Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 348858, lecture du 28 septembre 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:348858.20110928

Décision n° 348858
28 septembre 2011
Conseil d'État

N° 348858
ECLI:FR:CESSR:2011:348858.20110928
Inédit au recueil Lebon
1ère sous-section jugeant seule
M. Christophe Chantepy, président
M. Jean Lessi, rapporteur
Mme Claire Landais, rapporteur public
SCP LAUGIER, CASTON ; LE PRADO, avocats


Lecture du mercredi 28 septembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le mémoire, enregistré le 22 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme Lucienne A, demeurant ..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; Mme A demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 09BX02709 du 28 septembre 2010 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant son appel dirigé contre le jugement du 1er octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 septembre 1967, du 6 novembre 1967 et du 15 juillet 1968 par lesquelles le directeur de l'hôpital psychiatrique de Naugeat - devenu le centre hospitalier spécialisé Esquirol - l'a respectivement admise dans son établissement sous le régime du placement volontaire, réintégrée après une sortie d'essai et admise en service libre, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 336, L. 337, L. 338, L. 339, L. 340 et L. 341 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 66 et 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de Mme A et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier spécialisé Esquirol,

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Laugier, Caston, avocat de Mme A et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier spécialisé Esquirol ;




Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que les articles L. 336, L. 337, L. 338, L. 339, L. 340 et L. 341 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, sont applicables au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le constituant, en adoptant l'article 61-1 de la Constitution, a reconnu à tout justiciable le droit de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit ; que la modification ou l'abrogation ultérieure de la disposition contestée ne fait pas disparaître l'atteinte éventuelle à ces droits et libertés ; qu'elle n'ôte pas son effet utile à la procédure voulue par le constituant ; que, par suite, elle ne saurait faire obstacle, par elle-même, à la transmission de la question au Conseil constitutionnel au motif de l'absence de caractère sérieux de cette dernière ; que le moyen tiré de ce que les dispositions contestées, en ce qu'elles permettent le maintien d'une personne sous le régime du placement volontaire au-delà d'une durée de quinze jours sans intervention de l'autorité judiciaire, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à la liberté individuelle ainsi qu'à la protection de celle-ci par l'autorité judiciaire en vertu de l'article 66 de la Constitution, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles L. 336, L. 337, L. 338, L. 339, L. 340 et L. 341 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 90-527 du 27 juin 1990, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de Mme A jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Lucienne A, au centre hospitalier spécialisé Esquirol, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et au Premier ministre.