Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 350193, lecture du 30 décembre 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:350193.20131230

Décision n° 350193
30 décembre 2013
Conseil d'État

N° 350193
ECLI:FR:CESSR:2013:350193.20131230
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
Mme Anne Iljic, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SPINOSI, avocats


Lecture du lundi 30 décembre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la CIMADE, dont le siège est situé 64, rue Clisson à Paris (75013) ; la CIMADE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 1er avril 2011 relative au droit d'asile, à l'application du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 dit " règlement Dublin " et à la mise en oeuvre des procédures d'examen prioritaire de certaines demandes d'asile prévues à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 53-1 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 13 ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le protocole n° 24 annexé au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu la directive n° 2005/85 CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Iljic, Auditeur,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Spinosi, avocat de l'Association La Cimade ;


Sur le moyen, dirigé contre les deux annexes de la circulaire, tiré de ce que les demandes d'asiles doivent être examinées par une autorité unique :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 4 de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres : " Les États membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes (...) " ; qu'aux termes du 2 de ce même article : " Les Etats-membres peuvent prévoir qu'une autre autorité est responsable lorsqu'il s'agit :/ a) de traiter les cas dans lesquels il est envisagé de transférer le demandeur vers un autre État conformément à la réglementation établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile, et ce jusqu'à ce que le transfert ait lieu ou que l'État requis ait refusé de prendre ou de reprendre en charge le demandeur; (...) " ; que le 4 de l'article 23 de cette même directive permet aux Etats membres de décider qu'une procédure d'examen est prioritaire ou est accélérée dans certains cas limitativement énumérés et parmi lesquels figurent ceux repris aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de l'article L. 723-1 de ce code : " L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. Il n'est toutefois pas compétent pour connaître d'une demande présentée par une personne à laquelle l'admission au séjour a été refusée pour le motif prévu au 1° de l'article L. 741-4. / L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document " ;

2. Considérant que, d'une part, il résulte de ces dispositions que, dans les cas dans lesquels la France n'est pas l'Etat responsable du traitement de la demande d'asile, la demande d'asile peut être examinée par une autorité autre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'en revanche, la demande d'asile sur laquelle la France a compétence pour statuer fait l'objet d'un examen exclusif par le seul Office français de protection des réfugiés et apatrides dans les cas prévus aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, d'autre part, les dispositions précitées de la directive du 1er décembre 2005 n'imposent pas que l'autorité chargée de l'examen des demandes d'asile soit également chargée de déterminer la procédure selon laquelle ces demandes d'asile sont examinées ; que, par suite, la circulaire attaquée, en prescrivant d'appliquer les dispositions des articles L. 723-1 et L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, ne méconnaît pas les dispositions de l'article 4 de la directive du 1er décembre 2005 ;

Sur l'annexe I de la circulaire relative à la procédure applicable aux demandes d'asile relevant de la compétence d'un autre Etat (1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) :

En ce qui concerne le refus d'admission au séjour des demandeurs d'asile dont la demande relève de la compétence d'un autre Etat-membre :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats (...) " ; que si ces dispositions font obstacle à ce que l'étranger dont la demande relève d'un autre Etat-membre bénéficie du document provisoire de séjour prévu par l'article L. 742-1 du même code, elles n'impliquent pas qu'il ne puisse demeurer sur le territoire français pendant le délai nécessaire à l'instruction de sa demande ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en énonçant que " lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, il convient de notifier à l'étranger un refus d'admission au séjour en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'il soit nécessaire d'attendre la réponse de l'Etat membre concerné ", le ministre de l'intérieur n'a méconnu, contrairement à ce que soutient la requérante, ni les dispositions précitées de l'article L. 741-4, qui n'impliquent pas que le refus de séjour ne soit notifié que lorsque l'Etat dont relève l'examen de la demande d'asile a reconnu sa compétence, ni les dispositions des articles 19 et 20 du règlement du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, qui ne portent que sur la procédure de remise du demandeur d'asile à l'Etat compétent pour examiner sa demande ; qu'il n'a pas davantage méconnu la possibilité, reconnue aux autorités de la République par les dispositions de l'article 53-1 de la Constitution, d'accorder l'asile à un étranger dont la demande ne relèverait pas de leur compétence en vertu de ce règlement, lesquelles n'ont ni pour objet ni pour effet de réserver à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides l'examen, au titre des dispositions constitutionnelles, des demandes d'asiles présentées auprès des autorités françaises mais qui, en application du droit de l'Union, ne relèvent en principe pas de l'examen par la France de la demande ;

