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Ariane Web: Conseil d'État 353154, lecture du 17 mars 2014, ECLI:FR:CESSR:2014:353154.20140317

Décision n° 353154
17 mars 2014
Conseil d'État

N° 353154
ECLI:FR:CESSR:2014:353154.20140317
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère / 6ème SSR
Mme Julia Beurton, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats


Lecture du lundi 17 mars 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu 1°, sous le n° 353154, la requête et le nouveau mémoire, enregistrés les 5 et 14 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le syndicat des médecins d'Aix et région, dont le siège est 5, boulevard du Roy René à Aix-en-Provence (13100), représenté par son secrétaire général ; le syndicat requérant demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi et de la santé et du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement, du 22 septembre 2011 portant approbation de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu 2°, sous le n° 354320, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 novembre 2011 et 16 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat national des pédiatres français, dont le siège est 1, place Barberousse à Hagueneau (67500), représenté par son premier vice-président ; le syndicat requérant demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 22 septembre 2011 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................


Vu 3°, sous le n° 357697, la requête, enregistrée le 19 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le même syndicat national des pédiatres français, qui demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du collège des directeurs de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie du 20 décembre 2011 relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l'assurance maladie ;

2°) de mettre à la charge de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 1er ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;

Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Beurton, Auditeur,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et à la SCP Richard, avocat du syndicat national des pédiatres français ;




1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre la même décision ou présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie du 20 décembre 2011 relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l'assurance maladie :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale : " La prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel de santé, dans le cadre d'un exercice libéral ou d'un exercice salarié auprès d'un autre professionnel de santé libéral (...) est subordonné à leur inscription sur une liste établie dans les conditions fixées au présent article. (...) / La hiérarchisation des prestations et des actes est établie dans le respect des règles déterminées par des commissions créées pour chacune des professions dont les rapports avec les organismes d'assurance maladie sont régis par une convention mentionnée à l'article L. 162-14-1. (...) / Les conditions d'inscription d'un acte ou d'une prestation, leur inscription et leur radiation sont décidées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, après avis de la Haute Autorité de santé et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (...) / Les décisions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie sont réputées approuvées sauf opposition motivée des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale (...) " ; qu'en vertu du I de l'article R. 162-52 du même code, les tarifs fixés en application des conventions définissant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les professionnels de santé sont déterminés d'après une liste des actes et prestations établie dans les conditions prévues à l'article L. 162-1-7 et " Cette liste peut comporter des majorations pour les actes accomplis dans des circonstances spéciales ou par certaines catégories de praticiens, en raison de leurs titres, de leur valeur scientifique, de leurs travaux ou de leur spécialisation. Elle détermine, en pareil cas, les conditions d'application de ces majorations (...) " ;

3. Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, la décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) du 20 décembre 2011 a inséré un article 14.4 quinquies dans la liste des actes et prestations pris en charge par l'assurance maladie pour prévoir que les consultations et visites effectuées par le pédiatre pour un enfant âgé de 25 mois à 6 ans ouvrent droit, en sus des honoraires, à une " majoration pédiatre enfant (MPE) ", lorsqu'elles comportent un interrogatoire, un examen complet, des conseils de prévention et qu'elles donnent lieu à un compte rendu sur le carnet de santé de l'enfant, et que cette majoration peut être cotée si le pédiatre n'est pas autorisé à pratiquer des honoraires différents au sens de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie ou si les actes sont dispensés aux bénéficiaires du droit à la protection complémentaire en matière de santé ; que le syndicat national des pédiatres français critique cette décision en tant qu'elle établit une distinction entre pédiatres selon le secteur d'exercice conventionnel ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes de l'article R. 162-52 du code de la sécurité sociale, cité au point 2, que la liste des actes et prestations est établie, dans l'intérêt de la santé publique et des assurés sociaux, en fonction du progrès des techniques médicales, des modalités selon lesquelles sont exécutés les actes, de l'évolution du volume d'activité et des revenus de la profession ; que, sur le fondement de ces dispositions, l'UNCAM pouvait instituer une majoration au profit de certains pédiatres ; qu'en se fondant sur l'autorisation dont bénéficient certains praticiens d'appliquer des honoraires différents des honoraires opposables, alors même qu'une majoration analogue est désormais accordée pour les généralistes sans faire cette distinction, et sur la situation particulière des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire au regard des tarifs, l'UNCAM a pris en considération des différences de situation en rapport avec l'objet de la liste qu'il lui appartient d'établir ;

