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Ariane Web: Conseil d'État 349549, lecture du 25 janvier 2012, ECLI:FR:CESSR:2012:349549.20120125

Décision n° 349549
25 janvier 2012
Conseil d'État

N° 349549
ECLI:FR:CESSR:2012:349549.20120125
Inédit au recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Jacques Arrighi de Casanova, président
M. Jean Lessi, rapporteur
Mme Claire Landais, rapporteur public
SCP BLANC, ROUSSEAU, avocats


Lecture du mercredi 25 janvier 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES (FNAT), dont le siège est 94, rue Saint-Lazare à Paris (75009), pour l'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES (UNAF), dont le siège est 28, place Saint-Georges à Paris (75009) et pour l'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS, DE PERSONNES HANDICAPEES MENTALES ET LEURS AMIS (UNAPEI), dont le siège est 15, rue Coysevox à Paris cedex 18 (75876) ; la FNAT et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction du 10 décembre 2010 du directeur général de la cohésion sociale relative à l'indemnité complémentaire allouée à titre exceptionnelle aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs, ainsi que la décision du 22 mars 2011 rejetant leur recours gracieux contre cette instruction ;

2°) subsidiairement, d'annuler pour excès de pouvoir ces deux décisions en tant qu'elles prévoient que l'indemnité complémentaire n'est pas déduite du tarif mensuel forfaitaire des mandataires personnes physiques exerçant à titre individuel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les observations de la SCP Blanc, Rousseau, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES et autres,

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Blanc, Rousseau, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES et autres,




Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre des solidarités et de la cohésion sociale :

Considérant que les énonciations par lesquelles l'instruction du directeur général de la cohésion sociale du 10 décembre 2010 relative à l'indemnité complémentaire allouée à titre exceptionnel aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM), adressée aux préfets de région et de département, indique en particulier que S'agissant des services MJPM financés par dotation globale de fonctionnement (DGF) (...) les produits de cette indemnité exceptionnelle devront venir en atténuation du montant de leur DGF en application de l'article R. 314-106 du code de l'action sociale et des familles et que Pour les mandataires individuels, cette indemnité exceptionnelle n'est pas prise en compte pour l'allocation du financement public prévu par l'arrêté du 31 décembre 2008 relatif aux tarifs mensuels , revêtent un caractère impératif ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que les conclusions de la requête seraient irrecevables ;

Sur la légalité de l'instruction litigieuse et de la décision refusant de la retirer :

Considérant qu'il résulte des trois premiers alinéas de l'article 419 du code civil ainsi que du premier alinéa de l'article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles que les mesures de protection exercées par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs sont prises en charge par la personne protégée en fonction de ses ressources, ou, à titre subsidiaire, par la collectivité publique ; qu'il résulte du quatrième alinéa de l'article 419 du code civil et du second alinéa de l'article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles qu'une indemnité complémentaire peut être attribuée à titre exceptionnel pour l'accomplissement d'actes requis par la mise en oeuvre de la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, lorsque les sommes perçues par le mandataire au titre des alinéas précédents sont manifestement insuffisantes ; qu'en vertu de ces mêmes dispositions, cette indemnité complémentaire est, à la différence de la rémunération de base du mandataire résultant des alinéas précédents, à la charge exclusive de la personne protégée ;

Considérant, d'une part, que les cinq premiers alinéas du I de l'article L. 361-1 du même code prévoient que, déduction faite de la participation financière du majeur protégé en application de l'article L. 471-5, les services mentionnés au 14° du I de l'article L. 312-1, qui mettent en oeuvre des mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire, bénéficient de financements publics versés, selon la situation du bénéficiaire de la mesure de protection, par l'Etat, un organisme de sécurité sociale ou une collectivité territoriale, ou par plusieurs de ces financeurs ; que le sixième alinéa de cet article prévoit que ces services reçoivent ces financements sous forme d'une dotation globale ; qu'il résulte de l'article R. 314-106 du même code, auquel renvoie l'article R. 314-193-1 pour le calcul de la dotation globale de financement des services mettant en oeuvre des mesures de protection des majeurs relevant du I de l'article L. 361-1, que cette dotation est égale à la différence entre la totalité des charges d'exploitation du budget auquel elle se rapporte, après incorporation le cas échéant du résultat d'un exercice antérieur et, d'autre part, les autres produits d'exploitation du même budget ; que, parmi les produits d'exploitation hors dotation globale doivent, dès lors, être retracées tant la participation du majeur protégé au titre du financement ordinaire des mesures de protection que, le cas échéant, l'indemnité complémentaire ; que, parmi les charges d'exploitation doivent figurer les dépenses de toute nature nécessaires à la mise en oeuvre des mesures de protection, qu'elles correspondent aux diligences ordinaires, ou le cas échéant, aux diligences exceptionnelles financées par l'indemnité complémentaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en indiquant que le produit correspondant à l'indemnité complémentaire viendrait en atténuation du montant de la dotation globale de financement versée à ces services, l'auteur de l'instruction attaquée a seulement entendu rappeler, compte tenu du mode de calcul différentiel de la dotation globale de financement, et conformément à l'exigence de prise en charge exclusive par la personne protégée du financement de l'indemnité complémentaire résultant des dispositions des articles L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles et 419 du code civil, que cette dotation ne devait pas venir couvrir les charges déjà financées par l'indemnité complémentaire ; qu'ainsi, l'instruction attaquée ne saurait permettre que le montant de la dotation globale de financement, telle que calculée en faisant abstraction de l'indemnité complémentaire et des charges correspondant aux diligences exceptionnelles qu'elle vise à financer, puisse être diminué du montant de l'indemnité complémentaire, une fois que cette dernière ainsi que les charges correspondantes auront été prises en compte ; que son auteur n'a, par suite, ni méconnu l'étendue de sa compétence ni donné une interprétation erronée des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'article L. 472-3 du code de l'action sociale et des familles que les personnes physiques exerçant les fonctions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs à titre individuel bénéficient d'un financement fixé dans les conditions prévues aux premier à cinquième alinéa du I de l'article L. 361-1 ; qu'en précisant que l'indemnité complémentaire versée aux mandataires personnes physiques exerçant à titre individuel ne serait pas prise en compte pour le calcul des éventuels financements publics dus au titre de la rémunération de base des mesures de protection qu'ils accomplissent, l'auteur de l'instruction attaquée s'est borné à rappeler l'exigence de prise en charge exclusive par la personne protégée du financement de l'indemnité complémentaire ; qu'il n'a, en tout état de cause, pas méconnu le principe d'égalité dès lors que la rémunération des mandataires personnes physiques exerçant à titre individuel est, à la différence de la dotation globale de financement versée aux services mentionnés au 14° du I de l'article L. 312-1, fixée indépendamment de leurs autres ressources et charges ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la FNAT, l'UNAF et l'UNAPEI ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'instruction qu'elles attaquent, non plus que de la décision par laquelle le ministre des solidarités et de la cohésion sociale a refusé de la retirer ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demandent les requérantes ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la FNAT, de l'UNAF et de l'UNAPEI est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTELAIRES, à l'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES, à l'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS, DE PERSONNES HANDICAPEES MENTALES ET LEURS AMIS et à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.