En ce qui concerne la notification par le préfet de la décision de remise d'un demandeur d'asile aux autorités de l'Etat-membre requis :

5. Considérant qu'en indiquant qu'il appartient au préfet de département compétent de notifier au demandeur d'asile la décision de remise aux autorités de l'Etat membre, sur le fondement de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la circulaire se borne à rappeler l'état du droit existant, qui ne fait aucunement obstacle à ce que ce même préfet délivre, pour un autre motif, un titre de séjour à ce demandeur d'asile, ni à ce que lui soit éventuellement accordé l'asile sur le fondement du dernier alinéa de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne les conditions de transmission électronique des demandes d'asile via la messagerie " DubliNet " :

6. Considérant que la circulaire attaquée, qui n'a ni pour objet ni pour effet de créer ce système de messagerie, ne saurait être regardée comme illégale du seul fait qu'elle n'en rappelle pas les modalités de fonctionnement ;

En ce qui concerne la possibilité, pour les demandeurs d'asile, d'exercer un recours contre les décisions de remise aux autorités d'un autre Etat membre ou de présenter des observations préalables :

7. Considérant que si, à l'appui d'un recours contre une circulaire, toute personne y ayant intérêt peut faire valoir que les dispositions impératives qu'elle comporte fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence, l'administration n'est jamais tenue de prendre une circulaire pour interpréter l'état du droit existant ; qu'il ne peut donc, en tout état de cause, être reproché au ministre de l'intérieur de n'avoir pas rappelé, par la circulaire attaquée, les dispositions relatives aux voies de recours contre la décision de remise du demandeur d'asile à l'Etat compétent pour examiner sa demande, ou, au moins, la possibilité pour un demandeur d'asile de présenter des observations préalables à cette décision de remise ;

En ce qui concerne le placement en rétention du demandeur d'asile au cours de son transfert vers l'Etat membre requis :

8. Considérant qu'aucune disposition de la circulaire attaquée ne prévoit le placement en rétention du demandeur d'asile au cours de la procédure permettant son transfert vers l'Etat dans lequel il est réadmis ; qu'ainsi le moyen ne peut en tout état de cause qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'interruption de la prise en charge du demandeur d'asile à l'expiration du délai imparti au demandeur d'asile pour rejoindre le pays vers lequel la réadmission a été prononcée :

9. Considérant qu'il résulte des dispositions de la directive du 27 janvier 2003, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 27 septembre 2012, qu'un Etat membre saisi d'une demande d'asile est tenu d'octroyer les conditions minimales d'accueil garanties par cette directive, y compris à un demandeur d'asile pour lequel il décide, en application du règlement du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, dit " Dublin II ", de requérir un autre Etat membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, et que cette obligation ne prend fin, le cas échéant, que lors du transfert effectif du demandeur par l'Etat membre requérant, la charge financière de l'octroi des conditions minimales incombant, jusqu'à cette date, à ce dernier Etat membre ;

10. Considérant que si le demandeur d'asile dont la demande relève de la compétence d'un autre Etat européen, que la France décide de requérir en application du règlement du 18 février 2003, peut se voir refuser l'admission au séjour en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il dispose cependant du droit de rester en France en application des dispositions précises et inconditionnelles de l'article 7 de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, ainsi que l'a également jugé la Cour de justice ; qu'il doit, dès lors, pouvoir accéder aux conditions minimales d'accueil prévues par la directive du 27 janvier 2003 ;

