Conseil d'État
N° 364156
ECLI:FR:CESSR:2014:364156.20140711
Inédit au recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
Mme Leïla Derouich, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP BOULLOCHE, avocats
Lecture du vendredi 11 juillet 2014
Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association Comité de défense des auditeurs de radio solidarité (CDARS), dont le siège est 61, boulevard Murat à Paris ; l'association CDARS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2012-450 du 12 juin 2012 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter les obligations résultant de la convention du 24 juillet 2007 relative au service radiophonique "Radio Courtoisie" ;
2°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'audiovisuel le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Leïla Derouich, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de l'association comité de défense des auditeurs de radio solidarité ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La communication au public par voie électronique est libre. / L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre part, par la protection de l'enfance et de l'adolescence, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle " ; qu'aux termes de l'article 28 de la même loi : " La délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation. / Dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 27, cette convention fixe les règles particulières applicables au service, compte tenu de l'étendue de la zone desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l'égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d'eux, ainsi que du développement de la radio et de la télévision numériques de terre (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association Comité de défense des auditeurs de radio solidarité (CDARS) dispose d'une autorisation d'exploiter dans la zone de Paris un service de catégorie A par voie hertzienne en modulation de fréquence dénommé " Radio courtoisie ", qui lui a été attribuée par une décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) du 24 juillet 2007 ; que, conformément aux dispositions de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986, la délivrance de cette autorisation a été subordonnée à la signature d'une convention avec le CSA ; qu'aux termes de cette convention, celui-ci peut adresser au bénéficiaire de l'autorisation une mise en demeure de respecter les obligations imposées tant par l'autorisation d'émettre que par la convention elle-même ; qu'à la suite de propos tenus le 21 mai 2012 au cours de l'émission " Le libre journal d'Henry de Lesquen ", le CSA a estimé que l'association CDARS avait méconnu les prescriptions de l'article 2-4 de cette convention selon lequel le service de radiodiffusion doit veiller à ne pas encourager des comportements discriminatoires à l'égard des personnes en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, et s'engager à promouvoir les valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République, ainsi que celles de l'article 2-10 qui prévoit que le titulaire de l'autorisation doit mettre en oeuvre les procédures nécessaires pour assurer, y compris dans le cadre des interventions des auditeurs, la maîtrise de l'antenne ; qu'il a, en conséquence, par la décision attaquée, mis en demeure l'association CDARS de respecter ses obligations ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
3. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée, qui mentionne la loi du 30 septembre 1986 et la convention du 24 juillet 2007 dont elle fait application, énonce ainsi les considérations de droit qui en constituent le fondement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle serait entachée d'une insuffisance de motivation, faute d'indiquer les textes dont elle fait application, ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en second lieu, que la mesure litigieuse a été prise par le CSA dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de la loi du 30 septembre 1986 et de la convention du 24 juillet 2007 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure applicable dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est inopérant ;
Sur la légalité interne :
5. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 2-4 de la convention du 24 juillet 2007 relatives à la promotion des valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République ont pour seul objet de faire obstacle à ce que le titulaire de l'autorisation d'émettre en fasse usage pour diffuser des contenus contraires aux valeurs de la République ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le CSA, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'expression doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de la retranscription versée au dossier que l'animateur de l'émission ayant donné lieu à la mise en demeure a tenu à l'antenne les propos suivants : " quand [Jules Ferry] affirme qu'il y a des " races inférieures " et des " races supérieures ", tout est une question d'appréciation, mais il faut tout de même savoir, ça c'est un fait, que, pour ce qui est des examens et analyses de quotient intellectuel (...), il y a aux Etats-Unis entre les noirs africains et le reste de la population un écart de 15 points, et la dernière étude publiée dans une revue scientifique anglaise par Jensen nous révèle qu'entre les noirs d'Afrique et les blancs d'Europe ou des Etats-Unis l'écart est de 30 points. Alors, c'est une valeur moyenne, mais c'est considérable et quand on parle du développement de l'Afrique et de son retard en matière historique, en matière de développement, il faut avoir à l'esprit cet écart de quotient intellectuel qui est évidement considérable, sachant que le quotient intellectuel, on le sait, est très corrélé à la réussite éducative " ; qu'en estimant que de tels propos, postulant une inégalité intellectuelle en fonction de l'origine des personnes et de la couleur de leur peau, étaient constitutifs d'un manquement à l'engagement prévu à l'article 2-4 de la convention de ne pas encourager les comportements discriminatoires et de promouvoir les valeurs de la République, le CSA n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; qu'il n'a pas non plus commis une telle erreur en estimant que la diffusion de ces propos révélait également un défaut de maîtrise de l'antenne, constitutif d'une méconnaissance des prescriptions de l'article 2-10 de la convention ;
7. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association CDARS n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision qu'elle attaque ;
Sur les conclusions présentées par l'association CDARS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la requérante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête présentée par l'association CDARS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association comité de défense des auditeurs de radio solidarité et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de la culture et de la communication.
