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Ariane Web: Conseil d'État 341775, lecture du 28 novembre 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:341775.20111128
Decision n° 341775
Conseil d'État

N° 341775
ECLI:FR:CESSR:2011:341775.20111128
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème et 5ème sous-sections réunies
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, avocats


Lecture du lundi 28 novembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu 1°), sous le n° 341775, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juillet et 21 octobre 2010, présentés pour la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE, dont le siège est 47 et 49 avenue Simon Bolivar à Paris (75950 Cedex 19), représentée par son secrétaire général ; la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mai 2010 portant définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation pour l'exercice de leur métier ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu 2°), sous le n° 343288, la requête, enregistrée le 14 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DES ENSEIGNEMENTS DE SECOND DEGRE, dont le siège est 46, avenue d'Ivry à Paris (75647 Cedex 13), représenté par son secrétaire général ; le SYNDICAT NATIONAL DES ENSEIGNEMENTS DE SECOND DEGRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mai 2010 portant définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation pour l'exercice de leur métier, y compris son annexe, l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation de certains personnels stagiaires de l'enseignement du second degré relevant du ministre chargé de l'éducation et l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré stagiaires ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


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Vu 3°), sous le n° 343336, la requête, enregistrée le 16 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEURE-F.S.U., dont le siège est 78, rue du Faubourg Saint-Denis à Paris (75010), représenté par son secrétaire général ; le SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEURE-F.S.U. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mai 2010 portant définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation pour l'exercice de leur métier ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


....................................................................................


Vu 4°), sous le n° 343362, la requête, enregistrée le 17 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION SAUVONS L'UNIVERSITE, dont le siège est 3, rue du Dessous des Berges à Paris (75013), représentée par son président, la FEDERATION DES CONSEILS DES PARENTS D'ELEVES DES ECOLES PUBLIQUES, dont le siège est 108 et 110, avenue Ledru-Rollin à Paris (75554), représentée par son président, la FEDERATION DES SYNDICATS SUD EDUCATION, dont le siège est 17, boulevard de la Libération à Saint-Denis (93200), représentée par son secrétaire, l'ASSOCIATION GENERALE DES ETUDIANTS PARIS-SORBONNE UNIVERSITE PARIS IV, dont le siège est 1, rue Victor Cousin à Paris (75005), représentée par son président, et la FEDERATION DES SYNDICATS SUD-ETUDIANT, dont le siège est aux 25 et 27 , rue des Envierges à Paris (75020), représentée par son secrétaire ; l'ASSOCIATION SAUVONS L'UNIVERSITE et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mai 2010 portant définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation pour l'exercice de leur métier ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 novembre 2011, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DES ENSEIGNEMENTS DE SECOND DEGRE ;

Vu la Constitution, notamment son préambule ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 ;

Vu les décrets n°s 2009-913, 2009-914, 2009-915, 2009-916, 2009-917 et 2009-918 du 28 juillet 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION NATIONALE,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION NATIONALE,



Considérant que ces requêtes sont dirigées en partie contre le même arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 12 mai 2010 portant définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation pour l'exercice de leur métier :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'éducation, issu de la loi du 23 avril 2005 visée ci-dessus : " La formation des maîtres est assurée par les instituts universitaires de formation des maîtres (...) / La formation dispensée dans les instituts universitaires de formation des maîtres répond à un cahier des charges fixé par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale après avis du haut conseil de l'éducation (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 721-1 du code de l'éducation : " (...) Dans le cadre des orientations définies par l'Etat, ces instituts universitaires de formation des maîtres conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants (...) " ; qu'en vertu des décrets du 28 juillet 2009 visés ci-dessus, qui modifient les décrets statutaires des corps des conseillers principaux d'éducation, des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré, des professeurs certifiés, des professeurs d'éducation physique et sportive, des professeurs des écoles et des professeurs de lycée professionnel, les modalités du stage qu'effectuent ces fonctionnaires et les conditions de son évaluation en vue de leur titularisation dans leurs corps respectifs, sont arrêtées par le ministre chargé de l'éducation ;

