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Ariane Web: Conseil d'État 375658, lecture du 16 juillet 2014, ECLI:FR:CECHR:2014:375658.20140716

Décision n° 375658
16 juillet 2014
Conseil d'État

N° 375658
ECLI:FR:Code Inconnu:2014:375658.20140716
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème SSR
Mme Maïlys Lange, rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mercredi 16 juillet 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés les 15 mai et 10 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société Copagef demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision n° 13-D-22 du 20 décembre 2013 de l'Autorité de la concurrence relative à la situation du groupe Castel au regard du I de l'article L. 430-8 du code de commerce, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ce même I de l'article L. 430-8 du code de commerce.


Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de commerce, notamment le I de son article L. 430-8 ;
- la décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Copagef ;


1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que la société Copagef soutient que les dispositions du I de l'article L. 430-8 du code de commerce, en ce qu'elles permettent à l'Autorité de la concurrence d'infliger, en cas de défaut de notification d'une opération de concentration, une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élève, pour les personnes morales, à 5 % de leur chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté, le cas échéant, de celui qu'a réalisé en France durant la même période la partie acquise, porte atteinte au principe de nécessité des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans la mesure où, selon elle, une telle sanction serait dépourvue d'un lien suffisant avec la nature de l'infraction qu'elle sanctionne et disproportionnée par rapport à la gravité de cette infraction ;

3. Considérant, toutefois, qu'un manquement à l'obligation de notification d'une opération de concentration constitue, en tant que tel, que l'opération ait ou non des effets anticoncurrentiels sur le ou les marchés pertinents concernés et, si elle en a, quelle que soit leur importance, un manquement grave aux obligations prévues par le code de commerce, dès lors qu'il nuit à la mise en oeuvre des pouvoirs de contrôle des opérations de concentration dévolus à l'Autorité de la concurrence et, par suite, à la mission de préservation de l'ordre public économique qui lui incombe ; qu'ainsi, un tel manquement ne peut, contrairement à ce que soutient la société requérante, être regardé comme une simple omission déclarative ;

4. Considérant que, comme l'a d'ailleurs jugé le Conseil constitutionnel par une décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012 à propos du IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, qui permet à l'Autorité de la concurrence d'infliger la sanction pécuniaire prévue au I aux personnes ayant manqué à une obligation figurant dans sa décision ou celle du ministre ayant statué sur une opération de concentration, le mode de calcul de la sanction prévue au I de l'article L. 430-8 en cas de défaut de notification d'une opération de concentration est directement lié à la nature de l'infraction réprimée ; qu'il appartient à l'Autorité de la concurrence, sous le contrôle du juge, de tenir compte des circonstances de chaque espèce, y compris de la gravité du manquement, pour déterminer le montant de l'amende dans la limite du plafond, qui n'est pas manifestement disproportionné, fixé par les dispositions contestées ; qu'ainsi, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le I de l'article L. 430-8 du code de commerce porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit, par suite, être écarté ;


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Copagef.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Copagef et à l'Autorité de la concurrence.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.