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Ariane Web: Conseil d'État 373299, lecture du 30 juillet 2014, ECLI:FR:CESJS:2014:373299.20140730

Décision n° 373299
30 juillet 2014
Conseil d'État

N° 373299
ECLI:FR:CESJS:2014:373299.20140730
Inédit au recueil Lebon
6ème sous-section jugeant seule
Mme Mireille Le Corre, rapporteur
Mme Suzanne Von Coester, rapporteur public
SCP CASTON, avocats


Lecture du mercredi 30 juillet 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre et 29 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., domicilié ...à Saint-Quentin-Fallavier (38077) ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1305255 du 7 octobre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement des articles L. 521-2 et L. 522-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier de modifier les conditions d'application du régime des fouilles intégrales à l'issue des " parloirs familles " afin d'en permettre la modulation en fonction notamment de la personnalité des personnes détenues et de leur comportement en détention, de modifier la note de service n° 153-13 en date du 14 mai 2013 en ce sens, de lui notifier la note ainsi modifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard au terme d'un délai de quinze jours courant à compter de la date de la notification de la décision à intervenir ;

2°) statuant en référé, d'enjoindre au chef d'établissement du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier de moduler l'application des fouilles intégrales en fonction de la personnalité des détenus, de leur comportement en détention et de la fréquence de leur fréquentation des parloirs ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Caston, avocat de M. B...;




1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. " ;

2. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte ; que ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte ; que ce caractère provisoire s'apprécie au regard de l'objet et des effets des mesures en cause, en particulier de leur caractère réversible ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par la note de service 154/13 du 14 mai 2013, le directeur du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier a décidé que les personnes détenues feraient l'objet d'une fouille intégrale à l'issue des " parloirs familles " selon l'une des six options définies par la note ; qu'en application de chacune de ces options, tous les détenus participant à trois des six tours de parloirs organisés quotidiennement sont fouillés intégralement, la moitié des détenus participant à deux des autres tours de parloirs fait également l'objet d'une fouille intégrale tandis que les détenus participant au dernier tour de parloir ne font pas l'objet d'une fouille intégrale systématique ; que les tours de parloirs concernés diffèrent selon l'option retenue par l'administration ; que M. B...a introduit, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier de modifier le régime des fouilles intégrales systématiques pratiquées à l'issue des parloirs afin d'en permettre la modulation en fonction de la personnalité des détenus et de leur comportement en détention et de modifier sa note de service 154/13 dans le même sens ; que, par une ordonnance rendue en application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions au motif qu'elles ne visaient pas à ordonner des mesures à caractère provisoire mais à modifier de manière pérenne une note de l'administration ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en se fondant sur un tel motif pour rejeter ses conclusions, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, par suite, le requérant est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que par un mémoire enregistré le 2 avril 2014, le garde des sceaux, ministre de la justice fait valoir que la note litigieuse a été remplacée par une nouvelle note en date du 2 janvier 2014 qui définit les modalités de réalisation des mesures de fouille intégrale conformément aux dispositions des articles 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et R. 57-7-79 et R. 57-7-82 du code de procédure pénale ; que l'administration ayant ainsi, en cours d'instance, pris une circulaire, qui satisfait en tous points la demande du requérant, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de celui-ci ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble est annulée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par M. B...devant le juge des référés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.