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Ariane Web: Conseil d'État 362776, lecture du 24 octobre 2013, ECLI:FR:CECHS:2013:362776.20131024

Décision n° 362776
24 octobre 2013
Conseil d'État

N° 362776
ECLI:FR:CESJS:2013:362776.20131024
Inédit au recueil Lebon
9ème SSJS
Mme Séverine Larere, rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public


Lecture du jeudi 24 octobre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu l'ordonnance n° 11BX03397 du 14 septembre 2012, enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 17 septembre 2012, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête et le mémoire distinct de M. B... A... ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 26 décembre 2011, présentée par M.A..., demeurant ... ; M. A...demande l'annulation du jugement n° 1100894 du tribunal administratif de Saint-Denis du 3 novembre 2011 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 septembre 2011 par laquelle le préfet de La Réunion a prononcé sa démission d'office de son mandat de conseiller municipal de la commune de Saint-Leu ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 octobre 2013, présentée par M. A... ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu la décision du 17 avril 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...;

Vu la décision n° 2013-326 QPC du 5 juillet 2013 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;


1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 231 du code électoral, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, issue de la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 : " Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : / (...) 8° Les directeurs de cabinet du président du conseil général et du président du conseil régional, les directeurs généraux, les directeurs, les directeurs adjoints, chefs de service et chefs de bureau de conseil général et de conseil régional, (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 236 du même code : " Tout conseiller municipal qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d'inéligibilité prévus par les articles L. 230, L. 231 et L. 232 est immédiatement déclaré démissionnaire par le préfet, sauf réclamation au tribunal administratif dans les dix jours de la notification, et sauf recours au Conseil d'État, conformément aux articles L. 249 et L. 250 (...) " ;

2. Considérant que M.A..., élu conseiller municipal de la commune de Saint-Leu à la Réunion lors des élections municipales de mars 2008 a été recruté en qualité de directeur de cabinet du président du conseil régional de la Réunion, par un arrêté du 31 mars 2010 de ce dernier ; que, par une décision du 2 septembre 2011, le préfet de la Réunion l'a déclaré démissionnaire d'office, en application des dispositions précitées des articles L. 231 et L. 236 du code électoral, de son mandat de conseiller municipal de la commune de Saint-Leu pour cause d'inéligibilité intervenue en cours de mandat ; que M. A...relève appel du jugement du 3 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision ; qu'il a contesté, à l'occasion de cet appel, l'ordonnance du 23 septembre 2011 par laquelle le président du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 8° de l'article L. 231 du code électoral ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'il ressort de la copie de la minute du jugement attaqué que le moyen tiré de ce que ce jugement ne comporterait pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré de la non conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 8° de l'article L. 231 du code électoral :

4. Considérant que, par sa décision n° 2013-326 QPC du 5 juillet 2013 susvisée, le Conseil constitutionnel, à qui la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... a été renvoyée par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 17 avril 2013, a déclaré le 8° de l'article L. 231 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000, conforme à la Constitution ; que le moyen invoqué ne peut, par suite, qu'être écarté ;

En ce qui concerne les autres griefs :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que M.A..., se trouvait, à la date de la décision attaquée, dans un des cas d'inéligibilité prévus par l'article L. 231 précité du code électoral ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 236 du même code que le préfet était, dès lors, tenu de le déclarer démissionnaire de son mandat de conseiller municipal ; qu'il s'ensuit que les moyen tirés, tout d'abord, de l'irrégularité de la délégation de signature consentie par le préfet au secrétaire général de la préfecture, signataire de la décision attaquée, ensuite, de l'absence alléguée de motivation de cette décision et, enfin, du non respect de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 sont, en tout état de cause, inopérants ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les griefs tirés de ce que les dispositions du 8° de l'article L. 231 du code électoral méconnaîtraient les stipulations des articles 1er, 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, des articles 10 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention n'ont pas été invoqués par M. A... devant les premiers juges dans le délai de cinq jours prévu à l'article R. 119 du code électoral ; qu'ils sont, par suite, irrecevables ;

7. Considérant, enfin, que les dispositions du 8° de l'article L. 231 du code électoral n'ont pas pour effet de priver les personnes qu'elles visent du droit de se porter candidat et d'être élu dans des conditions qui seraient contraires aux stipulations de l'article 2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni d'apporter à ce droit une " restriction déraisonnable ", au sens de son article 25 ; qu'elles n'affectent pas, par ailleurs, leur personnalité juridique au sens de l'article 16 de ce pacte ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Réunion.