5. Considérant, en second lieu, que la différence de traitement opérée par la décision attaquée entre pédiatres selon leur secteur conventionnel d'exercice poursuit un but légitime de revalorisation des revenus des pédiatres exerçant en secteur à honoraires opposables, c'est-à-dire s'engageant à respecter les tarifs fixés par la convention, inférieurs de 25 % en 2010 à ceux des pédiatres exerçant en secteur à honoraires différents, et d'encouragement à l'exercice dans le premier de ces secteurs ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur l'arrêté du 22 septembre 2011 portant approbation de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions présentées par le syndicat des médecins d'Aix et région :

6. Considérant que la requête du syndicat des médecins d'Aix et région contient l'exposé de moyens qui ont été présentés avant l'expiration du délai de recours contentieux ; que le syndicat, eu égard à son objet, justifie d'un intérêt à demander l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2011 portant approbation de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes ; qu'il a produit une délibération adoptée le 21 septembre 2011 par son conseil d'administration, compétent en vertu de l'article 13 de ses statuts, donnant pouvoir à son secrétaire général pour former en son nom un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté qui approuverait cette convention ; que, par suite, le ministre des affaires sociales et de la santé n'est pas fondé à soutenir que sa requête serait irrecevable dans sa totalité ;

7. Considérant, toutefois, que, dans le délai de recours contentieux, ce syndicat n'a critiqué l'arrêté du 22 septembre 2011 qu'en tant qu'il approuve certaines stipulations, divisibles, de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes relatives aux conditions d'adhésion ainsi que certaines des stipulations de ses articles 12.3, 13.2, 14.2, 27.1, 30, 69 et 79 ; que ses conclusions tendant à l'annulation du même arrêté en tant qu'il approuve les stipulations de l'article 26 de la convention relatives à la rémunération à la performance et celles de l'annexe XXII relative à la procédure de sanction, présentées dans des mémoires enregistrés les 11 mai 2012 et 22 juillet 2013, soit après l'expiration du recours contentieux, sont irrecevables ;

8. Considérant, enfin, que le premier alinéa de l'article 12.3, par lequel les partenaires conventionnels affirment leur attachement à l'application des mesures prévues aux articles L. 162-5-4 et D. 162-1-8 du code de la sécurité sociale, est dépourvu de portée normative et ne fait donc pas grief ; que, par suite, les conclusions du syndicat des médecins d'Aix et région dirigées contre l'arrêté du 22 septembre 2011 en tant qu'il approuve les stipulations de cet alinéa sont également irrecevables ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 22 septembre 2011 :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins sont définis par (...) une convention nationale conclue par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et au moins une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins généralistes et une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins spécialistes. (...) / La ou les conventions déterminent notamment : / 1° Les obligations respectives des caisses primaires d'assurance maladie et des médecins d'exercice libéral " ;

Quant aux conditions d'adhésion à la convention :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-15 du même code : " (...) L'accord-cadre, les conventions nationales, leurs avenants, le règlement et les accords de bon usage des soins mentionnés à l'article L. 162-12-17 sont applicables : / 1° Aux professionnels de santé qui s'installent en exercice libéral ou qui souhaitent adhérer à la convention pour la première fois s'ils en font la demande ; / 2° Aux autres professionnels de santé tant qu'ils n'ont pas fait connaître à la caisse primaire d'assurance maladie qu'ils ne souhaitent plus être régis par ces dispositions (...) " ; que si, en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et de celles de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire, les sociétés civiles professionnelles et les sociétés d'exercice libéral ont pour objet l'exercice en commun de la profession de leurs membres, et si, en vertu respectivement des articles R. 4113-75 et R. 4113-20 du code de la santé publique, la société, comme les associés eux-mêmes, est soumise à l'ensemble des lois et règlements régissant les rapports de la profession avec l'assurance maladie, il n'en résulte pas que les médecins exerçant au sein d'une même structure juridique, qu'elle soit ou non dotée de la personnalité morale, devraient nécessairement être tous placés dans la même situation à l'égard de cette convention ; que les parties à la convention n'avaient pas compétence pour imposer à l'ensemble des associés exerçant au sein de la société de se déterminer de manière identique au regard de leur volonté ou non d'exercer dans le cadre de la présente convention ; que, par suite, l'article 30 de la convention est illégal en tant qu'il fixe une telle obligation ;

