Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 338894, lecture du 28 septembre 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:338894.20110928

Décision n° 338894
28 septembre 2011
Conseil d'État

N° 338894
ECLI:FR:CESSR:2011:338894.20110928
Mentionné au tables du recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Jacques Arrighi de Casanova, président
M. Fabrice Aubert, rapporteur
M. Nicolas Boulouis, rapporteur public
SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN ; BOUTHORS, avocats


Lecture du mercredi 28 septembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 22 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE POISSY-SAINT-GERMAIN-EN-LAYE, dont le siège est au 20 rue Armagis BP 231 à Saint-Germain-en-Laye (78105) ; le centre hospitalier demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08VE00243 du 18 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 0506197-0609418 du 30 novembre 2007 du tribunal administratif de Versailles et l'a condamné à verser à la société Thermosani, la somme de 20 452,77 euros augmentée des intérêts moratoires à compter du 1er février 2006, au titre du solde d'un marché de réalisation de travaux d'aménagements d'un bloc obstétrical, ainsi que les intérêts moratoires à compter du 1er février 2006 sur la somme de 2 518,78 euros au titre de la période du 1er février 2006 au 14 avril 2006 ;

2°) de mettre à la charge de la société Thermosani le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabrice Aubert, Auditeur,

- les observations de la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE POISSY SAINT GERMAIN EN LAYE et de Me Bouthors, avocat de la société Thermosani,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE POISSY SAINT GERMAIN EN LAYE et à Me Bouthors, avocat de la société Thermosani ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE POISSY-SAINT-GERMAIN-EN-LAYE a confié à la société Thermosani un lot portant sur des travaux de plomberie, chauffage et ventilation, dans le cadre d'un marché portant sur l'aménagement d'un bloc obstétrical ; que le directeur du centre hospitalier a été contractuellement désigné comme personne responsable du marché ; qu'à la suite de retards d'exécution imputables à la société Thermosani, le centre hospitalier a prononcé sa mise en régie et confié les travaux non effectués à des entreprises tierces ; que le centre hospitalier a notifié le 24 novembre 2005 à la société Thermosani le décompte général du marché, par un courrier signé par la directrice des travaux, en tenant compte des frais de retard et de travaux supplémentaires imputables à la société ; que par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif de Versailles rejetant les demandes de la société Thermosani et condamné le centre hospitalier à verser à cette dernière une somme 20 452,77 euros en règlement du solde du marché ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés publics de travaux auquel était soumis le marché litigieux, dans sa rédaction alors applicable : " le décompte général est (...) signé par la personne responsable du marché " ;

Considérant que la signature du décompte général, établi après vérification du service fait en vue de fixer la rémunération du cocontractant, vaut liquidation de la dépense et que sa transmission au comptable public entraîne le paiement des sommes dues au titulaire du marché ; que le décompte général, en principe signé par la personne responsable du marché, peut ainsi l'être par le titulaire de sa délégation de signature pour les actes d'ordonnancement et de liquidation de la dépense ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit en jugeant que la directrice des travaux n'avait pas reçu compétence pour signer le décompte général du marché, tout en relevant qu'elle disposait d'une délégation de signature du directeur et ordonnateur de l'établissement public, contractuellement désigné comme personne responsable du marché, pour " liquider, ordonnancer et mandater les dépenses " en son nom ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction alors applicable : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois (...) / Si la signature du décompte générale est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation (...) " ; qu'aux termes de l'article 13.45 de ce cahier : " dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours (...), ce décompte est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE POISSY-SAINT-GERMAIN-EN-LAYE a notifié le décompte général du marché à la société Thermosani le 24 novembre 2005 ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, ce décompte a été compétemment signé par une personne ayant reçu délégation de signature à cet effet ; que si, eu égard à sa nature et à sa portée, cette délégation de signature devait être régulièrement publiée, aucun texte ni aucun principe n'imposait au centre hospitalier de la notifier à la société Thermosani ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction que le courrier adressé à la société le 12 décembre 2005 se borne à rappeler la teneur du décompte notifié le 24 novembre 2005, auquel il ne se substitue pas ; que cette notification du décompte général est ainsi le point de départ du délai de trente jours prévu à l'article 13.45 du cahier des clauses administratives générales, à l'expiration duquel le décompte général devient définitif ; que, par suite, le mémoire en réclamation présenté le 3 janvier 2006 par la société Thermosani est intervenu après l'expiration de ce délai, à une date où le décompte ne pouvait plus être contesté ; que, par suite, la société Thermosani n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes comme irrecevables ;

Considérant que les conclusions présentées à titre subsidiaire par la société Thermosani, tendant à la condamnation du centre hospitalier pour manoeuvre dolosive, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, reposent sur une cause juridique distincte de la responsabilité contractuelle invoquée en première instance ; que ces conclusions, constitutives d'une demande nouvelle en appel, sont, par suite, irrecevables ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Thermosani le versement au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE POISSY-SAINT-GERMAIN-EN-LAYE de la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés en cassation et en appel ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au même titre ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 18 février 2010 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la société Thermosani devant la cour administrative d'appel de Versailles et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Thermosani versera au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE POISSY-SAINT-GERMAIN-EN-LAYE une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE POISSY-SAINT-GERMAIN-EN-LAYE et à la société Thermosani.


Voir aussi