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Ariane Web: Conseil d'État 355624, lecture du 11 avril 2014, ECLI:FR:CESSR:2014:355624.20140411

Décision n° 355624
11 avril 2014
Conseil d'État

N° 355624
ECLI:FR:CESSR:2014:355624.20140411
Inédit au recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
Mme Anne Iljic, rapporteur
Mme Delphine Hedary, rapporteur public


Lecture du vendredi 11 avril 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'Union générale des syndicats pénitentiaires C.G.T. (UGSP-CGT), dont le siège est 263, rue de Paris case 542 à Montreuil (93515) ; l'UGSP-CGT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-1447 du 7 novembre 2011 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " application des peines, probation et insertion " (APPI), ainsi que la circulaire du 8 novembre 2011 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés relative au diagnostic à visée criminologique (DAVC) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu la loi n° 2009-436 du 24 novembre 2009 ;

Vu le décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010 ;

Vu le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Iljic, auditeur,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;



Sur les conclusions à fin d'annulation de la circulaire :

1. Considérant qu'en l'absence de dispositions contraires, la régularité de la procédure de consultation d'un organisme s'apprécie au regard des textes en vigueur à la date à laquelle intervient la décision devant être précédée de cette consultation, alors même que celle-ci a eu lieu avant l'entrée en vigueur de ces textes et selon les règles prévues par les dispositions antérieurement applicables ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 57 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat, l'article 34 de ce décret est applicable à compter du 1er novembre 2011 ; qu'en l'absence de dispositions prévoyant que les consultations effectuées avant le 1er novembre 2011 sur des projets de textes signés après cette date resteraient régies par les dispositions antérieurement applicables, l'article 34 du décret du 15 février 2011, qui définit les champs de consultation obligatoire des comités techniques, était applicable aux actes qui ne pouvaient être pris qu'après consultation d'un tel comité et adoptés après cette date ; qu'aux termes de cet article : " Les comités techniques sont consultés, dans les conditions et les limites précisées pour chaque catégorie de comité par les articles 35 et 36 sur les questions et projets de textes relatifs : / 1° A l'organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services ; (...) / 4° Aux évolutions technologiques et de méthodes de travail des administrations, établissements ou services et à leur incidence sur les personnels (...) " ;

3. Considérant que la circulaire attaquée, qui harmonise les méthodes de travail des services pénitentiaires d'insertion et de probation en posant les principes généraux d'utilisation du diagnostic à visée criminologique et en leur donnant des instructions relatives à l'utilisation de l'application informatique mise en place à cet effet, doit être regardée comme relative aux évolutions technologiques et aux méthodes de travail et, par suite, comme étant au nombre des actes devant obligatoirement faire l'objet d'une consultation du comité technique en application de ces dispositions ; qu'il ressort des pièces du dossier que si des réunions informelles avec les représentants du personnel ont été tenues, une telle consultation, qui était nécessaire en dépit de la signature d'un protocole d'accord relatif à la réforme statutaire des personnels d'insertion et de probation, n'a pas eu lieu ;

4. Considérant que la consultation obligatoire du comité technique préalablement à l'édiction, par le ministre de la justice, d'une circulaire relative aux modalités d'utilisation d'un traitement automatisé ayant vocation à être utilisé par l'ensemble des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, qui a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la position des représentants du personnel, constitue pour ces derniers une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que l'omission de consultation préalable du comité technique, qui a privé les représentants du personnel d'une garantie, a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité de la circulaire attaquée ;

5. Considérant que, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête en tant qu'ils sont dirigés contre la circulaire du 8 novembre 2011, cette dernière doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation du décret :

