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Ariane Web: Conseil d'État 343170, lecture du 29 juin 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:343170.20110629

Décision n° 343170
29 juin 2011
Conseil d'État

N° 343170
ECLI:FR:CESSR:2011:343170.20110629
Inédit au recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
M. Philippe Martin, président
M. Gilles Pellissier, rapporteur
M. Julien Boucher, rapporteur public
SCP BOULLOCHE ; FOUSSARD, avocats


Lecture du mercredi 29 juin 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre et 7 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Ibrahima A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 09011258 du 25 février 2010 par laquelle le vice-président de la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 mai 2009 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Boulloche, avocat de M. A, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 1er et 61-1 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. A et de Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boulloche, avocat de M. A et à Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;



Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ; que constitue notamment un changement des circonstances l'existence de normes constitutionnelles qui n'étaient pas applicables lors de l'examen initial de la loi par le Conseil constitutionnel ainsi que le changement des circonstances de droit ou de fait ; qu'en ce qui concerne les normes constitutionnelles applicables, leur intervention ne peut cependant conduire à ce que la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative déjà déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel lui soit de nouveau transmise qu'à la condition qu'elles ne soient pas manifestement dénuées de tout rapport avec la constitutionnalité de la disposition législative contestée ;

Considérant que le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003, a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conformes à la Constitution les dispositions codifiées à l'article L. 733-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aucun changement de circonstances survenu depuis cette décision n'est de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 733-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient contraires aux principes constitutionnels d'égalité, des droits de la défense, du caractère contradictoire de la procédure, du droit au recours, d'impartialité du juge, du droit d'asile, de la liberté d'opinion, de l'interdiction de la peine de mort et de bonne administration de la justice ne présente pas de caractère sérieux ;

Sur les autres moyens du pourvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ;

Considérant que, pour demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, M. A soutient que la cour n'a pu régulièrement rejeter sa demande sans respecter les principes du caractère contradictoire de la procédure et sans tenir d'audience ; que l'ordonnance n'est pas signée du président qui l'a rendue ; que la cour n'a pu sans commettre d'erreur de fait juger non probantes les pièces nouvellement versées au dossier ; que la cour s'est prononcée par un motif hypothétique ; que la procédure prévue aux articles L. 733-2 et R. 733-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaît les principes d'égalité devant la justice, le droit à un procès équitable et à un recours effectif, les droits de la défense et le droit d'asile garantis notamment par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.

Article 2 : Le pourvoi de M. A n'est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ibrahima A, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.