11. Considérant, en second lieu, qu'en prévoyant, au dernier alinéa de l'article 30 de la convention, que l'exercice par un médecin salarié d'une société d'exercice est assimilé à un exercice libéral, les parties à la convention ont entendu viser les seules situations dans lesquelles des médecins, exerçant sous forme de société, ont opté pour le régime de l'assimilation aux salariés sur le plan social ou fiscal, sans pour autant avoir la qualité de salarié au sens du code du travail, et n'ont ainsi pas méconnu les dispositions de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale ; qu'en revanche, en tant qu'elles ont prévu qu'un médecin salarié d'un associé d'une société d'exercice doit être assimilé à un médecin exerçant à titre libéral et peut ainsi adhérer à la convention, les parties à la convention ont méconnu les dispositions de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale en vertu desquelles la convention détermine les obligations respectives des caisses primaires d'assurance maladie et des médecins d'exercice libéral ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article 30 de la convention méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 162-5 n'est fondé qu'en tant que les stipulations conventionnelles assimilent un médecin salarié d'un associé d'une société d'exercice à un médecin exerçant à titre libéral ;

Quant à l'accès spécifique à certains soins dispensés par le médecin spécialiste :

12. Considérant, d'une part, que le cinquième alinéa de l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale prévoit que la participation de l'assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations " peut être majorée pour les assurés et les ayants droit n'ayant pas choisi de médecin traitant ou consultant un autre médecin sans prescription de leur médecin traitant. Un décret fixe les cas dans lesquels cette majoration n'est pas appliquée (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, l'article D. 167-1-7 dispose que cette majoration n'est pas appliquée lorsque le patient consulte, sans prescription de son médecin traitant, des médecins relevant de certaines spécialités qu'il énumère ;

13. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 162-5 du même code, la convention définissant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins détermine notamment : " 18° Les modalités selon lesquelles les médecins relevant de certaines spécialités sont autorisés à pratiquer, dans certaines limites respectant les dispositions de l'article L. 162-2-1, des dépassements d'honoraires sur le tarif des actes et consultations pour les patients qui les consultent sans prescription préalable de leur médecin traitant et qui ne relèvent pas d'un protocole de soins, et les engagements des professionnels pour assurer l'égalité de traitement des patients au regard des délais d'accès au médecin (...) " ; que, sur le fondement de ces dispositions, la convention litigieuse a défini, à son article 34.1, les modalités selon lesquelles les praticiens spécialistes du secteur à honoraires opposables peuvent pratiquer des dépassements en cas de consultation en dehors du parcours de soins coordonnés et, à son article 14, les spécialités et les actes pour lesquels les médecins peuvent être consultés sans consultation préalable du médecin traitant tout en restant dans le parcours de soins et en étant rémunérés comme tels, c'est-à-dire, notamment, sans pouvoir pratiquer de dépassement ;

14. Considérant que les stipulations de l'article 14.2, qui précisent ainsi la liste des spécialités médicales et des catégories de soins qui s'inscrivent dans le parcours de soins coordonnés et, à ce titre, ne peuvent donner lieu à facturation de dépassements d'honoraires, n'ont ni pour objet ni pour effet de fixer des cas dans lesquelles la majoration mentionnée à l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale ne s'appliquerait pas ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article D. 167-1-7 doit, par suite, être écarté ;

15. Considérant, en outre, que les parties à la convention pouvaient, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation[Conseil1], ne pas autoriser la facturation de dépassements d'honoraires aux stomatologues, pour l'ensemble des soins bucco-dentaires, et aux psychiatres et neuro-psychiatres, pour les soins de psychiatrie prodigués aux patients de moins de 26 ans ;

Quant à la possibilité de facturer certaines majorations :

16. Considérant qu'en vertu du 1° de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, les conventions régissant les rapports entre l'assurance maladie et les professionnels de santé définissent : " Les tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux professionnels par les assurés sociaux en dehors des cas de dépassement autorisés par la convention pour les médecins (...) " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, le I de l'article R. 162-52 du même code dispose que ces tarifs sont déterminés d'après une liste des actes et prestations établie par décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et que cette liste peut comporter des majorations pour les actes accomplis dans des circonstances spéciales ou par certaines catégories de praticiens, en raison, notamment, de leur spécialisation, en déterminant alors les conditions d'application de ces majorations ; que, par ailleurs, en vertu du 8° de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, la convention détermine : " Le cas échéant, les conditions dans lesquelles les tarifs et les rémunérations visés à l'article L. 162-5-2 peuvent être majorés pour certains médecins conventionnés ou certaines activités en vue de valoriser une pratique médicale correspondant à des critères de qualité qu'elles déterminent " ;

17. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la tarification des actes remboursés par l'assurance maladie résulte, pour chaque acte, d'une part, du code et du coefficient qui lui sont attribués dans la liste établie en application de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale et, d'autre part, du tarif alloué à ce code par voie conventionnelle ; que les partenaires conventionnels ne sauraient, sans excéder leur compétence, définir des actes médicaux non prévus par la liste établie par voie réglementaire en application de l'article L. 162-1-7, ni adopter des tarifs ne respectant pas la hiérarchisation des actes résultant de cette liste ; qu'il leur est, toutefois, loisible de définir des majorations de rémunération visant à satisfaire l'objectif défini au 8° de l'article L. 162-5 cité ci-dessus, dès lors que ces majorations ne sont pas fixées à un niveau tel que la hiérarchie résultant de la liste des actes serait remise en cause ;

18. Considérant, en premier lieu, que, sur le fondement du 8° de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale et du 17° du même article, qui donne compétence aux partenaires conventionnels pour déterminer les missions particulières des médecins traitants et les modalités de l'organisation de la coordination des soins, la convention approuvée par l'arrêté attaqué a prévu, à son article 13.2, que lorsque le médecin correspondant, appliquant les tarifs opposables, reçoit le patient pour des soins itératifs et procède à un retour d'informations au médecin traitant, il bénéficie d'une majoration de coordination applicable à la consultation ;

19. Considérant, d'une part, que ces stipulations ont pour objet de favoriser la mise en oeuvre du dispositif de " coordination des soins " défini par les dispositions de l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale, lequel vise à renforcer la qualité des soins et pouvait donc donner lieu à la création de majorations sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 162-5 précité ;

20. Considérant, d'autre part, qu'en réservant cette majoration aux médecins appliquant les tarifs fixés par la convention, exerçant en secteur à honoraires opposables, les parties à la convention n'ont ni privé les patients consultant des spécialistes relevant des autres secteurs conventionnels du bénéfice de la coordination des soins, ni privé ces derniers de la rémunération de leur travail ; qu'en excluant ces spécialistes, qui peuvent percevoir des honoraires plus élevés, du bénéfice de la majoration de coordination, les parties à la convention ont pris en compte des différences de situation en rapport avec l'objet de la convention ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la différence de traitement qui en résulte soit manifestement disproportionnée ; que, par suite, la convention ne méconnaît pas le principe d'égalité ;

21. Considérant, en deuxième lieu, que sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que la convention définit les tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux professionnels par les assurés sociaux, la convention a, à son article 27.1, augmenté de deux euros la majoration " MBB " attachée à la consultation du nourrisson ayant lieu dans les huit jours suivant la naissance qui peut être facturée par les seuls pédiatres, pour la porter à sept euros, et, sous réserve de la publication des modifications de la liste des actes et prestations mentionnée à l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, proposé la création d'une consultation entre la sortie de la maternité et le vingt-huitième jour de l'enfant, dont le montant est majoré de 3 euros pour les médecins exerçant en secteur à honoraires opposables, ainsi que la création d'une majoration pédiatre enfant dite " MPE ", d'un montant de 3 euros, pour les consultations et visites respectant certaines conditions au profit d'enfants de 2 ans à 6 ans, qui ne peut être facturée que par les pédiatres exerçant en secteur à honoraires opposables ; que les requérants contestent ces stipulations en tant qu'elles réservent à certaines catégories de praticiens la possibilité de facturer ces majorations ;

22. Considérant, tout d'abord, s'agissant de la majoration " MBB " pour la consultation du nourrisson, qu'elle a été réservée aux pédiatres par la décision du 6 juillet 2007 de l'UNCAM relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l'assurance maladie qui l'a créée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en la faisant passer à sept euros, la convention ait porté à un niveau manifestement disproportionné la différence de traitement qui en résulte entre pédiatres et généralistes, au regard de la volonté de prendre en considération la formation spécifique des pédiatres et de revaloriser leurs revenus, devenus inférieurs à ceux des omnipraticiens ;

23. Considérant, ensuite, s'agissant de la consultation entre la sortie de maternité et le vingt-huitième jour, qu'il était loisible aux partenaires conventionnels de prévoir un tarif différent, pour la même consultation, selon le secteur d'exercice du praticien ; qu'en valorisant cette consultation à 38 euros en secteur à honoraires opposables et à 35 euros en secteur à honoraires différents, les parties à la convention ont entendu encourager la pratique en secteur à honoraires opposables et revaloriser les revenus des praticiens exerçant dans ce secteur ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la différence de traitement qui en résulte serait manifestement disproportionnée au regard de ce motif ;