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le décret définit des critères d'admission ou de refus d'accès à l'exercice de droits en méconnaissance de la loi du 24 novembre 2009 et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Considérant que le décret attaqué, qui crée le traitement automatisé de données à caractère personnel dit " APPI ", dont les finalités principales sont de faciliter l'évaluation de la situation des personnes placées sous main de justice pour la détermination de l'exécution des décisions de l'autorité judiciaire relatives à leur insertion ou à leur probation et de faciliter la gestion et le suivi des procédures, de l'aide et des mesures confiées aux services pénitentiaires d'insertion et de probation dans le cadre de l'application des peines, de la probation et de l'insertion, n'a ni pour objet ni pour effet de définir des critères d'admission ou de refus à l'exercice de droits ; que, par suite, le moyen est inopérant ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des recommandations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés s'agissant des finalités du traitement et de l'exploitation des données à des fins statistiques :

7. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées du I et du IV de l'article 8 et du II de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat, qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique et qui portent sur des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci, sont autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ; que cet avis ne saurait lier l'autorité administrative, mais que celle-ci doit en toute hypothèse respecter les exigences de la loi du 6 janvier 1978 et les intérêts que le législateur a entendu protéger ;

8. Considérant, en premier lieu, que si le syndicat requérant soutient que le décret attaqué n'est pas conforme aux finalités du traitement admises par la CNIL dans sa délibération n° 2011-232 du 21 juillet 2011 portant avis sur le projet de décret créant le traitement APPI, ce moyen manque en fait ;

9. Considérant, en second lieu, que le 2° de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 autorise le traitement de données à des fins statistiques sous réserve du respect des dispositions du chapitre IV, de la section 1 du chapitre V et des chapitres IX et X de cette même loi ; que le décret attaqué prévoit que figure parmi les finalités assignées au traitement " l'exploitation des informations recueillies à des fins de recherches statistiques " tout en assortissant cette finalité de l'interdiction de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir des données mentionnées au I de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait illégal en ce qu'il permettrait une exploitation statistique excédant les seules données quantitatives ou relatives à la nature des mesures prononcées doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'impossibilité pour les personnes autres que celles suivies par les services pénitentiaires d'insertion et de probation d'exercer leur droit d'accès, faute d'avoir connaissance du recueil d'informations les concernant :

10. Considérant qu'aux termes du I. de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 : " La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant / 1° De l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ; / 2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ; / 3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ; / 4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut de réponse ; / 5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ; / 6° Des droits qu'elle tient des dispositions de la section 2 du présent chapitre ; / 7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne. (...) " ; que le III de ce même article dispose que " Lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données. (...) " ; que toutefois, aux termes du V de ce même article : " Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux données recueillies dans les conditions prévues au III et utilisées lors d'un traitement mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense, la sécurité publique ou ayant pour objet l'exécution de condamnations pénales ou de mesures de sûreté, dans la mesure où une telle limitation est nécessaire au respect des fins poursuivies par le traitement. " ;

11. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978, il incombe au responsable d'un traitement de fournir à toute personne concernée par l'inscription de données personnelles dans ce traitement, dès leur enregistrement, l'ensemble des informations prévues au I de cet article 32, y compris quand ces données personnelles ne sont pas recueillies auprès de la personne concernée elle-même ; que ces obligations du responsable de traitement ne sont relatives qu'aux modalités concrètes de fonctionnement de ce dernier, et ne peuvent utilement être invoquées à l'appui de conclusions dirigées contre un acte portant création d'un traitement automatisé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les tiers concernés par l'inscription de données personnelles dans le traitement APPI seraient privés d'exercer leur droit d'accès faute d'avoir connaissance du recueil d'informations les concernant ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des règles de confidentialité :

12. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 34 de la loi du 6 janvier 1978 : " Le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu'elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès " ; que ces dispositions, relatives aux obligations du responsable du traitement dans le fonctionnement de ce dernier, ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de conclusions dirigées contre l'acte portant création du traitement automatisé ;

13. Considérant que l'article R. 57-4-5 que le décret attaqué introduit dans le code de procédure pénale prévoit la liste des personnes habilitées à accéder aux informations enregistrées dans le traitement APPI, lorsque cet accès est nécessaire à la conduite des procédures relatives à l'application des peines ou à la mise en oeuvre de mesures dont ils ont la charge en vertu de ce même décret, conformément à l'article 29 de la loi du 6 janvier 1978 qui dispose que les actes autorisant la création d'un traitement en application de l'article 26 de cette même loi doivent prévoir les destinataires ou catégories de destinataires habilités à recevoir communication de ces données ;

