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Ariane Web: Conseil d'État 361122, lecture du 10 juillet 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:361122.20130710

Décision n° 361122
10 juillet 2013
Conseil d'État

N° 361122
ECLI:FR:CESSR:2013:361122.20130710
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Jean-Dominique Nuttens, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, avocats


Lecture du mercredi 10 juillet 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet et 18 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la société Banque calédonienne d'investissement, dont le siège est 54 avenue de la Victoire, BP K5 à Nouméa (98849) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA05348 du 13 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0900075 du 16 juillet 2009 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 4 février 2009 par la province des Iles Loyauté ;

2°) de mettre à la charge de la province des Iles Loyauté la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la délibération du Congrès de Nouvelle-Calédonie n° 136 du 1er mars 1967 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Nuttens, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la société Banque calédonienne d'investissement, et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la province des Iles Loyauté ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la province des Iles Loyauté a passé en 1992 un marché public en vue de l'aménagement des infrastructures du port de Tadine sur l'île de Maré ; que, par un acte du 10 octobre 1994 dénommé " cautionnement de retenue de garantie ", la société Banque calédonienne d'investissement s'est portée caution solidaire de l'un des membres du groupement titulaire du marché " pour le montant de la retenue de garantie " à laquelle ce dernier était assujetti en qualité de titulaire du marché ; qu'après la résiliation du marché aux torts du titulaire, prononcée le 27 décembre 1995, et la condamnation de celui-ci à payer à la province des Iles Loyauté une somme de 352 663 495 francs CFP par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 1er février 2005, la province des Iles Loyauté a délivré le 21 juillet 2006 au titulaire du marché un commandement de payer une somme de 220 620 800 francs CFP, qui n'a pas été honoré ; que la province des Iles loyauté a fait émettre le 4 février 2009 un titre exécutoire à l'encontre de la société Banque calédonienne d'investissement, pour un montant de 37 855 950 francs CFP, en application de l'acte du 10 octobre 1994 ; que la société Banque calédonienne d'investissement se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 16 juillet 2009 refusant de faire droit à sa demande d'annulation du titre exécutoire ;

2. Considérant, en premier lieu, que si la société Banque calédonienne d'investissement soutient que la cour administrative d'appel a omis de répondre au moyen tiré de ce que la garantie qu'elle a fournie ne pouvait excéder une somme plafonnée à 5 % des avances consenties par la province des Iles Loyauté à l'entreprise titulaire du marché, la cour a suffisamment motivé son arrêt en énonçant, en premier lieu, que, par l'acte du 10 octobre 1994, la société Banque calédonienne d'investissement s'était portée caution solidaire du titulaire du marché pour le montant de la retenue de garantie à laquelle celui-ci pouvait être assujetti, en deuxième lieu, que ce montant s'élevait à la somme de 37 855 950 francs CFP, en troisième lieu, que la société s'était engagée à effectuer le versement des sommes dont le titulaire serait débiteur au titre du marché jusqu'à concurrence de cette somme ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 77 de la délibération du Congrès de Nouvelle-Calédonie du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics : " Tout titulaire d'un marché ne comportant pas de délai de garantie peut être tenu de fournir un cautionnement dont le montant ne peut être inférieur à 1,50 % ni excéder 3 % du montant initial du marché. / Tout titulaire d'un marché comportant un délai de garantie peut être tenu de fournir un cautionnement dont le montant ne peut être supérieur à 5 %, ni inférieur à 1,50 % du montant initial du marché, augmenté, le cas échéant, du montant des avenants. / Dans les deux cas visés aux alinéas ci-dessus le cautionnement garantit la bonne exécution du marché et le recouvrement des sommes dont le titulaire pourrait être reconnu débiteur au titre du marché. / (...) / Les cahiers des charges peuvent prévoir la substitution au cautionnement d'une retenue de garantie sur acompte dont le taux ne peut être ni inférieur à 1,50 %, ni supérieur à 5 %. " ; qu'aux termes de l'article 78 de la même délibération : " Les cautionnements ou retenues de garantie peuvent être remplacés par la garantie d'une caution personnelle et solidaire qui doit être celle d'un établissement de crédit ou d'un organisme de cautionnement mutuel agréé par l'administration. " ; qu'aux termes de l'article 79 de la même délibération : " L'engagement de la caution personnelle et solidaire doit être établi selon un modèle fixé par un arrêté du Conseil des ministres. Ce modèle comportera l'engagement de verser, jusqu'à concurrence de la somme garantie, les sommes dont le titulaire viendrait à se trouver débiteur au titre du marché. Ce versement sera fait sur l'ordre de l'administration, et cela sans que la caution puisse différer le paiement ou soulever de contestations pour quelques motifs que ce soit. " ;

4. Considérant qu'une caution personnelle et solidaire constitue une garantie indépendante de la situation de l'entreprise titulaire du marché public et de son éventuel placement en redressement judiciaire, mais présente un caractère accessoire de l'obligation née de ce marché, qu'elle garantit ; qu'en revanche, une garantie à première demande se caractérise par son entière autonomie à l'égard de l'obligation principale née du marché ;

5. Considérant que la garantie prévue par les articles 78 et 79 précités de la délibération du Congrès de Nouvelle-Calédonie portant réglementation des marchés publics, dénommée " caution personnelle et solidaire ", a vocation à remplacer un cautionnement destiné à garantir la bonne exécution du marché public et le recouvrement des sommes dont le titulaire pourrait être reconnu débiteur au titre de ce marché ; que, par son objet, elle présente le caractère d'une caution, qui crée une obligation accessoire à celle qui est née du marché, en dépit de l'interdiction faite à la caution de " différer le paiement ou de soulever des contestations pour quelques motifs que ce soient " ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que, par l'acte dénommé " cautionnement de retenue de garantie " établi à Nouméa le 10 octobre 1994, la société Banque calédonienne d'investissement avait donné une caution dans les conditions prévues par les articles 78 et 79 de la délibération du Congrès de Nouvelle-Calédonie, accessoire par rapport au marché public, et que le juge administratif était par suite compétent pour apprécier l'étendue des obligations s'imposant à la banque, débitrice de cette caution, indépendamment des conséquences de la procédure de redressement judiciaire à laquelle avait été admis le titulaire du marché, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Banque calédonienne d'investissement doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à sa charge le versement d'une somme de 3 000 euros à la province des Iles Loyauté ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Banque calédonienne d'investissement est rejeté.
Article 2 : la société Banque calédonienne d'investissement versera à la province des Iles Loyauté une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Banque calédonienne d'investissement et à la province des Iles Loyauté.


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