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Ariane Web: Conseil d'État 343450, lecture du 30 décembre 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:343450.20111230

Décision n° 343450
30 décembre 2011
Conseil d'État

N° 343450
ECLI:FR:CESSR:2011:343450.20111230
Publié au recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Christian Vigouroux, président
M. Jean Lessi, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public


Lecture du vendredi 30 décembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu, 1° sous le n° 343450, la requête sommaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 23 septembre 2010 et 14 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'ASSOCIATION FASTE SUD-AVEYRON, dont le siège est au Brox à Brusque (12360), représentée par son président ; l'ASSOCIATION FASTE SUD AVEYRON demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-870 du 26 juillet 2010 relatif à la procédure d'appel à projet et d'autorisation mentionnée à l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles en tant qu'il s'applique aux lieux de vie et d'accueil ;


Vu, 2° sous le n° 343518, la requête, enregistrée le 27 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION GROUPE D'ETUDE ET DE RECHERCHE POUR ET SUR LA PRATIQUE EN LIEU D'ACCUEIL (GERPLA), dont le siège est La Coumette à Pouyloubrin (32260) ; l'ASSOCIATION GERPLA demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2010-870 du 26 juillet 2010 relatif à la procédure d'appel à projet et d'autorisation mentionnée à l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles en tant qu'il s'applique aux lieux de vie et d'accueil ;


....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 décembre 2011, présentée par le ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;

Vu la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;



Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les projets (...) de création, de transformation et d'extension d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux relevant de l'article L. 312-1 ainsi que les projets de lieux de vie et d'accueil sont autorisés par les autorités compétentes (...) / Lorsque les projets font appel partiellement ou intégralement à des financements publics, ces autorités délivrent l'autorisation après avis d'une commission de sélection d'appel à projet social ou médico-social qui associe des représentants des usagers. L'avis de cette dernière n'est toutefois pas requis en cas d'extension inférieure à un seuil. (...)/ Les conditions d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat, à l'exception du seuil mentionné au deuxième alinéa, qui l'est par décret. (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, est intervenu le décret du 26 juillet 2010 relatif à la procédure d'appel à projet et d'autorisation mentionnée à l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles dont l'ASSOCIATION FASTE SUD AVEYRON et l'ASSOCIATION GROUPE D'ETUDE ET DE RECHERCHE POUR ET SUR LA PRATIQUE DES LIEUX D'ACCUEIL demandent l'annulation pour excès de pouvoir en tant qu'il s'applique aux établissements dénommés " lieux de vie et d'accueil " ; que les requêtes de ces deux associations étant dirigées contre le même décret, il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

Considérant qu'il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles que le décret attaqué n'a pour objet d'organiser une procédure d'appel à projet que pour les créations, transformations et extensions d'établissements ou de services qui font appel à des financements publics ; que, dès lors, l'affirmation selon laquelle certains " lieux de vie et d'accueil " ne feraient jamais appel à des financements publics est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de ce décret, qui n'a pas pour effet d'imposer des appels à projet pour les créations, transformations ou extensions de " lieux de vie et d'accueil " qui ne font pas appel à des financements publics ;

Considérant que l'article R. 313-3-1 du code de l'action sociale et des familles, introduit dans ce code par le décret attaqué, dispose que le cahier des charges de tout appel à projet doit identifier : " Les besoins sociaux et médico-sociaux à satisfaire (...) conformément aux schémas d'organisation sociale ou médico-sociale ainsi qu'au programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie lorsqu'il en relève " ; que s'il résulte des dispositions des articles L. 312-5 et L. 312-5-1 du code de l'action sociale et des familles que les " lieux de vie et d'accueil " qui ne revêtent pas le caractère d'établissement ou service social ou médico-social n'ont à être prévus ni par un schéma d'organisation sociale et médico-sociale ni par un programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la disposition citée ci-dessus, laquelle n'impose au cahier des charges de l'appel à projet de se référer à ces schémas ou programmes que pour le cas où le type de structure concerné par l'appel à projet relèverait de l'un d'entre eux ; que les requérants ne sauraient par ailleurs sérieusement soutenir que le décret litigieux aurait pour effet de faire désormais relever les " lieux de vie et d'accueil " des schémas d'organisation sociale et médico-sociale ou des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie ;