14. Considérant que le décret attaqué prévoit que l'accès aux informations contenues le traitement automatisé APPI n'est autorisé qu'à certaines catégories de destinataires limitativement énumérées, qui ne pourront en faire usage que " lorsque cet accès est nécessaire à la conduite des procédures relatives à l'application des peines ou à la mise en oeuvre de mesures dont ils ont la charge " ; que ces dispositions sont de nature à préserver la confidentialité des données enregistrées ; que le moyen tiré de ce que le décret attaqué prévoirait un accès trop large aux informations traitées doit, par suite, être écarté ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la violation du secret médical et de l'interdiction de l'exercice illégal de la médecine :

15. Considérant qu'aux termes du I de l'article R. 57-4-3 que le décret attaqué introduit dans le code de procédure pénale : " Est autorisé l'enregistrement de données de la nature de celles mentionnées au I de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 lorsque ces données ont été recueillies par les services pénitentiaires d'insertion et de probation à la demande des autorités judiciaires pour l'évaluation de la situation de la personne suivie et qu'elles sont nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'application des peines. " ; que le décret attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de déroger aux articles R. 4127-4 et suivants du code de la santé publique relatifs au secret médical et ne porte pas non plus atteinte au secret médical, dès lors que les seules informations relatives à la santé des personnes placées sous main de justice enregistrées dans le traitement sont soit collectées auprès de la personne suivie elle-même, soit ressortent de pièces judiciaires dont le service pénitentiaire d'insertion et de probation est destinataire ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique : " Exerce illégalement la médecine : 1° Toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies, congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tous autres procédés quels qu'ils soient, ou pratique l'un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l'Académie nationale de médecine, sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l'article L. 4131-1 et exigé pour l'exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 à L. 4111-4, L. 4111-7, L. 4112-6, L. 4131-2 à L. 4131-5. (...) " ; qu'aux termes du e) du 3° de l'article R. 57-4-2 que le décret attaqué introduit dans le code de procédure pénale, peuvent être enregistrées dans le traitement APPI certaines informations relatives à la santé des personnes suivies et plus particulièrement au suivi médical dans le cadre de la mesure privative ou restrictive de liberté, à savoir : " existence du suivi, nature, psychiatrique ou autre, du suivi, existence d'une obligation de soins et contenu de celle-ci, caractère volontaire du suivi, existence d'un traitement médicamenteux, existence d'une évaluation du risque suicidaire, compatibilité du suivi médical avec une prise en charge par le service pénitentiaire d'insertion et de probation ; (...) " ; que ces dispositions du décret du 7 novembre 2011 n'impliquent pas l'exercice illégal de la médecine par les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, qui ne pratiquent aucun des actes mentionnés à l'article L. 4161-1 du code de la santé publique ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la présomption d'innocence :

17. Considérant que le décret attaqué prévoit la possibilité de collecter des données relatives à l'acceptation de leur condamnation par les personnes suivies par les services pénitentiaires d'insertion et de probation ; que ces dispositions ne pouvant concerner que les personnes ayant fait l'objet d'une déclaration de culpabilité définitive, elles ne portent pas atteinte au principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

En ce qui concerne la conservation de données relatives aux personnes ne faisant l'objet d'aucune peine ou mesure de sûreté :

18. Considérant qu'aux termes de l'article premier de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " L'informatique doit être au service de chaque citoyen. (...). Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. " ; qu'aux termes de l'article 6 de cette même loi : " Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes : / (...) 3° Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs " ;

19. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'ingérence dans l'exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée que constituent la collecte, la conservation et le traitement, par une autorité publique, d'informations personnelles nominatives, ne peut être légalement autorisée que si elle répond à des finalités légitimes et que le choix, la collecte et le traitement des données sont effectués de adéquate et proportionnée au regard de ces finalités ;

