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Ariane Web: Conseil d'État 356328, lecture du 7 mai 2014, ECLI:FR:CESSR:2014:356328.20140507

Décision n° 356328
7 mai 2014
Conseil d'État

N° 356328
ECLI:FR:CESSR:2014:356328.20140507
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème / 8ème SSR
M. Christophe Pourreau, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI, avocats


Lecture du mercredi 7 mai 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 31 janvier, 30 avril et 7 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCI La Lieutenance, dont le siège est 9, rue Thiers à Boulogne-Billancourt (92100), représentée par sa gérante ; la SCI La Lieutenance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10NT02095 du 1er décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement n° 0901178 du 15 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société civile immobilière La Lieutenance ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI La Lieutenance a mis en vente, le 24 novembre 2005, un bien immobilier situé à Tourgeville (Calvados) qui constituait à cette date la résidence principale de son associée unique, Mme B... A... ; que ce bien a été vendu le 18 septembre 2007 ; que l'acte notarié de vente mentionne que la plus-value dégagée lors de cette cession est éligible à l'exonération d'impôt sur le revenu applicable aux cessions d'immeubles affectés à l'habitation principale prévue par l'article 150 U du code général des impôts ; que, toutefois, l'administration fiscale, après avoir relevé, à l'issue d'un contrôle sur pièces, que l'immeuble ne constituait plus la résidence principale de Mme A... au jour de la cession, a imposé la plus-value à l'impôt sur le revenu ; que la SCI La Lieutenance se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 1er décembre 2011 rejetant l'appel qu'elle a interjeté du jugement du tribunal administratif de Caen du 15 juillet 2010 rejetant sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes résultant de ce redressement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. - (...) les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu (...). / II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession (...) " ;

3. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l'immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal ; qu'il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l'immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu ;

4. Considérant que, pour juger que le bien immobilier n'était plus la résidence principale de Mme A... au jour de la cession et en déduire que la rectification à laquelle l'administration fiscale a procédé est fondée au regard des dispositions de l'article 150 U du code général des impôts, la cour administrative d'appel s'est bornée à relever que Mme A... n'occupait plus ce bien à cette date, sans rechercher si le délai pendant lequel ce bien était demeuré inoccupé pouvait, dans les circonstances de l'espèce et au regard des éléments d'appréciation mentionnés au point 3, être regardé comme normal ; qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la SCI La Lieutenance est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la SCI La Lieutenance, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 1er décembre 2011 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI La Lieutenance une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SCI La Lieutenance et au ministre des finances et des comptes publics.


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