N° 364156
ECLI:FR:CESSR:2014:364156.20140711
Inédit au recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
Mme Leïla Derouich, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP BOULLOCHE, avocats
Lecture du vendredi 11 juillet 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association Comité de défense des auditeurs de radio solidarité (CDARS), dont le siège est 61, boulevard Murat à Paris ; l'association CDARS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2012-450 du 12 juin 2012 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter les obligations résultant de la convention du 24 juillet 2007 relative au service radiophonique "Radio Courtoisie" ;
2°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'audiovisuel le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Leïla Derouich, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de l'association comité de défense des auditeurs de radio solidarité ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La communication au public par voie électronique est libre. / L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre part, par la protection de l'enfance et de l'adolescence, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle " ; qu'aux termes de l'article 28 de la même loi : " La délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation. / Dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 27, cette convention fixe les règles particulières applicables au service, compte tenu de l'étendue de la zone desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l'égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d'eux, ainsi que du développement de la radio et de la télévision numériques de terre (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association Comité de défense des auditeurs de radio solidarité (CDARS) dispose d'une autorisation d'exploiter dans la zone de Paris un service de catégorie A par voie hertzienne en modulation de fréquence dénommé " Radio courtoisie ", qui lui a été attribuée par une décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) du 24 juillet 2007 ; que, conformément aux dispositions de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986, la délivrance de cette autorisation a été subordonnée à la signature d'une convention avec le CSA ; qu'aux termes de cette convention, celui-ci peut adresser au bénéficiaire de l'autorisation une mise en demeure de respecter les obligations imposées tant par l'autorisation d'émettre que par la convention elle-même ; qu'à la suite de propos tenus le 21 mai 2012 au cours de l'émission " Le libre journal d'Henry de Lesquen ", le CSA a estimé que l'association CDARS avait méconnu les prescriptions de l'article 2-4 de cette convention selon lequel le service de radiodiffusion doit veiller à ne pas encourager des comportements discriminatoires à l'égard des personnes en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, et s'engager à promouvoir les valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République, ainsi que celles de l'article 2-10 qui prévoit que le titulaire de l'autorisation doit mettre en oeuvre les procédures nécessaires pour assurer, y compris dans le cadre des interventions des auditeurs, la maîtrise de l'antenne ; qu'il a, en conséquence, par la décision attaquée, mis en demeure l'association CDARS de respecter ses obligations ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
3. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée, qui mentionne la loi du 30 septembre 1986 et la convention du 24 juillet 2007 dont elle fait application, énonce ainsi les considérations de droit qui en constituent le fondement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle serait entachée d'une insuffisance de motivation, faute d'indiquer les textes dont elle fait application, ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en second lieu, que la mesure litigieuse a été prise par le CSA dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de la loi du 30 septembre 1986 et de la convention du 24 juillet 2007 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure applicable dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est inopérant ;
Sur la légalité interne :
5. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 2-4 de la convention du 24 juillet 2007 relatives à la promotion des valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République ont pour seul objet de faire obstacle à ce que le titulaire de l'autorisation d'émettre en fasse usage pour diffuser des contenus contraires aux valeurs de la République ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le CSA, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'expression doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de la retranscription versée au dossier que l'animateur de l'émission ayant donné lieu à la mise en demeure a tenu à l'antenne les propos suivants : " quand [Jules Ferry] affirme qu'il y a des " races inférieures " et des " races supérieures ", tout est une question d'appréciation, mais il faut tout de même savoir, ça c'est un fait, que, pour ce qui est des examens et analyses de quotient intellectuel (...), il y a aux Etats-Unis entre les noirs africains et le reste de la population un écart de 15 points, et la dernière étude publiée dans une revue scientifique anglaise par Jensen nous révèle qu'entre les noirs d'Afrique et les blancs d'Europe ou des Etats-Unis l'écart est de 30 points. Alors, c'est une valeur moyenne, mais c'est considérable et quand on parle du développement de l'Afrique et de son retard en matière historique, en matière de développement, il faut avoir à l'esprit cet écart de quotient intellectuel qui est évidement considérable, sachant que le quotient intellectuel, on le sait, est très corrélé à la réussite éducative " ; qu'en estimant que de tels propos, postulant une inégalité intellectuelle en fonction de l'origine des personnes et de la couleur de leur peau, étaient constitutifs d'un manquement à l'engagement prévu à l'article 2-4 de la convention de ne pas encourager les comportements discriminatoires et de promouvoir les valeurs de la République, le CSA n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; qu'il n'a pas non plus commis une telle erreur en estimant que la diffusion de ces propos révélait également un défaut de maîtrise de l'antenne, constitutif d'une méconnaissance des prescriptions de l'article 2-10 de la convention ;
7. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association CDARS n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision qu'elle attaque ;
Sur les conclusions présentées par l'association CDARS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la requérante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête présentée par l'association CDARS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association comité de défense des auditeurs de radio solidarité et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de la culture et de la communication.