Considérant que les associations requérantes soutiennent que la mise en oeuvre de la procédure d'appel à projet au niveau d'un département ou d'une région serait inadaptée aux caractéristiques propres des " lieux de vie et d'accueil ", en raison notamment de ce que ces derniers ont vocation à héberger des personnes originaires de tout le territoire national et de ce qu'ils proposent un mode d'accueil spécifique reposant sur des structures de petite taille ; que, toutefois, tant le principe de l'appel à projet que sa mise en oeuvre au niveau régional ou départemental doivent être regardés comme résultant directement de la combinaison, d'une part des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 313-1-1, qui instituent les commissions de sélection d'appel à projet auprès des autorités compétentes pour autoriser chaque structure et, d'autre part, des dispositions de l'article L. 313-3, qui confèrent cette compétence d'autorisation au directeur général de l'agence régionale de santé, le cas échéant conjointement avec le représentant de l'Etat dans le département ou avec le président du conseil général ; que, par suite, les associations requérantes ne sauraient utilement soutenir que le décret est entaché sur ce point d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles que les extensions d'établissements et services sociaux et médico-sociaux et de lieux de vie et d'accueil inférieures à un seuil défini par décret ne sont pas soumises à la procédure d'appel à projet ; que l'article D. 313-2 du code de l'action sociale et des familles, introduit dans ce code par le décret attaqué, prévoit que le seuil mentionné au I de l'article L. 313-1-1 " correspond à une augmentation de 30 % ou de quinze places ou lits de la capacité initialement autorisée, que cette augmentation soit demandée et atteinte en une ou plusieurs fois " ; que le critère de 30 % ainsi retenu peut avoir pour effet de soumettre à la procédure d'appel à projet l'immense majorité des projets d'extension des " lieux de vie et d'accueil ", dont la capacité initialement autorisée est limitée à quelques places ; que, dans ces conditions, eu égard à l'objet du seuil voulu par le législateur, qui est de soustraire à la procédure d'appel à projet les extensions les plus mineures, le seuil retenu par le pouvoir réglementaire, compte tenu de la spécificité de ces structures, méconnaît la portée de la loi ; que les requérants sont, par suite, fondés à demander l'annulation des dispositions nouvelles de l'article D. 313-2 du code de l'action sociale et des familles, qui sont divisibles du reste du décret attaqué, en tant que le seuil de 30 % qu'elles prévoient s'applique aux lieux de vie et d'accueil ;

Considérant, enfin, qu'aux termes des stipulations du j) du paragraphe 2 de l'article 2 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, cette directive ne s'applique pas aux " services sociaux relatifs au logement social, à l'aide à l'enfance et à l'aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l'État, par des prestataires mandatés par l'État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l'Etat " ; qu'il résulte clairement de ces stipulations que peuvent être regardés comme des " prestataires mandatés par l'Etat " des organismes soumis par l'Etat à des obligations particulières, s'agissant de leur création, de leur organisation, notamment en termes de structure et de financement, et de leur fonctionnement ; que, par suite, compte tenu des dispositions des articles L. 313-1, L. 313-1-1, et L. 313-13 à L. 313-20 du code de l'action sociale et des familles qui leur sont applicables, les " lieux de vie et d'accueil ", qui visent en vertu de l'article D. 316-1 du même code à favoriser l'insertion sociale des personnes accueillies par un accompagnement continu et quotidien, constituent des prestataires mandatés par l'Etat pour accomplir un service social, au sens de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ; que cette dernière n'est dès lors pas applicable aux " lieux de vie et d'accueil " ; que les moyens tirés de ce que le décret attaqué serait incompatible avec ses objectifs sont inopérants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont fondées à demander l'annulation du décret qu'elles attaquent qu'en tant que le seuil de 30 % prévu par les nouvelles dispositions de l'article D. 313-2 qu'il insère dans le code de l'action sociale et des familles s'applique aux lieux de vie et d'accueil ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le décret n° 2010-870 du 26 juillet 2010 est annulé en tant que le seuil de 30 % prévu par les nouvelles dispositions de l'article D. 313-2 qu'il insère dans le code de l'action sociale et des familles s'applique aux lieux de vie et d'accueil.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ASSOCIATION FASTE SUD AVEYRON et la requête de l'ASSOCIATION GROUPE D'ETUDE ET DE RECHERCHE POUR ET SUR LA PRATIQUE DES LIEUX D'ACCUEIL sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION FASTE SUD AVEYRON, à l'ASSOCIATION GROUPE D'ETUDE ET DE RECHERCHE POUR ET SUR LA PRATIQUE DES LIEUX D'ACCUEIL, au Premier ministre et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.




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