24. Considérant, enfin, s'agissant de la majoration pédiatre enfant (" MPE "), qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 qu'elle pouvait être légalement réservée aux pédiatres exerçant en secteur à honoraires opposables ; que, eu égard aux différences de revenus existant selon le secteur d'exercice, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant son montant à trois euros, la convention n'ait pas respecté un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, d'encouragement de la pratique en secteur à honoraires opposables et de revalorisation des revenus des pédiatres exerçant dans ce secteur ; que, par suite, doivent, en tout état de cause, être écartés tant le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité que celui tiré de la violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel ;

Quant aux modalités de rupture d'adhésion :

25. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article R. 162-54-9 du code de la sécurité sociale, applicable notamment aux conventions conclues entre l'UNCAM et des organisations syndicales représentatives des médecins : " Les professionnels de santé qui souhaitent être placés en dehors d'un de ces accords, conventions ou règlement le font connaître par courrier adressé à la caisse primaire d'assurance maladie dans le ressort de laquelle ils exercent leur activité " ; que ces dispositions ne précisent pas le délai dans lequel la décision d'être placé en dehors de la convention prend effet ; que, sur le fondement du 1° précité de l'article L. 162-5 du même code, les parties à la convention avaient compétence pour préciser ce délai, à condition de ne pas dénaturer la portée des dispositions précitées de l'article R. 162-54-9 ; qu'en fixant, à l'article 69 de la convention, ce délai à un mois, elles ont prévu un délai raisonnable, destiné notamment à assurer l'exactitude de l'information fournie aux assurés sociaux par les caisses, conformément à l'article L. 162-1-11 du même code ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la convention ne pouvait prévoir un tel délai doit être écarté ;

Quant aux conséquences des sanctions et des décisions juridictionnelles :

26. Considérant que l'article 79 de la convention prévoit qu'un médecin qui se trouve frappé par " une sanction devenue définitive d'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux ou d'interdiction d'exercer, une peine effective d'emprisonnement ou une mesure de liquidation judiciaire " est de fait placé hors du champ de la convention pour la durée correspondante ; que, cependant, une mesure de liquidation judiciaire ne fait pas nécessairement obstacle à ce qu'un médecin puisse continuer, dans certaines conditions, à exercer dans un autre cadre ; qu'en outre, compte tenu de l'imprécision de ses stipulations relatives aux sanctions ou aux peines visées, l'article 79 ne se borne pas à tirer les conséquences nécessaires des décisions juridictionnelles susceptibles de concerner les praticiens ; que le syndicat des médecins d'Aix et région est, dès lors, fondé à soutenir qu'il méconnaît le principe de l'individualisation des peines et est, de ce fait, entaché d'illégalité ;

27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la convention du 26 juillet 2011 est illégale en tant seulement qu'elle prévoit, à son article 30, que l'ensemble des associés exerçant au sein d'une société doit se déterminer de manière identique quant au choix d'exercer dans le cadre conventionnel et qu'un médecin salarié d'un associé d'une société d'exercice doit être assimilé à un médecin exerçant à titre libéral et qu'elle détermine, à son article 79, les conséquences des sanctions ordinales et des décisions juridictionnelles ; que ces stipulations sont divisibles des autres stipulations de la convention ; que, par suite, l'arrêté du 22 septembre 2011 doit être annulé en tant seulement qu'il approuve ces clauses ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Considérant que, dans l'instance n° 353154, il n'y a pas lieu de mettre une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la charge de l'une ou l'autre des parties ; que, dans les instances n° 354320 et 357697, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat ou de l'UNCAM, qui ne sont pas les parties perdantes ; qu'il n'y a pas lieu, dans ces instances, de faire droit aux conclusions que cette dernière présente au même titre ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêté du 22 septembre 2011 est annulé en tant qu'il approuve, d'une part, les clauses de l'article 30 de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes du 26 juillet 2011 qui prévoient que l'ensemble des associés exerçant au sein d'une société doit se déterminer de manière identique quant au choix d'exercer dans le cadre conventionnel et qu'un médecin salarié d'un associé d'une société d'exercice doit être assimilé à un médecin exerçant à titre libéral et, d'autre part, les clauses de l'article 79 de la même convention.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat des médecins d'Aix et région et les requêtes du syndicat national des pédiatres français sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat des médecins d'Aix et région, au syndicat national des pédiatres français, à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Copie en sera adressée à la Haute Autorité de santé, au ministre de l'économie et des finances, à la confédération des syndicats médicaux français, à la fédération française des médecins généralistes et au syndicat des médecins libéraux.


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