Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 352484, lecture du 3 juin 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:352484.20130603

Décision n° 352484
3 juin 2013
Conseil d'État

N° 352484
ECLI:FR:CESSR:2013:352484.20130603
Inédit au recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
M. Nicolas Labrune, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD, avocats


Lecture du lundi 3 juin 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu 1°, sous le n° 352484, la requête, enregistrée le 7 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le Syndicat national des entreprises gaies (SNEG), dont le siège est 12, rue des Filles du Calvaire à Paris (75003), la Société men's club, dont le siège est 10, rue de la Verrerie à Paris (75004), et la Société new millenium production, dont le siège est 37, rue Pierre Timbaud à Paris (75011) ; le Syndicat national des entreprises gaies et les sociétés requérantes demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 juin 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé portant application d'une partie de la règlementation des stupéfiants aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques et leurs isomères ;


Vu 2°, sous le n° 352485, la requête, enregistrée le 7 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Société France conditionnement création, dont le siège est zone industrielle l'Argile 7, voie A bis, 700, avenue de la Ouiéra à Mouans Sartoux (06370) ; la Société France conditionnement création demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 juin 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé portant application d'une partie de la règlementation des stupéfiants aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques et leurs isomères ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Labrune, Auditeur,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat du Syndicat national des entreprises gaies, de la Société men's club et de la Société new millenium production, et à la SCP Roger, Sevaux, avocat de la Société France conditionnement création ;



1. Considérant que les requêtes présentées, d'une part, par le Syndicat national des entreprises gaies, la Société men's club et la Société new millenium protection, d'autre part, par la Société France conditionnement création sont dirigées contre le même arrêté du 29 juin 2011 par lequel le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a interdit l'offre et la cession au public des produits, à l'exception des médicaments, contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques et leurs isomères ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant que la société GZS a intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5132-8 du code de la santé publique : " La production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'emploi de plantes, de substances ou de préparations classées comme vénéneuses sont soumises à des conditions définies par décrets en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5132-74 de ce code : " Sont interdits, à moins d'autorisation expresse, la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi et, d'une manière générale, les opérations agricoles, artisanales, commerciales et industrielles relatifs aux substances ou préparations et plantes ou parties de plantes classées comme stupéfiantes, sur proposition du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, après avis de la Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes, par arrêté du ministre chargé de la santé. " ; qu'aux termes de l'article R. 5132-87 du même code : " Les dispositions de la présente sous-section peuvent être appliquées, en totalité ou en partie, à des substances ou à des préparations, à des plantes, ou à des parties de plantes les contenant qui, bien que n'étant pas classées comme stupéfiantes, sont fabriquées à partir de stupéfiants ou donnent lieu à la formation de stupéfiants au cours de leur fabrication ou, en cas de pharmacodépendance ou d'abus tels qu'ils sont définis à l'article R. 5132-97 peuvent nécessiter un contrôle à certains stades de leur commercialisation " ; qu'en vertu de l'article R. 5132-97 du même code : " On entend par : / 1° Pharmacodépendance, l'ensemble de phénomènes comportementaux, cognitifs et physiologiques d'intensité variable, dans lesquels l'utilisation d'une ou plusieurs substances psychoactives devient hautement prioritaire et dont les caractéristiques essentielles sont le désir obsessionnel de se procurer et de prendre la ou les substances en cause et leur recherche permanente ; l'état de dépendance peut aboutir à l'auto-administration de ces substances à des doses produisant des modifications physiques ou comportementales qui constituent des problèmes de santé publique ; / 2° Abus de substance psychoactive, l'utilisation excessive et volontaire, permanente ou intermittente, d'une ou plusieurs substances psychoactives, ayant des conséquences préjudiciables à la santé physique ou psychique ; (...) " ;

4. Considérant que, par l'arrêté attaqué du 29 juin 2011, pris sur le fondement des dispositions précitées, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a interdit l'offre et la cession au public des produits, à l'exception des médicaments, contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques et leurs isomères, en raison d'un risque de pharmacodépendance ou d'abus ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, d'une part, les produits contenant des nitrites d'alkyle ont une toxicité faible aux doses inhalées habituelles et que, d'autre part, aucune étude scientifique ou enquête n'est produite qui permettrait d'établir que les nitrites d'alkyle présentent un risque de pharmacodépendance ou d'abus au sens des dispositions précitées de l'article R. 5132-97 du code de la santé publique ; que, dès lors, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé ne pouvait décider d'interdire de façon générale l'offre et la cession au public des produits contenant ces substances sur le fondement des dispositions du code de la santé publique relatives aux stupéfiants ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que l'arrêté attaqué doit être annulé ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au Syndicat national des entreprises gaies, à la Société men's club et à la Société new millenium protection de la somme de 1 000 euros chacun, et le versement à la Société France conditionnement création de la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, la société GZS, intervenant, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'elle a présentées à ce titre ;


D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'intervention de la société GZS est admise.
Article 2 : L'arrêté du 29 juin 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé est annulé.
Article 3 : L'Etat versera au Syndicat national des entreprises gaies, à la Société men's club et à la Société new millenium protection la somme de 1 000 euros chacun, et la somme de 3 000 euros à la Société France conditionnement création au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société GZS présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des entreprises gaies, à la Société men's club, à la Société new millenium protection, à la Société France conditionnement création et à la ministre des affaires sociales et de la santé.