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Ariane Web: Conseil d'État 347703, lecture du 11 juillet 2012, ECLI:FR:CESSR:2012:347703.20120711

Décision n° 347703
11 juillet 2012
Conseil d'État

N° 347703
ECLI:FR:CESSR:2012:347703.20120711
Mentionné au tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Bernard Stirn, président
M. Michel Thenault, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, avocats


Lecture du mercredi 11 juillet 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 22 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Christian Vaulot Pfister, demeurant au ... ; M. Vaulot Pfister demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1000955-1 du 27 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision en date du 26 avril 2010 par laquelle la procureure générale près la cour d'appel de Besançon a rejeté son recours gracieux formé contre sa décision en date du 30 décembre 2009 fixant à 6,40 % le taux de sa prime modulable à compter du 1er janvier 2010 ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler ces décisions;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

Vu le décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Michel Thenault, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. Vaulot Pfister et du Syndicat de la magistrature ;

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. Vaulot Pfister et du Syndicat de la magistrature ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.Vaulot Pfister, qui exerce les fonctions de procureur de la République adjoint près le tribunal de grande instance de Besançon après avoir exercé celles de vice-procureur placé auprès du procureur général près la cour d'appel de cette même ville, a été reconnu travailleur handicapé par une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 11 septembre 2009 et que ses fonctions ont été aménagées en conséquence ; qu'il a dans ce contexte été déchargé de sa participation aux audiences et aux permanences en contrepartie d'attributions juridictionnelles et administratives plus importantes en matière de règlement de dossiers ; que par une décision du 30 décembre 2009, la procureure générale près la cour d'appel de Besançon a fixé à 6,40% , soit le taux le moins élevé du ressort, le taux de la prime modulable de M.Vaulot Pfister, fixé à 9 % l'année précédente, au titre de l'année 2010 ; que l'intéressé a formé un recours gracieux auprès de la procureure générale, qui l'a rejeté par une décision du 26 avril 2010 ; que, par un jugement du 27 janvier 2011, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M.Vaulot Pfister tendant à l'annulation de ces décisions ; que l'intéressé se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

Considérant que le Syndicat de la magistrature a intérêt à l'annulation du jugement et des décisions attaqués ; qu'ainsi son intervention doit être admise ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire prévoit, à son article premier, qu'une indemnité peut être allouée aux magistrats de l'ordre judiciaire exerçant leurs fonctions en juridiction ; que cette indemnité, destinée à rémunérer l'importance et la valeur des services rendus et à tenir compte des sujétions afférentes à l'exercice de leurs fonctions, comprend notamment une prime modulable attribuée, ainsi qu'il est précisé à l'article 3 de ce même décret, en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ; que l'article 7 précise que cette prime est calculée en pourcentage du traitement indiciaire brut et que le montant des crédits disponibles au titre de la prime modulable pour les magistrats du siège, d'une part, et du parquet, d'autre part, est déterminé par application d'un taux moyen à la masse des traitements indiciaires des magistrats concernés ; que le taux d'attribution individuelle de la prime modulable est fixé pour les magistrats exerçant en juridiction, respectivement par le premier président de la cour d'appel pour chaque magistrat du siège de leur ressort et par le procureur général près la cour d'appel pour chaque magistrat du parquet du ressort, sur proposition du chef de juridiction sous l'autorité duquel est placé le magistrat pour ceux qui sont affectés dans une juridiction du premier degré ; que l'article 2 de l'arrêté du 3 mars 2010 pris pour l'application de ce décret dispose que les taux moyen et maximal d'attribution individuelle de cette prime sont fixés, pour l'année 2010, respectivement à 9 % et à 15 % ;

Considérant que si les dispositions précitées du décret du 26 décembre 2003 ont nécessairement pour effet, par suite du caractère limité du montant des crédits disponibles au titre de la prime modulable, que la contribution d'un magistrat au bon fonctionnement du service public de la justice doit être appréciée, à l'occasion de la fixation de son taux individuel de prime, relativement à celle des autres magistrats du même ressort, il appartient à l'administration, pour fixer le taux individuel de prime d'un magistrat qui a la qualité de travailleur handicapé, de tenir compte de son handicap tant pour déterminer le volume et la nature des tâches qui lui sont assignées que pour apprécier, au vu des objectifs ainsi définis par rapport à ses capacités, la contribution de l'intéressé au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ; que, par suite, en retenant, pour apprécier la contribution comparée des magistrats du parquet du ressort au bon fonctionnement de la juridiction, la circonstance qu'à la suite du changement de fonctions de M.Vaulot Pfister, ses collègues du parquet de Besançon avaient assumé une charge supplémentaire d'audiences et de permanences, sans rechercher si le transfert de ces contraintes vers les collègues de l'intéressé résultait de l'aménagement des fonctions qui lui ont été confiées en raison du handicap dont il est atteint, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ; qu'il suit de là que M Vaulot Pfister est fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M Vaulot Pfister, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention du Syndicat de la magistrature est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 27 janvier 2011 est annulé.

Article 3 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Besançon.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M Vaulot Pfister au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean -Christian VAULOT PFISTER et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


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