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Ariane Web: Conseil d'État 375624, lecture du 12 mai 2014, ECLI:FR:CESSR:2014:375624.20140512

Décision n° 375624
12 mai 2014
Conseil d'État

N° 375624
ECLI:FR:CESSR:2014:375624.20140512
Inédit au recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
M. Nicolas Labrune, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public


Lecture du lundi 12 mai 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par MM. D...A..., demeurant ... et JacquesB..., demeurant..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; MM. A...et B...demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation du décret n° 2014-111 du 6 février 2014 pris pour l'application des articles 9 et 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des sixième et huitième alinéas de l'article 9 de la loi du 11 mars 1988, dans leur rédaction issue de l'article 14 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ;

Vu la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Labrune, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article 8 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, le montant du financement des partis et groupements politiques est divisé en deux fractions égales, la première fixée en fonction de leurs résultats aux élections à l'Assemblée nationale, la seconde spécifiquement destinée au financement de ceux qui sont représentés au Parlement ; que, selon les quatre premiers alinéas de l'article 9 de la même loi : " La première fraction des aides prévues à l'article 8 est attribuée : / - soit aux partis et groupements politiques qui ont présenté lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ; / - soit aux partis et groupements politiques qui n'ont présenté des candidats lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale que dans une ou plusieurs collectivités territoriales relevant des articles 73 ou 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie et dont les candidats ont obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans l'ensemble des circonscriptions dans lesquelles ils se sont présentés. " ; qu'aux termes du sixième alinéa du même article : " La seconde fraction de ces aides est attribuée aux partis et groupements politiques bénéficiaires de la première fraction visée ci-dessus proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre, y être inscrits ou s'y rattacher. " ; qu'aux termes du huitième alinéa, dans sa rédaction issue de l'article 14 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : " Un membre du Parlement, élu dans une circonscription qui n'est pas comprise dans le territoire d'une ou plusieurs collectivités territoriales relevant des articles 73 ou 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie, ne peut pas s'inscrire ou se rattacher à un parti ou à un groupement politique qui n'a présenté des candidats, lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale, que dans une ou plusieurs collectivités territoriales relevant des mêmes articles 73 ou 74 ou en Nouvelle-Calédonie. " ;

3. Considérant que les dispositions du sixième alinéa de l'article 9 de la loi du 11 mars 1988, qui prévoient que la seconde fraction de l'aide publique ne peut être attribuée qu'aux partis et groupements politiques bénéficiaires de la première fraction, et celles du huitième alinéa de ce même article, qui interdisent à un parlementaire élu dans une circonscription de métropole de se rattacher à un parti ou groupement politique qui n'a présenté des candidats, lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale, que dans une ou plusieurs des collectivités qu'il mentionne, sont applicables au présent litige ; que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment à ses articles 1er, 3 et 4, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;


D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des sixième et huitième alinéas de l'article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de MM. A...et B...jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D...A..., à M. C...B..., au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.