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Ariane Web: Conseil d'État 350316, lecture du 5 avril 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:350316.20130405

Décision n° 350316
5 avril 2013
Conseil d'État

N° 350316
ECLI:FR:CESSR:2013:350316.20130405
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème et 8ème sous-sections réunies
Mme Anne Egerszegi, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD, avocats


Lecture du vendredi 5 avril 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juin et 23 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Vivendi Télécom International (VTI), dont le siège est 42 avenue de Friedland à Paris (75008), représentée par son président directeur général ; la société Vivendi Télécom International demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA01255 du 12 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 novembre 2008 et remis à sa charge la retenue à la source et les pénalités correspondantes auxquelles elle avait été assujettie au titre de l'exercice clos en 1996 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la société Vivendi Télécom International,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la société Vivendi Télécom International ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a soumis à la retenue à la source prévue par le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts les honoraires versés par la société Compagnie générale des eaux (CGE), pour le compte de sa filiale, la société Compagnie Générale de Services et d'Applications de Télécommunications (CGSAT), à une société domiciliée dans l'île de Man, au titre de l'exercice clos en 1996, qu'elle a regardés, en application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, comme un avantage occulte ; que la société Vivendi Télécom International (VTI), venant aux droits de la société CGSAT, demande l'annulation de l'arrêt du 12 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 novembre 2008 et remis à sa charge la retenue à la source, dont la société CGSAT a été jugée redevable au titre de l'exercice clos en 1996, ainsi que les pénalités correspondantes ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ; qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du même code, dans sa rédaction applicable à l'année 1996 : " Sous réserve des dispositions de l'article 239 bis B, les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) " ; qu'aux termes de l'article 1672 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) 2. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis est versée au Trésor par la personne qui assure le paiement des revenus (...) " ; qu'aux termes de l'article 75 de l'annexe II à ce code : " Sont regardés comme établissements payeurs : (...) 2° Les personnes ou organismes qui payent des revenus de capitaux mobiliers, en l'absence de coupons ou d'instruments représentatifs de coupons ; 3° Les personnes et collectivités débitrices de revenus de capitaux mobiliers qu'elles payent, soit directement, soit par l'intermédiaire d'établissements situés hors de France s'il s'agit de sociétés ou collectivités françaises (...) " ;
3. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, le redevable de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts est, en principe, l'établissement qui assure le paiement des revenus définis aux articles 108 à 117 bis du même code ; que, toutefois, dans le cas où, à l'issue d'un contrôle, l'administration regarde une somme versée par une société comme un revenu distribué, c'est la société qui a procédé à sa distribution qui doit être regardée comme l'établissement payeur, au sens du 3° de l'article 75 de l'annexe II au code précité, et, par suite, comme le redevable de la retenue à la source, sauf à ce qu'elle établisse que l'établissement qui a procédé, pour son compte, au paiement de la somme en cause avait connaissance de son caractère de revenu distribué ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en exécution d'une convention de trésorerie conclue avec sa filiale, la société CGSAT, la société CGE a viré la somme litigieuse sur le compte bancaire d'une société domiciliée dans l'Ile de Man ; que la cour a jugé, d'une part, que la société CGE ne pouvait être regardée comme la redevable de la retenue à la source litigieuse, au motif qu'elle avait agi, en application de la convention de trésorerie, comme simple mandataire de la société CGSAT, et, d'autre part, que cette dernière était seule débitrice de la retenue ; qu'en s'abstenant ainsi de rechercher si la société CGE avait connaissance du caractère de revenu distribué de la somme qu'elle avait payée pour le compte de sa filiale, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, la société VTI est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société VTI, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 12 avril 2011 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la société VTI la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société VTI et au ministre de l'économie et des finances.


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