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Ariane Web: Conseil d'État 363571, lecture du 30 janvier 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:363571.20130130

Décision n° 363571
30 janvier 2013
Conseil d'État

N° 363571
ECLI:FR:CESSR:2013:363571.20130130
Inédit au recueil Lebon
9ème et 10ème sous-sections réunies
M. Matthieu Schlesinger, rapporteur
Mme Claire Legras, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du mercredi 30 janvier 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), dont le siège est 1, boulevard Malesherbes à Paris (75008), représentée par son président ; l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 2012 du ministre de l'économie et des finances et de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de GDF Suez ;

2°) d'enjoindre aux ministres d'adopter, dans le délai d'un mois à compter de la décision du Conseil d'Etat, un nouvel arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'énergie ;

Vu le décret n° 2009-1603 du 18 décembre 2009 ;

Vu l'arrêté du 22 décembre 2011 relatif aux taris réglementés de vente du gaz naturel à souscription de GDF Suez ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie ;


1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 445-3 du code de l'énergie, reprenant le II de l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie : " Les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts à l'exclusion de toute subvention en faveur des clients qui ont exercé leur droit prévu à l'article L. 441-1 (...) " ; que selon ce dernier article : " Tout client qui consomme le gaz qu'il achète ou qui achète du gaz pour le revendre a le droit, le cas échéant, par l'intermédiaire de son mandataire, de choisir son fournisseur de gaz naturel " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 18 décembre 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel : " les tarifs réglementés de vente du gaz naturel couvrent les coûts d'approvisionnement en gaz naturel et les coûts hors approvisionnement " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce décret : " Pour chaque fournisseur, une formule tarifaire traduit la totalité des coûts d'approvisionnement en gaz naturel et des coûts hors approvisionnement et permet de déterminer le coût moyen de fourniture du gaz naturel, à partir duquel sont fixés les tarifs réglementés de vente de celui-ci, en fonction des modalités de desserte des clients concernés (...) / La formule tarifaire est fixée par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, après avis de la Commission de régulation de l'énergie, à partir, le cas échéant, des propositions faites par le fournisseur (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du décret : " Pour chaque fournisseur, un arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie fixe les barèmes des tarifs réglementés à partir, le cas échéant, des propositions du fournisseur. / Ces barèmes sont réexaminés au moins une fois par an et révisés s'il y a lieu en fonction de l'évolution de la formule tarifaire et compte tenu des modifications intervenues à l'initiative du fournisseur en application de l'article 6 du présent décret (...) " ; que l'article 6 du décret permet au fournisseur, sous le contrôle de la Commission de régulation de l'énergie et sauf disposition contraire prise par l'arrêté mentionné à l'article 5, de modifier, à titre conservatoire et jusqu'à l'intervention d'un nouvel arrêté tarifaire, les barèmes de ses tarifs réglementés en y répercutant les variations des coûts d'approvisionnement en gaz naturel, telles qu'elles résultent de l'application de sa formule tarifaire ;

3. Considérant que, par un arrêté du 22 décembre 2011, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ont, en application de l'article 4 du décret du 18 décembre 2009, fixé la formule tarifaire, en fonction de laquelle sont déterminés les tarifs réglementés de vente hors taxes du gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de la société GDF Suez, à partir d'un calcul de ses coûts d'approvisionnement en gaz naturel ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, s'il appartient aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie, après avis de la Commission de régulation de l'énergie, de modifier la formule tarifaire prévue par l'article 4 du décret du 18 décembre 2009, dès lors qu'elle ne traduit plus correctement les coûts du fournisseur, et notamment ses coûts d'approvisionnement en gaz naturel, il leur incombe en revanche, lorsqu'ils révisent les barèmes des tarifs réglementés de vente du gaz naturel, en application de l'article 5 du même décret, de s'assurer que le niveau des tarifs qui en résulte permet de couvrir le coût moyen complet de fourniture du gaz naturel, tel qu'il est déterminé par l'application de la formule fixée par arrêté et, le cas échéant, de compenser l'écart, s'il est significatif, qui s'est produit entre tarifs et coût, au moins au cours de l'année écoulée, en vérifiant en outre s'il y a lieu de prendre en compte une estimation de l'évolution de ce coût sur l'année à venir, en fonction des éléments dont ils disposent à la date de leur décision ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis rendu par la Commission de régulation de l'énergie le 25 septembre 2012, relatif à la proposition d'arrêté fixant les tarifs réglementés de vente présentée par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, que l'application de la formule tarifaire fixée par l'arrêté du 22 décembre 2011 faisait apparaître une augmentation des coûts d'approvisionnement et hors approvisionnement en gaz naturel qui aurait conduit en moyenne, au 1er octobre 2012, à une hausse des tarifs de 6,1 % ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les auteurs de l'arrêté du 26 septembre 2012, en limitant à 2 %, soit le niveau de l'inflation, la hausse des tarifs réglementés par rapport à ceux qui étaient fixés par l'arrêté du 18 juillet 2012 à compter du 20 juillet 2012, sans que la différence entre cette évolution des tarifs et celle des coûts ne soit justifiée par une surévaluation initiale des tarifs ou par la baisse prévisible des coûts, ont entaché leur décision d'une erreur de droit ; que l'arrêté en litige doit dès lors être annulé ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

7. Considérant que la présente décision implique nécessairement que soit pris un nouvel arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de GDF Suez pour la période du 29 septembre 2012, date d'entrée en vigueur des tarifs fixés par l'arrêté adopté le 26 septembre 2012, au 1er janvier 2013, date d'entrée en vigueur des tarifs fixés par l'arrêté adopté le 21 décembre 2012 ; qu'il suit de là qu'il y a lieu de prescrire aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie de prendre, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, un nouvel arrêté fixant une évolution des tarifs conforme aux principes énoncés par la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros à l'association nationale des opérateurs détaillants en énergie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêté du 26 septembre 2012 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de GDF Suez est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'économie et des finances et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, de prendre dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, un nouvel arrêté fixant une évolution des tarifs conforme aux principes énoncés par la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à l'association nationale des opérateurs détaillants en énergie une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association nationale des opérateurs détaillants en énergie, au ministre de l'économie et des finances et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie en sera adressée pour information à la Commission de régulation de l'énergie.