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Ariane Web: Conseil d'État 354200, lecture du 23 décembre 2011, ECLI:FR:CESJS:2011:354200.20111223

Décision n° 354200
23 décembre 2011
Conseil d'État

N° 354200
ECLI:FR:CESJS:2011:354200.20111223
Inédit au recueil Lebon
6ème sous-section jugeant seule
Mme Christine Maugüé, président
Mme Nadia Bergouniou-Gournay, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SPINOSI, avocats


Lecture du vendredi 23 décembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le mémoire, enregistré le 21 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BASTIA, dont le siège est au rond-point de Moro Giafferi à Bastia (20200), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BASTIA demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du décret n° 2011-1520 du 14 novembre 2011 relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 706-88-2 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ;



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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu l'article 706-88-2 du code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nadia Bergouniou-Gournay, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Spinosi, avocat de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BASTIA,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BASTIA :



Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que l'article 706-88-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, est applicable au présent litige ; que cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que cette disposition, qui prévoit la faculté, pour le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction d'apporter une restriction au libre choix de l'avocat des personnes gardées à vue pour des faits de terrorisme, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux droits de la défense et à l'égalité entre les justiciables, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;


D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 706-88-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BASTIA jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BASTIA, au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés et au Premier ministre.