Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 366599, lecture du 25 novembre 2013, ECLI:FR:CESJS:2013:366599.20131125

Décision n° 366599
25 novembre 2013
Conseil d'État

N° 366599
ECLI:FR:CESJS:2013:366599.20131125
Inédit au recueil Lebon
7ème sous-section jugeant seule
M. Vincent Montrieux, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public


Lecture du lundi 25 novembre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. A... B..., demeurant au... ; M. B... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 8 janvier 2013 du ministre de la défense lui infligeant quinze jours d'arrêts ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code la défense ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Montrieux, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une sanction de 15 jours d'arrêt a été infligée par le ministre de la défense le 8 janvier 2013 au lieutenant-colonelB..., commandant du 2ème bataillon de l'Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, à raison de faits ayant entraîné la mort d'un élève de cette unité dans le cadre d'une activité de transmission des traditions de cette école le 29 octobre 2012 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4137-13 du code de la défense " Tout supérieur a le droit et le devoir de demander à ce que les militaires placés au-dessous de lui dans l'ordre hiérarchique soient sanctionnés pour les fautes ou les manquements qu'ils commettent " ; que selon l'article R. 4137-15 du même code : " Avant qu'une sanction ne lui soit infligée, le militaire a le droit de s'expliquer oralement ou par écrit, seul ou accompagné d'un militaire en activité de son choix sur les faits qui lui sont reprochés devant l'autorité militaire de premier niveau dont il relève. Au préalable, un délai de réflexion, qui ne peut être inférieur à un jour franc, lui est laissé pour organiser sa défense. Lorsque la demande de sanction est transmise à une autorité militaire supérieure à l'autorité militaire de premier niveau, le militaire en cause peut également s'expliquer par écrit sur ces faits auprès de cette autorité supérieure. L'explication écrite de l'intéressé ou la renonciation écrite à l'exercice du droit de s'expliquer par écrit est jointe au dossier transmis à l'autorité militaire supérieure. Avant d'être reçu par l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, le militaire a connaissance de l'ensemble des pièces et documents au vu desquels il est envisagé de le sanctionner " et que selon l'article R. 4137-17 du même code : " Lorsque l'autorité militaire de deuxième niveau qui reçoit une demande de sanction du premier groupe estime que cette sanction est justifiée, elle inflige une telle sanction. Si la sanction disciplinaire du premier groupe envisagée excède son pouvoir disciplinaire, elle transmet la demande de sanction à l'autorité compétente. Cette autorité est l'autorité militaire de troisième niveau dont relève le militaire s'il s'agit d'un militaire du rang, le ministre de la défense s'il s'agit d'un officier, d'un sous-officier ou s'il s'agit d'un militaire du rang ne relevant d'aucune autorité militaire de troisième niveau. Les échelons hiérarchiques intermédiaires sont informés de ces transmissions (...) " ;

3. Considérant en premier lieu que, d'une part, la circonstance que la décision infligeant la sanction ait été signée, par délégation du ministre, par le chef d'Etat-major de l'armée de terre qui est également à l'origine de la procédure disciplinaire est par elle-même sans incidence sur la légalité de cette décision, d'autre part, que toute autorité militaire a le devoir de demander à ce que les militaires placés au-dessous d'elle dans l'ordre hiérarchique soient sanctionnés pour les fautes commises ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que la procédure suivie aurait été celle applicable aux militaires du rang et non aux officiers, ne peut qu'être écarté, en l'absence de toute précision sur les différences entre ces deux procédures et les irrégularités qui découleraient d'une prétendue erreur ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort du bulletin de sanction que l'autorité militaire de deuxième niveau, qui faisait elle-même l'objet d'une demande de sanction pour les mêmes faits, s'est bornée à transmettre la demande de sanction du lieutenant-colonel B...au ministre de la défense, sans porter d'appréciation ni sur les faits ni sur le comportement du requérant ; que par suite le moyen tiré de ce que le principe d'impartialité aurait été méconnu doit être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que la communication au requérant d'une version du rapport de l'enquête de commandement dans laquelle les développements relatifs à d'autres militaires mis en cause avait été préalablement retirés, n'a pas été de nature à le priver des garanties dont il devait bénéficier, dès lors que la version du rapport qui lui avait été communiquée comprenait tous les faits et éléments de l'affaire sur le fondement desquels il avait été sanctionné ;

7. Considérant, en cinquième lieu que la sanction contestée est fondée sur l'insuffisante exigence du lieutenant-colonel B...dans la conception et la mise en oeuvre de l'activité nautique au cours de laquelle l'élève officier a trouvé la mort ; que si le requérant soutient que le rapport d'enquête serait entaché de plusieurs erreurs de fait, il est en tout état de cause constant qu'il n'a pas lu la note élaborée par les élèves officiers pour la mise en oeuvre de cette activité à risque prévue par le " livre de marche de la promotion " et dont le caractère lacunaire n'a ainsi pas éveillé l'attention requise de sa part ; qu'alors même que l'organisation de la transmission des traditions relève pour partie des élèves eux-mêmes dans un but d'apprentissage et de responsabilisation et que le lieutenant-colonelB..., dont l'excellente manière de servir est au demeurant relevée par le bulletin de sanction, a pris ou fait prendre un certain nombre de dispositions pour assurer la sécurité des élèves, cette négligence est de nature à justifier l'édiction d'une sanction disciplinaire ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreurs de fait et d'une inexacte qualification de ceux-ci doivent être écartés ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le lieutenant-colonel B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 8 janvier 2013 et que, par conséquent, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;


D E C I D E :
--------------
Article 1er : la requête du lieutenant-colonel B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et au ministre de la défense.