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Ariane Web: Conseil d'État 349741, lecture du 5 avril 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:349741.20130405

Décision n° 349741
5 avril 2013
Conseil d'État

N° 349741
ECLI:FR:CESSR:2013:349741.20130405
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème et 8ème sous-sections réunies
Mme Anne Egerszegi, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD, avocats


Lecture du vendredi 5 avril 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



1° Vu, sous le n° 349741, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 31 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Mercurio SPA, dont le siège est 69 Foro Buonaparte à Milan (20121), Italie ; la société Mercurio SPA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA00031 du 25 mars 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement du 30 octobre 2008 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1997, 1998 et 1999 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


2° Vu, sous le n° 349742, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 31 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Mercurio SPA, dont le siège est 69 Foro Buonaparte à Milan (20121), Italie ; la société Mercurio SPA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA00030 du 25 mars 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement du 30 octobre 2008 du tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1994 et 1995 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


....................................................................................

3° Vu, sous le n° 349743, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 31 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Mercurio SPA, dont le siège est 69 Foro Buonaparte à Milan (20121), Italie ; la société Mercurio SPA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA00032 du 25 mars 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 30 octobre 2008 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, notamment ses articles 5, 6, 7 et 25 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la société Mercurio SPA ,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la société Mercurio SPA ;


1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Mercurio SPA, société de droit italien dont le siège est à Milan (Italie), qui a pour objet l'acquisition, la vente, la construction et la gestion de biens immobiliers ainsi que la prise de participations en Italie ou à l'étranger, a fait l'objet de trois vérifications de la comptabilité de sa succursale située en France portant respectivement sur les exercices clos en 1994 et 1995, en 1997, 1998 et 1999, et en 2002 et 2003 ; qu'à l'issue de ces contrôles, l'administration fiscale a remis en cause la déduction des revenus que la société Mercurio SPA retirait de la location de deux immeubles situés à Paris de charges financières liées à l'achat de titres et à l'acquisition en 1991 de la nue-propriété d'un autre immeuble situé également à Paris, de dotations aux amortissements afférents à cet immeuble ainsi que de la moins-value réalisée lors de la revente de celui-ci, au motif que ces charges et cette moins-value ne se rattachaient pas à l'activité de location immobilière exercée en France par la société, dont les produits étaient imposables séparément en France, selon l'administration, en application des dispositions combinées de l'article 209 du code général des impôts et des stipulations de l'article 6 de la convention fiscale franco-italienne ; que la société Mercurio SPA se pourvoit en cassation contre les arrêts n° 09PA00030, 09PA00031 et 09PA00032 du 25 mars 2011 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les appels qu'elle a interjetés des trois jugements du 30 octobre 2008 du tribunal administratif de Paris en tant qu'ils ont rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt et des pénalités correspondantes résultant de ces redressements ;

3. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de la convention fiscale franco-italienne : " 1. Les revenus provenant de biens immobiliers, y compris les revenus des exploitations agricoles ou forestières, sont imposables dans l'Etat où ces biens sont situés.(...) 4. Les dispositions des paragraphes 1 et 3 s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise ainsi qu'aux revenus des biens immobiliers servant à l'exercice d'une profession indépendante. " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 7 de cette même convention : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable (...) 7. Lorsque les bénéfices comprennent des éléments de revenu traités séparément dans d'autres articles de la présente convention, les dispositions de ces articles ne sont pas affectées par les dispositions du présent article. " ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations, qui ont pour objet de répartir la matière imposable entre la France et l'Italie, que le droit d'imposer les revenus des immeubles est dévolu à l'Etat sur le territoire duquel ces biens sont situés, même en l'absence d'établissement stable dans cet Etat ; que, dans le cas où de tels revenus sont réalisés par l'intermédiaire d'un établissement stable qui est établi dans l'Etat où sont situés les biens immobiliers en cause et qui exerce une ou plusieurs activités productives de revenus autres que ceux qui proviennent des biens immobiliers, ces derniers sont compris dans les résultats de cet établissement stable et imposés selon la législation interne de cet Etat applicable aux entreprises résidentes dans la même situation ;

4. Considérant, par suite, qu'en jugeant que la circonstance que la société Mercurio SPA, qui soutenait devant les juges du fond que sa succursale constituait un établissement stable au sens de l'article 5 de la convention, aurait disposé d'un tel établissement stable en France, était, eu égard aux stipulations de l'article 6 de cette même convention, sans incidence sur l'imposition des revenus immobiliers provenant de biens inscrits à l'actif de cet établissement, à laquelle il devait être procédé séparément, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, la société Mercurio SPA est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, à demander l'annulation des arrêts qu'elle attaque ;


5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à la société Mercurio SPA, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts n° 09PA00030, 09PA00031 et 09PA00032 du 25 mars 2011 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la société Mercurio SPA la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Mercurio SPA et au ministre de l'économie et des finances.


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