20. Considérant que l'article R. 57-4-4 que le décret attaqué introduit dans le code de procédure pénale dispose que : " Les données à caractère personnel enregistrées sont conservées cinq ans à compter de la fin de la peine, de la fin de la mesure d'aménagement de la peine ou de la mesure de sûreté dont la personne suivie fait l'objet. / Si la personne suivie ne fait l'objet d'aucune peine ou mesure de sûreté les données à caractère personnel sont conservées cinq ans à compter de leur enregistrement. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-4-1, issu du même décret, le traitement APPI a pour finalités : " 1° De faciliter l'évaluation de la situation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées, pour la détermination ou l'exécution des décisions de l'autorité judiciaire relatives à leur insertion ou leur probation ; / 2° De faciliter la gestion des procédures suivies devant les juridictions en charge de l'application des peines ainsi que des mesures mises en oeuvre par les services pénitentiaires d'insertion et de probation en cette matière ; / 3° De faciliter le suivi de l'aide apportée par les services pénitentiaires d'insertion et de probation aux personnes libérées ; / 4° De faciliter la gestion et le suivi des mesures d'enquête ou de contrôle confiées aux services pénitentiaires d'insertion et de probation pour la mise en oeuvre des mesures de sûreté ordonnées par les juridictions d'instruction, la juridiction des libertés et de la détention ou les juridictions de jugement ; / 5° De faciliter le suivi des enquêtes confiées aux services pénitentiaires d'insertion et de probation par les autorités judiciaires préalablement aux décisions sur l'action publique et à l'exécution des peines privatives de liberté ; / 6° De permettre l'exploitation des informations recueillies à des fins de recherches statistiques. " ;

21. Considérant que la conservation de données relatives aux personnes ne faisant finalement l'objet d'aucune peine ou mesure de sûreté, pour laquelle aucune justification n'a été fournie par le ministre de la justice en défense, est, eu égard notamment au point de départ fixé par le décret attaqué pour la conservation de telles données, dépourvue de lien avec les finalités du traitement APPI, qui a principalement pour objet de faciliter la gestion et la mise en oeuvre des mesures d'application des peines, de probation et d'insertion ; que la conservation de ces données n'est par suite, ni adaptée, ni nécessaire pour atteindre les objectifs qu'il poursuit ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le décret attaqué est entaché d'illégalité, en tant qu'il introduit dans le code de procédure pénale le deuxième alinéa de l'article R. 57-4-4, qui est divisible du reste des dispositions de ce décret ;
23. Considérant, toutefois, qu'une telle annulation partielle du décret attaqué ne saurait avoir pour effet de maintenir dans l'ordre juridique une réglementation ne garantissant pas le caractère adapté et nécessaire des données collectées qu'a entendu prévoir la loi du 6 janvier 1978 ; que les dispositions de l'article R. 57-4-4 introduit par le décret attaqué dans le code de procédure pénale qui subsistent après une telle annulation, ne suffisent pas à assurer le respect de ces garanties, dès lors qu'elles ne prévoient aucun effacement des données qui, enregistrées en application de ces dispositions, sont relatives à des personnes qui ne font finalement l'objet d'aucune peine ou mesure de sûreté, qu'il y a lieu, dans ces conditions, de préciser la portée de la présente décision par des motifs qui en constituent le soutien nécessaire ;

24. Considérant que la présente décision a nécessairement pour conséquence que le Premier ministre est tenu de prendre, dans un délai raisonnable, un décret modifiant l'article R. 57-4-4 introduit par le décret attaqué dans le code de procédure pénale afin de prévoir l'effacement des données relatives aux personnes ne faisant finalement l'objet d'aucune peine ou mesure de sûreté ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le syndicat requérant au titre de ces dispositions ;



D E C I D E :
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Article 1er : La circulaire du 8 novembre 2011 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés est annulée.
Article 2 : L'article premier du décret du 7 novembre 2011 est annulé, en tant qu'il introduit dans le code de procédure pénale le deuxième alinéa de l'article R. 57-4-4. Cette annulation comporte pour le Premier ministre les obligations énoncées au point 24 de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Union générale des syndicats pénitentiaires C.G.T, au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.