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Ariane Web: Conseil d'État 364203, lecture du 15 février 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:364203.20130215

Décision n° 364203
15 février 2013
Conseil d'État

N° 364203
ECLI:FR:CESSR:2013:364203.20130215
Inédit au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
Mme Natacha Chicot, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP ODENT, POULET, avocats


Lecture du vendredi 15 février 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 décembre et 14 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Monéteau, représentée par son maire ; la commune de Monéteau demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1202391 du 14 novembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, sur la demande de la société Lapied, annulé la procédure de passation du lot n° 1 " fondations gros oeuvre " du marché public de travaux portant sur la construction d'un espace culturel par la commune de Monéteau ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Lapied ;

3°) de mettre à la charge de la société Lapied la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Natacha Chicot, Auditeur,

- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de la commune de Monéteau,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de la commune de Monéteau ;


1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative que le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue peut être saisi, avant la conclusion d'un contrat de commande publique ou de délégation de service public, d'un manquement, par le pouvoir adjudicateur, à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 22 juin 2012, la commune de Monéteau a lancé une procédure d'attribution d'un marché, divisé en vingt-cinq lots, portant sur la construction d'un espace culturel ; que, par un courrier en date du 11 octobre 2012, la commune de Monéteau a informé la société Lapied, candidate pour le lot n° 1 portant sur les fondations et le gros oeuvre, du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société S.A.S. Gebat constructions ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, saisi par la société Lapied sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la procédure de passation relative au lot n° 1 ;

3. Considérant que pour écarter le moyen tiré de ce que l'offre de la société Lapied étant irrégulière, cette société ne pouvait, en tout état de cause, avoir été lésée au stade de l'examen des offres par les manquements qu'elle invoquait, le juge des référés a jugé que l'irrégularité éventuelle de l'offre de la société Lapied ne suffisait pas à considérer qu'elle n'était pas susceptible d'avoir été lésée par les manquements invoqués, alors que son offre n'avait pas été rejetée pour ce motif ; qu'en jugeant que cette société était susceptible d'être lésée par les manquements invoqués alors même que son offre était irrégulière pour un motif autre que ces manquements, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que la circonstance que le pouvoir adjudicateur n'a pas motivé son rejet de l'offre par son irrégularité est sans incidence sur l'appréciation par le juge des référés de la lésion des intérêts de la société requérante ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de référé en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que si, comme le soutient la société requérante, le pouvoir adjudicateur ne peut, après la date limite prévue pour la remise des offres des candidats, apporter des modifications aux documents de la consultation et inviter les candidats à modifier en conséquence leur offre, il résulte toutefois de l'instruction que l'offre présentée par la société Lapied était irrégulière en ce qu'elle ne respectait pas les prescriptions prévues par l'article 4.5.2. du cahier des clauses techniques particulières s'agissant de la qualité de parement utilisé ; que la société Lapied n'est pas susceptible, en l'espèce, d'avoir été lésée et ne risque pas d'être lésée, fût-ce de façon indirecte, par les manquements qu'elle invoque et qui diffèrent du motif justifiant l'irrégularité de son offre ; qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la société Lapied ne peut qu'être rejetée ;

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de la société Lapied ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, par ailleurs, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Monéteau qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Lapied une somme de 4 500 euros à verser à la commune de Monéteau au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, tant devant le tribunal administratif de Dijon que devant le Conseil d'Etat ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Dijon en date du 14 novembre 2012 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société Lapied devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.
Article 3 : La société Lapied versera à la commune de Monéteau une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, tant devant le tribunal administratif de Dijon que devant le Conseil d'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Monéteau et à la société Lapied.
Copie en sera adressée pour information à la société S.A.S Gebat constructions.