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Ariane Web: Conseil d'État 332607, lecture du 21 décembre 2012, ECLI:FR:CEASS:2012:332607.20121221

Décision n° 332607
21 décembre 2012
Conseil d'État

N° 332607
ECLI:FR:CEASS:2012:332607.20121221
Inédit au recueil Lebon
Assemblée
M. Tanneguy Larzul, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
FOUSSARD, avocats


Lecture du vendredi 21 décembre 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi, enregistré le 8 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dont le siège est au 201, rue Carnot à Fontenay-sous-bois (94136) ; l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 16 juillet 2009 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile, statuant sur le recours de Mme B C, a d'une part, annulé la décision du 21 mai 2007 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'admission au statut de réfugié, et d'autre part, accordé à l'intéressée le bénéfice de la protection subsidiaire ;

2°) de rejeter la demande de Mme C devant cette cour ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

Vu la directive 2004-83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tanneguy Larzul, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B C, de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 4 décembre 2006 ; qu'elle a demandé l'asile en qualité de réfugiée sur le fondement du 2 du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et des dispositions de l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en alléguant des persécutions qu'elle encourrait en cas de retour en Côte d'Ivoire après l'assassinat d'un chef rebelle auprès duquel elle aurait été contrainte de travailler comme secrétaire entre 2002 et 2004 ;

2. Considérant qu'en se fondant sur ce que le récit de Mme C était peu crédible quant aux circonstances de sa collaboration forcée avec un chef rebelle, peu pertinent et peu vraisemblable concernant les menaces dont elle aurait fait l'objet après la mort de ce dernier, ainsi que s'agissant des conditions de sa vie en clandestinité pendant deux ans, le directeur général de l'OFPRA a, par une décision du 21 mai 2007, rejeté la demande d'asile de Mme C ; que l'OFPRA se pourvoit en cassation contre la décision du 16 juillet 2009 par lequel la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision du directeur général de l'OFPRA et accordé le bénéfice de la protection subsidiaire à Mme C, en raison des risques encourus par elle du fait de sa volonté de soustraire sa fille à la pratique des mutilations sexuelles féminines, pratique traditionnellement répandue en Côte d'Ivoire, en particulier au sein de la communauté malinké à laquelle elle appartient ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 712-2, le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mentionnées à l'article L. 711-1 et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes : / (...) b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

4. Considérant que pour accorder le bénéfice de la protection subsidiaire régie par ces dispositions à Mme C, la cour, après avoir relevé que la requérante, qui vit en France où elle a donné naissance à sa fille, dont elle refuse qu'en cas de retour en Côte d'Ivoire elle soit excisée, a jugé qu'elle pouvait, du seul fait de cette opposition aux pratiques de mutilation sexuelle féminine, être regardée comme exposée à un traitement inhumain ou dégradant au sens du b) de l'article L. 712-1 ; qu'en accordant ainsi à Mme C, en raison du risque de mutilation sexuelle pesant sur sa fille et de sa volonté de l'y soustraire, le bénéfice de la protection subsidiaire, sans rechercher si Mme C pouvait craindre sérieusement d'être exposée directement et personnellement, en cas de retour dans son pays d'origine, à un traitement justifiant l'octroi de la protection subsidiaire, la cour a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est, par suite, fondé à en demander l'annulation ;


D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 16 juillet 2009 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des refugiés et apatrides et à Mme B C.