Considérant que l'arrêté du 12 mai 2010 attaqué, pris sur le fondement des dispositions des décrets du 28 juillet 2009, fixe, en son article 1er, la liste des dix compétences que doivent maîtriser les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation dans l'exercice de leur métier ; qu'il prévoit, en son article 2, que la maîtrise de ces compétences est évaluée au plus tard au moment de la titularisation ; qu'enfin, par son article 3, il abroge l'arrêté interministériel du 19 décembre 2006 portant cahier des charges de la formation des maîtres en institut universitaire de formation des maîtres ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article L. 625-1 du code de l'éducation que les conditions d'évaluation du stage de titularisation des professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation doivent être définies par un arrêté interministériel des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale, mais seulement que les formations dispensées dans les instituts universitaires de formation des maîtres dans le cadre de ce stage doivent respecter le cahier des charges arrêté, en application de ces dispositions, par les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale ; qu'en permettant au ministre de l'éducation nationale de fixer par arrêté les modalités et les conditions d'évaluation du stage de titularisation des professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation, notamment par la définition des compétences que doivent avoir acquis les stagiaires en vue de leur titularisation, les décrets du 28 juillet 2009 susvisés n'ont pas méconnu les dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'éducation ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le ministre de l'éducation nationale n'était pas devenu compétent, d'une part, pour préciser, par l'arrêté du 12 mai 2010 attaqué, les dix compétences professionnelles sur lesquelles les stagiaires seront évalués au plus tard au moment de leur titularisation, d'autre part, pour abroger les dispositions de l'article 5 de l'arrêté interministériel du 19 décembre 2006 portant cahier des charges de la formation des maîtres en institut universitaire de formation des maîtres et de la troisième partie de son annexe, qui fixaient la liste de ces compétences ; qu'en revanche, ils sont fondés à soutenir que le ministre de l'éducation nationale n'était pas compétent pour abroger seul les autres dispositions de l'arrêté interministériel du 19 décembre 2006 portant cahier des charges de la formation des maîtres en institut universitaire de formation des maîtres ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté attaqué n'édicte pas un cahier des charges pour les instituts universitaires de formation des maîtres en application de l'article L. 625-1 du code de l'éducation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'éducation et de l'arrêté interministériel du 19 décembre 2006 portant cahier des charges de la formation des maîtres en institut universitaire de formation des maîtres ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'arrêté attaqué n'a pas été pris en application de l'article L. 625 -1 du code de l'éducation ; qu'en outre, il ne résulte d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que le ministre chargé de l'éducation nationale aurait dû consulter le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche et le haut conseil de l'éducation avant d'édicter l'arrêté attaqué ; qu'ainsi les moyens tirés de ce que des consultations obligatoires auraient été omises doivent être écartés ;

Considérant, en quatrième lieu, que le ministre n'a pas méconnu sa compétence en se bornant à définir les objectifs du stage de titularisation sans en préciser, dans l'arrêté attaqué, les modalités d'organisation et d'évaluation ;

Considérant, en cinquième lieu, que l'arrêté attaqué s'appliquera indistinctement à tous les stagiaires concernés et qu'il n'a pas, par lui-même, pour effet de différencier la formation dispensée aux stagiaires selon leur lieu d'affectation ; qu'ainsi les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité et d'égale admissibilité aux emplois publics ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, en sixième lieu, que la définition des compétences attendues des stagiaires concernés par l'arrêté attaqué ne met pas en jeu l'indépendance des enseignants-chercheurs et que, par suite, ce moyen est inopérant ;

Considérant, en septième lieu, que le ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne précisant pas quelles compétences sont plus particulièrement attendues des documentalistes et des conseillers principaux d'éducation ;

Sur les conclusions dirigées contre les deux arrêtés du 12 mai 2010 portant, d'une part, modalités d'évaluation et de titularisation de certains personnels stagiaires de l'enseignement du second degré relevant du ministre chargé de l'éducation, d'autre part, modalités d'évaluation et de titularisation des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré stagiaires :

