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Ariane Web: Conseil d'État 370585, lecture du 14 mai 2014, ECLI:FR:CESJS:2014:370585.20140514

Décision n° 370585
14 mai 2014
Conseil d'État

N° 370585
ECLI:FR:CESJS:2014:370585.20140514
Inédit au recueil Lebon
1ère SSJS
M. Denis Rapone, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
LE PRADO ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats


Lecture du mercredi 14 mai 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



VU LA PROCEDURE SUIVANTE :
Procédure contentieuse antérieure

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 28 juillet 2010 par laquelle le président du conseil général de la Loire a rejeté son recours contre la décision du 12 mars 2010 par laquelle la caisse d'allocations familiales de Saint-Etienne lui a demandé de déclarer les ressources de M. B...pour déterminer son droit à l'allocation de revenu de solidarité active, dans un délai de quinze jours, sous peine de faire l'objet d'une décision de répétition d'indu au titre des sommes versées depuis novembre 2009. Par un jugement n° 1005629 du 26 juin 2012, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12LY02377 du 7 mai 2013, la cour administrative d'appel de Lyon, saisie de l'appel de MmeA..., a annulé le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 juin 2012 et a rejeté la demande présentée par Mme A...devant ce tribunal ainsi que le surplus des conclusions de son appel.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 juillet 2013, 28 octobre 2013 et 14 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 12LY02377 de la cour administrative d'appel de Lyon du 7 mai 2013 ;

2°) de mettre à la charge du département de la Loire la somme de 2 500 euros à verser à son avocat, Me Le Prado, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :
- la cour a dénaturé ses écritures de première instance en jugeant qu'elle avait abandonné ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la caisse d'allocations familiales de Saint-Etienne du 3 septembre 2010 ;
- elle a relevé d'office le moyen tiré de ce qu'elle devait être regardée comme faisant partie du même foyer que M. B...sans en informer les parties ;
- elle a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits en jugeant que la seule cohabitation de deux adultes suffit à les regarder comme formant un foyer au sens de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ;
- elle a insuffisamment motivé son arrêt et dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'elle entretenait une relation de concubinage avec M.B... ;
- elle a dénaturé ses écritures de première instance en jugeant que ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 septembre 2010 étaient nouvelles en appel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2014, le département de la Loire conclut au rejet du pourvoi.
Il soutient que :
- aucun des moyens du pourvoi n'est fondé ;
- à supposer que la cour ait commis une erreur de droit dans la définition de la notion de foyer, le Conseil d'Etat devrait regarder ce motif comme surabondant ou y substituer le motif tiré de ce que les intéressés menaient une vie de couple stable et continue.

Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Denis Rapone, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de MmeA..., et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du département de la Loire.




CONSIDERANT CE QUI SUIT :

Sur l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur la décision du président du conseil général de la Loire du 28 juillet 2010 :

1. Aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un niveau garanti, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre. / Le revenu garanti est calculé, pour chaque foyer, en faisant la somme : / 1° D'une fraction des revenus professionnels des membres du foyer ; / 2° D'un montant forfaitaire, dont le niveau varie en fonction de la composition du foyer et du nombre d'enfants à charge. / Le revenu de solidarité active est une allocation qui porte les ressources du foyer au niveau du revenu garanti (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 262-1 du même code : " Le montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 applicable à un foyer composé d'une seule personne est majoré de 50 % lorsque le foyer comporte deux personnes. Ce montant est ensuite majoré de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer et à la charge de l'intéressé. Toutefois, lorsque le foyer comporte plus de deux enfants ou personnes de moins de vingt-cinq ans à charge, à l'exception du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin de l'intéressé, la majoration à laquelle ouvre droit chacun de ces enfants ou personnes est portée à 40 % à partir de la troisième personne ". L'article R. 262-3 du même code précise enfin que : " Pour le bénéfice du revenu de solidarité active, sont considérés comme à charge : / 1° Les enfants ouvrant droit aux prestations familiales ; / 2° Les autres enfants et personnes de moins de vingt-cinq ans qui sont à la charge effective et permanente du bénéficiaire à condition, lorsqu'ils sont arrivés au foyer après leur dix-septième anniversaire, d'avoir avec le bénéficiaire ou son conjoint, son concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité un lien de parenté jusqu'au quatrième degré inclus ".

2. Il résulte de ces dispositions que, pour le bénéfice du revenu de solidarité active, le foyer s'entend du demandeur, ainsi que, le cas échéant, de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin et des enfants ou personnes de moins de vingt-cinq ans à charge qui remplissent les conditions précisées par l'article R. 262-3 du code de l'action sociale et des familles. Pour l'application de ces dispositions, le concubin est la personne qui mène avec le demandeur une vie de couple stable et continue.

3. Pour juger que Mme A...et M. B...formaient un foyer au sens des dispositions de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée exclusivement sur la circonstance que Mme A...vivait au domicile de M.B..., qui l'hébergeait gratuitement depuis 2006, et qu'elle ne cherchait pas d'autre logement et a, par un motif qui n'est pas surabondant, regardé l'absence de relation de concubinage entre Mme A...et M. B...comme dépourvue d'incidence sur l'appréciation de l'existence d'un même foyer. La cour a, ainsi, commis une erreur de droit.

4. Si le département de la Loire soutient que Mme A...et M. B...menaient une vie de couple stable et continue, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant sur un pourvoi en cassation, de substituer un tel motif, dont l'examen supposerait une nouvelle appréciation des faits de l'espèce, au motif erroné retenu par l'arrêt attaqué.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il se prononce sur le bien-fondé de la décision du président du conseil général de la Loire.

Sur l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 juin 2012 et sur la décision de la caisse d'allocations familiales de Saint-Etienne du 3 septembre 2010 :

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans son mémoire en réplique enregistré au greffe du tribunal administratif de Lyon le 11 février 2011, Mme A...a précisé que sa requête était dirigée uniquement contre la décision du président du conseil général de la Loire du 28 juillet 2010. Par suite, la cour ne s'est pas méprise sur la portée de ses écritures de première instance en regardant comme abandonnées ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la caisse d'allocations familiales de Saint-Etienne du 3 septembre 2010, ce dont elle a déduit que le tribunal administratif n'avait pas omis d'y statuer et, par un motif d'ailleurs surabondant, que les conclusions tendant aux mêmes fins présentées devant elle étaient nouvelles en appel.

7. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, en tant qu'il statue sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 juin 2012 et sur la décision de la caisse d'allocations familiales de Saint-Etienne du 3 septembre 2010.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Le Prado, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département de la Loire une somme de 2 000 euros à verser à Me Le Prado.


D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 7 mai 2013 est annulé en tant qu'il rejette la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Lyon.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Le département de la Loire versera à Me Le Prado, avocat de MmeA..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Le Prado renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C...A...et au département de la Loire.