cette mise en place et à la négociation de la convention collective prévue par l'article L. 5312-9 ; que le I du même article a prévu la mise en oeuvre des procédures obligatoires d'information et de consultation des instances représentatives du personnel définies par le code du travail ; que, sur le fondement de ces dispositions, un accord préalable, conclu le 22 décembre 2008, prévoit la création d'un comité central d'entreprise transitoire disposant des attributions économiques du comité central d'entreprise prévu par le code du travail ;

Considérant que l'article L. 2327-2 du code du travail dispose : Le comité central d'entreprise exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement (...) ; qu'il résulte de l'article L. 2327-15 du même code que les comités d'établissement, qui sont créés dans les entreprises comportant des établissements distincts en application de l'article L. 2327-1 ont, en matière économique, les mêmes attributions que les comités d'entreprise dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; qu'aux termes de l'article L. 2323-6 de ce code : Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle. ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que le comité central d'entreprise transitoire de Pôle emploi avait vocation, en l'espèce, à exercer les attributions du comité central d'entreprise sur la question des garanties applicables aux agents de droit public, qui excèdent les attributions économiques du comité d'établissement ; qu'il appartenait, par suite, au pouvoir réglementaire de saisir le directeur général de Pôle emploi afin qu'il procède à la consultation du comité central d'entreprise transitoire sur les questions soulevées par le projet de décret en Conseil d'Etat précisant les garanties applicables aux agents contractuels de droit public prévu par l'article L. 5312-9 et de s'assurer que cette consultation avait été effectuée ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le comité central d'entreprise transitoire a examiné le projet de décret portant adaptation des dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de Pôle emploi lors de sa réunion extraordinaire du 15 juin 2009 ; que la circonstance que les organisations syndicales ont, après discussion sur les principales questions soulevées par ce projet, refusé d'exprimer un avis n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure de consultation ainsi engagée ; qu'en conséquence, le moyen tiré de ce que le décret du 17 septembre 2009 aurait été pris à l'issue d'une procédure de consultation irrégulière doit être écarté, de même que le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne pouvait par suite régulièrement viser cette consultation ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le syndicat requérant soutient que la consultation du comité consultatif paritaire national de l'Agence nationale pour l'emploi, qui est supprimée par le décret attaqué, n'est pas remplacée par celle du comité central d'entreprise de Pôle emploi et que le directeur général de Pôle emploi pourra, en conséquence, prendre seul des décisions de nature à affecter les conditions de travail des agents contractuels de droit public de cette institution en méconnaissance du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui garantit le droit de tout travailleur à participer, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail, il résulte de l'article L. 5312-9 du code du travail précité que les règles relatives aux relations collectives de travail prévues par la deuxième partie de ce code s'appliquent à tous les agents de Pôle emploi, qu'ils soient salariés de droit privé ou agents contractuels de droit public ; qu'ainsi, les articles L. 2323-1 et suivants du code du travail qui prévoient l'information et la consultation du comité d'entreprise sur la marche générale de l'entreprise et, en particulier, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle, les projets de restructuration et de compression des effectifs et les problèmes généraux intéressant les conditions de travail, notamment les conditions d'emploi et les qualifications, sont applicables à Pôle emploi ; qu'il suit de là que les agents contractuels de droit public de Pôle emploi pourront participer, dans le cadre des institutions représentatives du personnel mises en place au sein de cette institution, à la détermination collective de leurs conditions de travail conformément aux dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête du SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE TRAVAIL-EMPLOI-FORMATION-INSERTION doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en tout état de cause, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Pôle emploi au même titre ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête du SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE TRAVAIL-EMPLOI-FORMATION-INSERTION est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Pôle emploi tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL UNITAIRE TRAVAIL-EMPLOI-FORMATION-INSERTION, à Pôle emploi, au Premier ministre et à la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


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