Considérant que le premier de ces deux arrêtés a pour objet de fixer les modalités d'évaluation et de titularisation à l'issue de leur stage des conseillers principaux d'éducation, des professeurs certifiés, des professeurs d'éducation physique et sportive et des professeurs de lycée professionnel ; qu'il prévoit notamment qu'un jury académique est constitué par corps d'accès et que ce jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences fixé par l'arrêté du 12 mai 2010 examiné ci-dessus ; que le second arrêté prévoit une procédure spécifique pour les professeurs agrégés, dont le stage est évalué par un inspecteur général de l'éducation nationale ;

Considérant que les moyens tirés de ce que ces arrêtés méconnaîtraient le droit à la formation professionnelle que les fonctionnaires tiennent du préambule de la Constitution et de l'article 22 de la loi du 13 juillet 1983 ne sont pas assortis des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; que le ministre pouvait, sans erreur manifeste d'appréciation, décider de ne pas adapter le stage de titularisation selon que les stagiaires ont déjà ou non une expérience professionnelle d'enseignement ; que l'annulation partielle de l'article 3 de l'arrêté du 12 mai 2010 portant définition des compétences à acquérir par ces personnels n'entraîne pas par voie de conséquence l'annulation des autres arrêtés attaqués, qui sont sans rapport avec les dispositions de cet article ;

Considérant que, par l'article 6 de l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré stagiaires, le ministre a abrogé l'arrêté du 2 juillet 1991 relatif au contenu des formations organisées par les instituts universitaires de formation des maîtres ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'éducation que le ministre n'était pas compétent pour abroger les dispositions de cet arrêté qui concernent les formations dispensées dans les instituts universitaires de formation des maîtres, cette abrogation ne pouvant être effectuée, en vertu des dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'éducation, que par un arrêté interministériel ; qu'ainsi, il y a lieu d'annuler l'article 6 de l'arrêté du 12 mai 2010 en tant qu'il abroge les dispositions de l'arrêté du 2 juillet 1991 autres que celles de l'article 3 de cet arrêté, lesquelles concernent la procédure de titularisation et pouvaient être légalement abrogées par le ministre ; qu'en revanche, le ministre n'était pas tenu de remplacer dans le même arrêté les dispositions de l'arrêté du 2 juillet 1991 qu'il a pu légalement abroger par son arrêté du 12 mai 2010 ;

Sur la question de la limitation dans le temps des effets des annulations prononcées :

Considérant qu'il convient de surseoir à statuer sur la date d'effet de ces annulations, jusqu'à ce que les parties aient débattu de la question de savoir s'il y a lieu, en l'espèce, de limiter dans le temps les effets des annulations ainsi prononcées, ainsi d'ailleurs que l'a sollicité le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative dans le dernier état de ses écritures ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les sommes que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 de l'arrêté du 12 mai 2010 portant définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation pour l'exercice de leur métier est annulé en tant qu'il abroge les dispositions de l'arrêté interministériel du 19 décembre 2006 portant cahier des charges de la formation des maîtres en institut universitaire de formation des maîtres autres que celles de son article 5 et de la troisième partie de son annexe.

Article 2 : L'article 6 de l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré stagiaires est annulé en tant qu'il abroge les dispositions de l'arrêté du 2 juillet 1991 autres que celles de l'article 3 de cet arrêté.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur la date d'effet de ces annulations, jusqu'à ce que les parties aient débattu de la question de savoir s'il y a lieu, en l'espèce, de limiter dans le temps les effets des annulations prononcées aux articles 1er et 2 de la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES ENSEIGNEMENTS DE SECOND DEGRE, au SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEURE-F.S.U., à l'ASSOCIATION SAUVONS L'UNIVERSITE, à la FEDERATION DES CONSEILS DES PARENTS D'ELEVES DES ECOLES PUBLIQUES, à la FEDERATION DES SYNDICATS SUD EDUCATION, à l'ASSOCIATION GENERALE DES ETUDIANTS PARIS-SORBONNE UNIVERSITE PARIS IV, à la FEDERATION DES SYNDICATS SUD-ETUDIANT, à la FEDERATION DES SYNDICATS GENERAUX DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE PUBLIQUE et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.