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Ariane Web: Conseil d'État 376179, lecture du 18 juin 2014, ECLI:FR:CESJS:2014:376179.20140618

Décision n° 376179
18 juin 2014
Conseil d'État

N° 376179
ECLI:FR:CESJS:2014:376179.20140618
Inédit au recueil Lebon
2ème sous-section jugeant seule
M. Luc Briand, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public


Lecture du mercredi 18 juin 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-260 du 26 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Loire ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu le décret n° 2013-938 du 18 octobre 2013, modifié par le décret n° 2014-112 du 6 février 2014 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Briand, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;




1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 191-1 du code électoral, résultant de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral : " Le nombre de cantons dans lesquels seront élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair. / Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix-sept. Il ne peut être inférieur à treize dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants " ; qu'aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la même loi, applicable à la date du décret attaqué : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. (...) III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques (...) ou par d'autres impératifs d'intérêt général. " ;

2. Considérant que le décret attaqué a, sur le fondement de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département de la Loire, compte tenu de l'exigence de réduction du nombre des cantons de ce département de quarante à vingt-et-un résultant de l'application de l'article L. 191-1 du code électoral ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'un organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l'intervention d'un texte doit être mis à même d'exprimer son avis sur l'ensemble des questions soulevées par ce texte ; que, dans le cas où, après avoir recueilli son avis, l'autorité compétente pour prendre le texte envisage d'apporter à son projet des modifications, elle ne doit procéder à une nouvelle consultation de cet organisme que si ces modifications posent des questions nouvelles ; que si M. B...soutient que le décret qu'il attaque ne serait pas conforme au projet sur lequel le conseil général de la Loire a été consulté, il ne fait pas valoir que le décret adopté aurait comporté, par rapport au projet soumis pour avis au conseil général, des modifications soulevant des questions nouvelles justifiant une nouvelle consultation ; que le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que les décrets procédant à une délimitation de cantons soient motivés ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que la délimitation des cantons doit être faite sur des bases essentiellement démographiques ; qu'il en découle qu'elle doit être faite en prenant en considération non le nombre des électeurs mais le chiffre de la population ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué se serait à tort fondé sur les chiffres de la population municipale et non sur le nombre des électeurs ne peut qu'être écarté ; que, pour déterminer la population à prendre en compte pour procéder à la délimitation des cantons, s'agissant des communes de plus de 3 500 habitants susceptibles d'être divisées entre différents cantons, le décret a pu légalement prendre en compte la population recensée dans les " îlots regroupés pour l'information statistique " (IRIS) définis par l'Institut national de la statistique et des études économiques, sans que puisse utilement être invoquée la circonstance que le périmètre de ces îlots ne correspond pas à la répartition des électeurs entre les différents bureaux de vote ;

6. Considérant que s'il est, en outre, soutenu que le décret attaqué a été élaboré sans tenir compte des données démographiques les plus récentes issues du décret du 27 décembre 2013, l'article 71 du décret du 18 octobre 2013, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué et dont la légalité n'est pas contestée, dispose toutefois que : " (...) Pour la première délimitation générale des cantons opérée en application de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de l'article 46 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, (...), le chiffre de la population municipale auquel il convient de se référer est celui authentifié par le décret n° 2012-1479 du 27 décembre 2012 authentifiant les chiffres des populations (...) " ; qu'il est constant que les nouveaux cantons du département de la Loire ont été délimités sur la base des données authentifiées par le décret du 27 décembre 2012 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les données retenues pour le redécoupage des cantons de ce département ne correspondraient pas à la réalité démographique ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans un même canton, seules des exceptions de portée limitée et spécialement justifiées pouvant être apportées à ces règles ; que ni ces dispositions, ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposent au pouvoir réglementaire de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, coïncident avec les limites des cartes des établissements publics de coopération intercommunale ;

8. Considérant que le c) du III de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales n'impose de comprendre entièrement une commune dans un même canton que pour celles dont la population est inférieure à 3 500 habitants ; que le requérant, qui ne conteste pas que cette règle a été respectée par le décret attaqué pour toutes les communes qui en relèvent, ne saurait en conséquence utilement soutenir que ce décret serait illégal faute d'avoir appliqué une telle règle à d'autres communes ;

9. Considérant que, pour mettre en oeuvre les critères définis au III de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, le décret attaqué a procédé à la délimitation des vingt-et-un nouveaux cantons du département de la Loire en se fondant sur une population moyenne et en rapprochant la population de chaque canton de cette moyenne ;

10. Considérant que si le requérant critique les choix effectués par le décret attaqué de diviser la commune de Roanne entre deux cantons alors que la commune de Saint-Chamond est inscrite entièrement dans un seul canton, de rattacher les communes de Régny et de Saint-Victor-sur-Rhins au nouveau canton de Charlieu et de rattacher la commune des Salles au nouveau canton de Renaison, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la commune de Roanne était déjà divisée entre deux cantons avant l'intervention du décret attaqué et que le choix fait par le décret est justifié par le souci de ne pas dissocier la commune de Roanne de certaines des communes limitrophes qui font partie de son agglomération ; que, d'autre part, le rattachement des communes de Régny et de Saint-Victor-sur-Rhins au canton de Charlieu est justifié par l'exigence tenant au respect des bases essentiellement démographiques devant présider à la délimitation des cantons ; qu'enfin, le décret attaqué rattache la commune des Salles, contrairement à ce qui est soutenu, non au canton de Renaison mais à celui de Boën-sur-Lignon ; qu'au vu des considérations, dépourvues de caractère arbitraire, qui ont déterminé les choix auxquels le décret attaqué a procédé, le moyen tiré de ce que ces choix reposeraient sur une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret attaqué ;


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et au Premier ministre.