11. Considérant que la circulaire attaquée prévoit qu'à l'expiration du délai qui lui a été imparti pour rejoindre l'Etat vers lequel sa réadmission a été prononcée en vertu du règlement du 18 février 2003, ce dernier n'a plus le droit aux conditions d'accueil réservées aux demandeurs d'asile ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les dispositions de la directive du 27 janvier 2003, n'ont pas pour objet, et ne sauraient avoir légalement pour effet, de permettre d'interrompre le bénéfice des conditions minimales d'accueil d'un demandeur d'asile au seul motif que le délai qui lui a été imparti pour rejoindre l'Etat vers lequel la réadmission a été prononcée est expiré ; que, par suite, ce demandeur d'asile a droit au bénéfice des conditions minimales d'accueil, jusqu'à ce qu'il ait été effectivement transféré vers l'Etat requis, ou, le cas échéant, jusqu'à ce que la France, ayant finalement engagé l'examen de sa demande, se soit prononcée sur celle-ci ;

12. Considérant que, dans l'intervalle, et en l'absence de dispositions nationales prises pour la transposition de l'article 16 de la directive du 27 janvier 2003 qui prévoit des cas de limitation ou de retrait du bénéfice des conditions d'accueil, le bénéfice des conditions minimales d'accueil pour les demandeurs d'asile ayant fait l'objet d'une décision de réadmission ne saurait être interrompu avant leur transfert effectif vers l'Etat requis ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en excluant du bénéfice des conditions minimales d'accueil les personnes n'ayant pas déféré à l'obligation de rejoindre l'Etat vers lequel leur réadmission a été prononcée en application du règlement du 18 février 2003 dans le délai qui leur était imparti, la circulaire attaquée méconnaît les dispositions précitées de la directive du 27 janvier 2003 ; que la circonstance que, par une circulaire du 23 avril 2013, le ministre de l'intérieur a pris des mesures transitoires visant à permettre que les demandeurs d'asile en procédure de réadmission bénéficient de l'allocation temporaire d'attente jusqu'à la date de leur transfert effectif vers l'Etat membre requis est à cet égard sans incidence ; que, par suite, la CIMADE est fondée à demander l'annulation du point 3.2.1 de l'annexe I de la circulaire du 1er avril 2011 en tant que celui-ci exclut du bénéfice des conditions minimales d'accueil les demandeurs d'asile dont la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat européen à compter de l'expiration du délai qui leur a été imparti pour rejoindre l'Etat vers lequel leur réadmission a été prononcée ;

Sur l'annexe II de la circulaire relative à l'application de la procédure d'examen des demandes d'asile relevant des 2° à 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

En ce qui concerne les modalités d'information des demandeurs d'asile dans une langue qu'ils comprennent :

14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, une circulaire ne saurait être entachée d'illégalité du seul fait qu'elle ne reprend pas certaines dispositions du droit existant ; qu'il ne peut donc, en tout état de cause, être utilement reproché au ministre de l'intérieur de n'avoir pas prévu dans la circulaire attaquée de dispositions relatives aux modalités d'information des demandeurs d'asile dans une langue qu'ils comprennent ;

En ce qui concerne le classement dans la catégorie des pays d'origine sûrs des Etats membres de l'Union européenne :

15. Considérant qu'aux termes de l'article unique du protocole n° 29 annexé au traité instituant la Communauté européenne : " Vu le niveau de protection des droits fondamentaux et des libertés fondamentales dans les Etats membres de l'Union européenne, ceux-ci sont considérés comme constituant des pays d'origine sûrs les uns vis-à-vis des autres pour toutes les questions juridiques et pratiques liées aux affaires d'asile (...) " ; qu'en vertu du protocole additionnel au traité d'Amsterdam signé le 2 octobre 1997, les Etats membres de l'Union européenne " sont considérés comme des pays d'origine sûrs les uns vis-à-vis des autres pour toutes les questions juridiques et pratiques liées aux affaires d'asile " ; que le 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers permet de refuser l'admission au séjour d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile lorsque " l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité (...) d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) "; que, par conséquent, en indiquant qu'il convient de faire application des dispositions précitées du 2° de l'article L. 741-4 en cas de demande d'asile présentée par un ressortissant de l'Union européenne, le ministre de l'intérieur a fait une exacte application des stipulations du protocole n° 29, combinées avec les dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne les conséquences, sur l'examen de la demande d'asile, du placement d'un demandeur d'asile dans la catégorie des ressortissants d'un pays d'origine sûr :

