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Ariane Web: Conseil d'État 349683, lecture du 5 avril 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:349683.20130405

Décision n° 349683
5 avril 2013
Conseil d'État

N° 349683
ECLI:FR:CESSR:2013:349683.20130405
Inédit au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Samuel Gillis, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SPINOSI, avocats


Lecture du vendredi 5 avril 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu l'ordonnance n° 11PA01765 du 18 mai 2011, enregistrée le 27 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. A...B...;

Vu le pourvoi, enregistré le 10 avril 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, et le mémoire complémentaire, enregistré le 18 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant au...,; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0906121 du 10 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 12 février 2009 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi au titre des rémunérations que l'administration pénitentiaire lui a versées pour son activité d'opérateur au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin de janvier à mars 2006 et à l'annulation de la décision du 3 février 2009 par laquelle la société Gepsa a rejeté sa demande d'indemnisation du même préjudice et, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la société Gepsa à lui verser la somme de 107,57 euros correspondant à la régularisation d'impayés de rémunération ainsi que la somme de 1 000 euros à titre de manque à gagner et de dommages et intérêts ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Gepsa la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié par le décret du 25 juillet 1960, ensemble l'article R.771-2 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Samuel Gillis, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de Me Spinosi, avocat de M.B...,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de M. B...;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., alors détenu au...,; que l'intéressé a présenté une réclamation tendant à la majoration de la rémunération qui lui a été versée par l'administration ; que, par un jugement du 10 février 2011, contre lequel M. B...se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés et de la société Gepsa rejetant sa réclamation et, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de cette société à l'indemniser du chef des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'insuffisance de sa rémunération ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 717-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 12 décembre 2005 : " Les activités de travail et de formation professionnelle ou générale sont prises en compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés. / Au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande. / Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail. (...) / Les règles relatives à la répartition des produits du travail des détenus sont fixées par décret. (...) " ; que selon l'article D. 103 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, les conditions de rémunération et d'emploi des détenus qui travaillent sous le régime de la concession de main d'oeuvre pénale sont fixées par convention, en référence aux conditions d'emploi à l'extérieur, en tenant compte des spécificités de la production en milieu carcéral ; que l'article 104, alors en vigueur, dispose : " Les concessions de travail à l'intérieur des établissements pénitentiaires font l'objet de clauses et conditions générales arrêtées par le ministre de la justice.(...) / Les concessions envisagées pour une durée supérieure à trois mois ou pour un effectif supérieur à cinq détenus font l'objet d'un contrat qui en fixe les conditions particulières notamment quant à l'effectif des détenus, au montant des rémunérations et à la durée de la concession. Ce contrat est signé par le représentant de l'entreprise concessionnaire et le directeur régional. " ; qu'en vertu de l'article D. 106 du même code, alors en vigueur, les rémunérations pour tout travail effectué par un détenu sont versées à l'administration qui opère le reversement des cotisations sociales aux organismes de recouvrement et procède ensuite à l'inscription et à la répartition de la rémunération nette sur le compte nominatif des détenus, les tarifs de rémunération étant portés à la connaissance des détenus ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 35 ajouté au décret du 26 octobre 1849 reproduit à l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque le Conseil d'Etat statuant au contentieux, la Cour de cassation ou tout autre juridiction statuant souverainement et échappant ainsi au contrôle tant du Conseil d'Etat que de la Cour de cassation, est saisi d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse, et mettant en jeu la séparation des autorités administratives et judiciaires, la juridiction saisie peut, par décision ou arrêt motivé qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence " ;

4. Considérant que le litige né de l'action de M. B...tendant à ce que l'Etat et la société Gepsa l'indemnisent solidairement du préjudice qu'il soutient avoir subi au titre des rémunérations qui lui ont été versées pour un travail effectué sous le régime de la concession de main d'oeuvre pénale, dans un établissement pénitentiaire, présente à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et de nature à justifier le recours à la procédure prévue par l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 ; que, par suite, il y a lieu de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si l'action introduite par M. B...relève ou non de compétence de la juridiction administrative et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de M. B...jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir si le litige né de l'action de M. B...tendant à ce que l'Etat et la société Gepsa l'indemnisent solidairement du préjudice qu'il soutient avoir subi au titre des rémunérations qui lui ont été versées par l'administration pénitentiaire, sous le régime de la concession de main d'oeuvre pénale, pour son activité exercée au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin de janvier à mars 2006 relève ou non de la compétence de la juridiction administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Monsieur A...B..., à la garde des sceaux, ministre de la justice et à la société Gepsa.