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Ariane Web: Conseil d'État 381052, lecture du 29 septembre 2014, ECLI:FR:CESJS:2014:381052.20140929

Décision n° 381052
29 septembre 2014
Conseil d'État

N° 381052
ECLI:FR:CESJS:2014:381052.20140929
Inédit au recueil Lebon
2ème sous-section jugeant seule
Mme Airelle Niepce, rapporteur
Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public


Lecture du lundi 29 septembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le département de la Haute-Marne, représenté par le président du conseil général, 1 rue du Commandant Hugueny, CS 62127, à Chaumont (52905 Cedex 9) ; le département de la Haute-Marne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-163 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Haute-Marne ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;




Considérant qu'aux termes de l'article L. 191-1 du code électoral, résultant de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral : " Le nombre de cantons dans lesquels seront élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair. / Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix-sept. Il ne peut être inférieur à treize dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants " ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la même loi du 17 mai 2013, applicable à la date du décret attaqué : " I.- Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. / II. - La qualité de chef-lieu de canton est maintenue aux communes qui la perdent dans le cadre d'une modification des limites territoriales des cantons, prévue au I, jusqu'au prochain renouvellement général des conseils généraux. / III. La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants. / IV. Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques ou par d'autres impératifs d'intérêt général " ;

Considérant que le décret attaqué a, sur le fondement de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département de la Haute-Marne, compte tenu de l'exigence de réduction du nombre des cantons de ce département de trente-deux à dix-sept résultant de l'article L. 191-1 du code électoral ;

Considérant qu'il résulte de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans un même canton ; qu'il ne peut être apporté à ces règles que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées ;

Considérant que, pour mettre en oeuvre les règles posées au III de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales et, notamment, la définition du territoire de chaque canton sur des bases essentiellement démographiques, le décret attaqué a procédé à la délimitation des dix-sept cantons du département de la Haute-Marne en se fondant sur une population moyenne de 10 826 habitants et en rapprochant la population de chaque canton de cette moyenne ; qu'il ressort des pièces du dossier que s'il demeure des écarts de population entre les cantons, ces écarts sont significativement réduits par rapport à la délimitation antérieure et n'excèdent pas ceux constatés, d'une part, pour le canton de Chaumont 2, qui présente une population inférieure de 17,36 % à la moyenne départementale, d'autre part, pour le canton de Nogent, qui présente une population supérieure de 17,63 % à la moyenne départementale ; que ces écarts sont justifiés notamment par le souci de tenir compte, dans une mesure compatible avec le respect des règles fixées par la loi, des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale, des bassins de vie et des anciennes délimitations cantonales ; que de telles considérations, qui ne s'imposent pas au Premier ministre mais qui sont susceptibles d'être légalement prises en compte, sont dépourvues de caractère arbitraire ; qu'elles n'ont pas conduit, en l'espèce, à méconnaître l'obligation, énoncée au a) du III de l'article L. 3113-2, de définir le territoire de chaque canton sur des bases essentiellement démographiques, laquelle met en oeuvre les exigences résultant du principe d'égalité devant le suffrage ;

Considérant, en particulier, que si la requête critique le choix effectué par le décret attaqué de diviser la commune de Chaumont entre trois cantons et de déterminer comme il l'a fait les limites des cantons voisins de Châteauvillain et Nogent, il ressort des pièces du dossier que la division de Chaumont entre trois cantons, au lieu des deux de la délimitation antérieure, dont la population excédait 12 000 et 17 000 habitants, est justifié par le respect de l'exigence tenant aux bases essentiellement démographiques, de même que la délimitation du canton voisin de Châteauvillain ; qu'est ainsi également justifiée la délimitation corrélative du canton de Nogent, qui est limitrophe des nouveaux cantons de Chaumont ; que, par suite, la délimitation retenue par le décret attaqué, qui n'est pas fondée sur des considérations arbitraires, ne peut être regardée comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Haute-Marne n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'il attaque ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font dès lors obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;


D E C I D E :
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Article 1er : La requête du département de la Haute-Marne est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au département de la Haute-Marne, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.