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Ariane Web: Conseil d'État 381813, lecture du 8 septembre 2014, ECLI:FR:CESSR:2014:381813.20140908

Décision n° 381813
8 septembre 2014
Conseil d'État

N° 381813
ECLI:FR:CESSR:2014:381813.20140908
Inédit au recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
M. Nicolas Labrune, rapporteur
Mme Delphine Hedary, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du lundi 8 septembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la culture et de la communication a refusé de retirer son arrêté du 1er février 1982 prononçant la rétention d'un ensemble de meubles lui appartenant. Par un jugement n° 1201655 du 29 novembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

M. B...a relevé appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel de Paris. A l'appui de sa requête d'appel, il a produit un mémoire, enregistré le 12 mars 2014 au greffe de la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.


Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi du 23 juin 1941 relative à l'exportation des oeuvres d'art ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Labrune, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la ministre de la culture et de la communication ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er septembre 2014, présentée pour la ministre de la culture et de la communication ;



1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que les dispositions de l'article 2 de la loi du 23 juin 1941 relative à l'exportation des oeuvres d'art permettaient à l'Etat de retenir, c'est-à-dire d'acquérir, un " objet présentant un intérêt national d'histoire ou d'art " que son propriétaire souhaitait sortir du territoire national, au prix déclaré par celui-ci ; que si ces dispositions ont été abrogées, comme celles de l'ensemble de la loi, par l'article 14 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992, elles sont applicables au litige dont est saisie la cour administrative d'appel de Paris ; que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte au droit de propriété garanti par la Constitution soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

3. Considérant que la présente décision se borne à statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu'en conséquence, les conclusions présentées par la ministre de la culture et de la communication au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui ne peuvent être portées que devant le juge saisi du litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée, sont irrecevables à ce stade ;



D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la constitution de l'article 2 de la loi du 23 juin 1941 relative à l'exportation des oeuvres d'art est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Les conclusions de la ministre de la culture et de la communication présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre de la culture et de la communication.
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la cour administrative d'appel de Paris.