16. Considérant qu'aux termes de l'article 31 de la directive du 1er décembre 2005 : " 1. Un pays tiers désigné comme pays d'origine sûr conformément soit à l'article 29, soit à l'article 30 ne peut être considéré comme tel pour un demandeur d'asile déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne, que si : / a) ce dernier est ressortissant dudit pays, ou / b) si l'intéressé est apatride et s'il s'agit de son ancien pays de résidence habituelle ; / et si le demandeur d'asile n'a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu'il ne s'agit pas d'un pays d'origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en vertu de la directive 2004/83/CE. " ; que, contrairement à ce que soutient l'association requérante, il ressort clairement de ces dispositions que, si ce n'est qu'après un examen individuel de sa demande qu'un pays peut être regardé comme un pays d'origine sûr pour un demandeur d'asile déterminé, elles ne sauraient avoir pour effet de réserver cet examen préalable, qui a uniquement pour objet de déterminer la procédure selon laquelle sera examiné le bien-fondé de cette demande d'asile, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, dès lors que le 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " la prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande ", l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions législatives applicables aux demandeurs d'asile ressortissants de pays d'origine sûrs seraient contraires aux dispositions précitées de la directive du 1er décembre 2005 ;

En ce qui concerne les modalités de détection des demandes d'asile frauduleuses :

17. Considérant qu'en rappelant qu'une demande d'asile frauduleuse " peut notamment être détectée au moyen de la prise systématique des empreintes digitales des demandeurs d'asile, conformément aux dispositions du règlement Eurodac ", le ministre de l'intérieur n'a, contrairement à ce que soutient la requérante, ni mis en place ni même prévu d'interconnexion entre la base Eurodac, dans laquelle sont conservées les empreintes digitales des étrangers ayant déposé une demande d'asile dans un pays membre de l'Union européenne, et le traitement informatisé des dossiers des ressortissants étrangers en France ;

En ce qui concerne la qualification de recours abusif aux procédures d'asile des demandes présentées par des personnes bénéficiant du statut de réfugié dans un autre Etat-membre :

18. Considérant que, selon le 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut également être refusée si " la demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. (...) " ; qu'en énonçant que " la demande d'asile présentée par un étranger bénéficiaire d'une protection internationale dans un Etat membre de l'Union européenne et qui invoque des risques dans cet Etat peut être considérée comme un recours abusif aux procédures d'asile ", le ministre de l'intérieur, qui s'est borné à mentionner la possibilité que certaines des demandes d'asile évoquées présentent un caractère abusif, sans affirmer qu'elles le seraient nécessairement, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'absence de caractère suspensif des recours formés devant la Cour nationale du droit d'asile contre les décisions de refus d'octroi du statut de réfugié prononcées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur le fondement des 2° à 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

19. Considérant que la circulaire attaquée se borne à indiquer qu'en application des articles L. 742-3 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " le recours formé devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par le demandeur d'asile auquel l'admission provisoire au séjour a été refusée sur le fondement des 2° à 4° de l'article L. 741-4 ne suspend pas le caractère exécutoire de la mesure d'éloignement ", sans faire obstacle à l'exercice par l'intéressé des recours dont il peut le cas échéant user à l'encontre de la mesure d'éloignement ; qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CIMADE est fondée à demander l'annulation de la circulaire attaquée en tant seulement qu'elle prévoit l'interruption du bénéfice des conditions minimales d'accueil pour les demandeurs d'asile qui n'ont pas déféré, dans le délai imparti, à l'obligation de rejoindre le pays vers lequel leur réadmission a été prononcée ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la CIMADE au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
--------------

Article 1er : La circulaire du ministre de l'intérieur du 1er avril 2011 est annulée en tant qu'elle prévoit l'interruption du bénéfice des conditions minimales d'accueil pour les demandeurs d'asile qui n'ont pas déféré, dans le délai imparti, à l'obligation de rejoindre le pays vers lequel leur réadmission a été prononcée.
Article 2 : L'Etat versera à la CIMADE la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la CIMADE et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.


Voir aussi