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Ariane Web: Conseil d'État 381698, lecture du 24 septembre 2014, ECLI:FR:CESSR:2014:381698.20140924

Décision n° 381698
24 septembre 2014
Conseil d'État

N° 381698
ECLI:FR:CESSR:2014:381698.20140924
Inédit au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
Mme Clémence Olsina, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public


Lecture du mercredi 24 septembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le jugement n° 1401110 du 19 juin 2014, enregistré le 24 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Poitiers, saisi d'une demande du préfet de la Charente, tendant à l'annulation de l'élection de M. A...B...comme conseiller municipal, proclamée à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 pour la désignation des conseillers municipaux de Garat, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du premier alinéa de l'article L. 46 du code électoral, dans leur version issue de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, et du dernier alinéa de l'article L. 237 du même code, dans leur version issue de la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 2014 au greffe du tribunal administratif de Poitiers, présenté, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, par M. A... B..., demeurant ...;



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;



1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 46 du code électoral : " Les fonctions de militaire de carrière ou assimilé, en activité de service ou servant au-delà de la durée légale, sont incompatibles avec les mandats qui font l'objet du livre I " ; que le livre Ier du code électoral est relatif à l'élection des députés, des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 237 du même code : " Les personnes désignées à l'article L. 46 et au présent article qui seraient élues membres d'un conseil municipal auront, à partir de la proclamation du résultat du scrutin, un délai de dix jours pour opter entre l'acceptation du mandat et la conservation de leur emploi. A défaut de déclaration adressée dans ce délai à leurs supérieurs hiérarchiques, elles seront réputées avoir opté pour la conservation dudit emploi " ;

3. Considérant que ces dispositions, applicables au litige, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité des citoyens dans la mesure où elles restreignent de façon générale l'accès des militaires en service aux mandats électoraux et aux fonctions électives, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;








D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du premier alinéa de l'article L. 46 du code électoral et du dernier alinéa de l'article L. 237 du même code est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et au ministre de la défense.
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice. Copie en sera transmise, pour information, au tribunal administratif de Poitiers.