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Ariane Web: Conseil d'État 353581, lecture du 28 mars 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:353581.20130328

Décision n° 353581
28 mars 2013
Conseil d'État

N° 353581
ECLI:FR:CESSR:2013:353581.20130328
Inédit au recueil Lebon
4ème et 5ème sous-sections réunies
M. Hervé Guichon, rapporteur


Lecture du jeudi 28 mars 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le syndicat national des enseignements de second degré (SNES), dont le siège est 46, avenue d'Ivry à Paris (75647 Cedex 13) ; le SNES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 août 2011 du ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes et de la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, modifiant l'arrêté du 5 février 2008 pris en application du décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements français à l'étranger ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 mars 2013, présentée par le ministre des affaires étrangères ;

Vu le décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Guichon, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;



1. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger, les émoluments versé aux fonctionnaires détachés pour servir dans ces établissements par l'Agence pour l'enseignement à l'étranger (AEFE), " sont exclusifs de tout autre élément de rémunération " et " comportent : (...) / B. Pour les personnels résidents / (...) e) Le cas échéant, un avantage familial attribué au titre des enfants à charge, à raison d'un seul droit par enfant. Il est destiné à prendre en compte les charges de famille des agents./ (...). Le montant de cet avantage familial est déterminé par pays et zone de résidence de l'agent en fonction de l'âge des enfants, par arrêté conjoint des ministres chargés des affaires étrangères et du budget./ Il ne peut en tout état de cause être inférieur, par enfant, aux montants des frais de scolarité rapportés à des tranches d'âge, correspondant à ceux des établissements français d'enseignement primaire et secondaire de référence au sein du pays ou de la zone d'affectation des agents./ L'avantage familial est exclusif, au titre des mêmes enfants, de la perception d'avantages de même nature ou de la prise en charge de frais de scolarité, accordés par l'employeur, ainsi que des majorations familiales versées aux personnels expatriés (...), dont peut bénéficier l'agent ou tout autre ayant droit " ; que le syndicat requérant demande l'annulation de l'arrêté du 23 août 2011, modifiant l'arrêté du 5 février 2008, qui fixe le montant mensuel de cet avantage par tranche d'âge des enfants à charge, pour chaque pays ou zone de résidence ;

2. Considérant que, par un arrêté du 18 mai 2011, publié au Journal officiel de la République française du 21 mai 2011, le directeur du budget a donné à M. Denis Charissoux, ingénieur en chef des mines, délégation de signature à l'effet de signer, au nom du ministre chargé du budget, " tous actes, arrêtés décisions ou conventions dans la limite des attributions de la 7ème sous-direction " ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été signé par une autorité n'ayant pas reçu de délégation régulière à cet effet doit être écarté ;

3. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du e) du A de l'article 4 du décret du 4 janvier 2002 que les dispositions qu'il édicte s'appliquent aux personnels expatriés des établissements d'enseignement français à l'étranger ; qu'elles ne peuvent, par suite, être utilement invoquées au soutien des conclusions dirigées contre l'arrêté litigieux, qui s'applique aux seuls personnels résidents de ces établissements ;

4. Considérant que si le syndicat requérant soutient qu'en retenant, pour fixer le montant de l'avantage familial attribué aux personnels résidents des établissements d'enseignement français à l'étranger, le seul montant des frais de scolarité des établissements français à l'étranger de référence, à l'exclusion des autres charges de famille susceptibles d'être supportées au sein de la zone ou du pays de résidence, l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du décret du 4 janvier 2002, il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article 4 de ce décret que le montant de l'avantage familial, qui n'a pour objet, ni de compenser l'ensemble des charges de famille effectivement supportées par les personnels, ni de pallier l'absence de versement des prestations familiales ou du supplément familial de traitement, est déterminé de manière forfaitaire par le ministre sous la seule condition que son montant ne soit pas inférieur à celui des frais de scolarité des établissements de référence dans la zone ou le pays de résidence ; qu'il s'ensuit que le ministre pouvait, à cet effet, se borner à en fixer le montant dans la limite de celui des frais de scolarité des établissements de référence ; qu'il pouvait également, sans commettre d'erreur de droit, fixer des montants différents selon les zones ou pays de résidence pour une même tranche d'âge ;

5. Considérant que le moyen tiré de ce que le montant de l'avantage familial méconnaîtrait le principe d'égalité en ce qu'il ne tiendrait pas compte des différences de tarifs occasionnées par le défaut de correspondance entre la tranche d'âge et le cycle d'enseignement offert par l'établissement du pays de résidence n'est pas assorti des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé ;

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, aucune disposition du décret du 22 janvier 2002 ne s'oppose à ce que le ministre fixe un montant égal à zéro pour l'avantage familial lorsque le montant des frais de scolarité de l'établissement de référence est nul pour la tranche d'âge considérée en raison de la gratuité de l'enseignement qui y est dispensé ; qu'en revanche, le ministre ne saurait, sans commettre d'erreur de droit, fixer à zéro le montant de l'avantage familial au seul motif qu'il n'existe pas d'établissement de référence dans la tranche d'âge et le pays ou zone de résidence considérés ; qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre s'est fondé sur ce motif pour fixer à zéro le montant de l'avantage familial pour la Slovaquie et la Slovénie ainsi que pour les zones de résidence de Naples, Berne, Amsterdam, Ibiza, Stuttgart, Heidelberg et Bonn (tranche d'âge des enfants de plus de quinze ans) et Amsterdam, Stuttgart, Heidelberg et Bonn (tranche d'âge des enfants de dix à quinze ans) ; qu'il a, dans cette mesure, commis une erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SNES n'est fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué qu'en tant qu'il fixe à zéro le montant de l'avantage familial pour les pays ou zones de résidence de Naples, Berne, Amsterdam, Slovaquie, Slovénie, Ibiza, Stuttgart, Heidelberg et Bonn (tranche d'âge des enfants de plus de quinze ans) et Amsterdam, Stuttgart, Heidelberg et Bonn (tranche d'âge des enfants de dix à quinze ans) :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 500 euros au SNES au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêté du 23 août 2011 est annulé en tant qu'il fixe à zéro le montant de l'avantage familial pour les pays ou zones de résidence de Naples, Berne, Amsterdam, Slovaquie, Slovénie, Ibiza, Stuttgart, Heidelberg et Bonn (tranche d'âge des enfants de plus de quinze ans) et Amsterdam, Stuttgart, Heidelberg et Bonn (tranche d'âge des enfants de dix à quinze ans).

Article 2 : L'Etat versera au syndicat national des enseignements de second degré une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du syndicat national des enseignements de second degré est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat national des enseignements de second degré et au ministre des affaires étrangères.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'économie et des finances.