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Ariane Web: Conseil d'État 363482, lecture du 1 octobre 2014, ECLI:FR:CESSR:2014:363482.20141001

Décision n° 363482
1 octobre 2014
Conseil d'État

N° 363482
ECLI:FR:CESSR:2014:363482.20141001
Publié au recueil Lebon
5ème / 4ème SSR
Mme Marie Gautier-Melleray, rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; FOUSSARD, avocats


Lecture du mercredi 1 octobre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 octobre 2012 et 21 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant... ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0900482 du 16 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 21 mars 2008 du directeur du centre hospitalier de Brignoles refusant de l'intégrer dans le corps des secrétaires médicaux, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier d'engager la procédure d'élaboration d'une liste d'aptitude pour l'accès à ce corps ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande présentée devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Brignoles la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2014, présentée pour Mme B... ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le décret n° 90-839 du 21 septembre 1990 ;

Vu la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 339243 du 14 novembre 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de Mme B...et à Me Foussard, avocat du centre hospitalier Jean Marcel ;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut, soit renvoyer l'affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation (...) " ;

2. Considérant que, par sa décision n° 339243 du 14 novembre 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé un jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 mars 2010 rendu par la deuxième chambre de ce tribunal sur une demande de Mme B... ; qu'après renvoi de l'affaire devant le même tribunal administratif, celui-ci a statué une seconde fois sur cette demande par un jugement rendu le 16 août 2012 par la même chambre ; que cette chambre a alors siégé dans une formation comprenant un magistrat qui avait également siégé lors de l'audience du 4 février 2010 au cours de laquelle le jugement du 4 mars 2010 avait été délibéré ; que la règle prévue au premier alinéa précité de l'article L. 821-2 ayant ainsi été méconnue alors que la nature de la juridiction ne rendait pas son respect impossible, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

3. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 821-2 : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un deuxième pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Brignoles :

4. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., agent administratif au centre hospitalier de Brignoles, a saisi le directeur de cet établissement, le 21 novembre 2007, d'une demande d'intégration dans le corps des secrétaires médicaux ; que le silence gardé par le directeur sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet le 21 janvier 2008 ; qu'en application des dispositions du premier alinéa de l'article R. 421-2 précité du code de justice administrative, le délai de recours contre cette décision a couru à compter de cette date ; que, toutefois, la lettre du 21 mars 2008 par laquelle le directeur du centre hospitalier a communiqué à Mme B...les motifs de cette décision implicite doit être regardée comme une décision explicite de rejet de sa demande ; que l'intéressée soutient, sans que cela soit contesté, que cette lettre lui a été notifiée en mains propres dès le 21 mars 2008, soit avant l'expiration du délai de recours ouvert contre la décision implicite née le 21 janvier précédent ; que, par suite, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 421-2, cette notification ouvrait à l'intéressée un nouveau délai pour exercer un recours ; que, cependant, dès lors qu'elle ne mentionnait pas les voies et délais de recours, il résulte des dispositions de l'article R. 421-5 qu'aucune forclusion ne saurait être opposée aux conclusions tendant à l'annulation du refus d'intégration ; qu'il suit de là que la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon le 6 mars 2009 n'était pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Brignoles doit, dès lors, être écartée ;

Sur la légalité du refus de nomination de MmeB... :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 35 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion d'emplois susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration ou à une organisation internationale intergouvernementale non seulement par voie de concours, selon les modalités définies au 2° de l'article 29, mais aussi par la nomination de fonctionnaires ou de fonctionnaires internationaux, suivant l'une ou l'autre des modalités ci-après (...) 2° Inscription sur une liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents " ; que l'article 20 du décret du 21 septembre 1990, en vigueur à la date de la décision attaquée, prévoit plusieurs modes de recrutement des secrétaires médicaux de classe normale dont, en vertu de son 3° " (...) dans la limite du tiers du nombre de nominations prononcées au titre du présent article et des détachements prononcés dans les conditions fixées à l'article 40 du présent décret, par inscription sur une liste d'aptitude établie dans chaque établissement après avis de la commission administrative paritaire compétente. Peuvent être inscrits sur cette liste les adjoints administratifs hospitaliers et les permanenciers auxiliaires de régulation médicale des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée justifiant de neuf années de services publics (...) " ;

7. Considérant qu'eu égard à l'objet de ces dispositions qui, ainsi que le précise l'article 35 de la loi du 9 janvier 1986, est de favoriser la promotion du personnel appartenant déjà à l'administration, la condition d'ancienneté de services publics qu'elles fixent doit s'entendre comme visant les personnes ayant servi pendant au moins neuf ans en qualité d'agent d'un service public administratif, y compris celles qui y ont été employées, pendant tout ou partie de cette période, dans le cadre de contrats relevant du droit privé en vertu de dispositions législatives particulières ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a été recrutée par le centre hospitalier de Brignoles le 25 mars 1996 dans le cadre d'un contrat " emploi solidarité " de six mois qui a été renouvelé à plusieurs reprises et en vertu duquel elle exerçait en qualité d'agent au sein de ce service public administratif ; qu'elle a ensuite été employée dans le cadre d'un contrat " emploi consolidé " à compter du 29 mars 1999, avant d'être recrutée en qualité d'agent contractuel de droit public à compter du 22 avril 2003 puis titularisée à compter du 14 décembre 2005 ; qu'ainsi, et alors même que les contrats " emploi solidarité " et " emploi consolidé " étaient qualifiés de contrats de droit privé par les dispositions législatives qui leur étaient applicables, l'intéressée justifiait, à la date de la décision attaquée, de neuf années de services publics au sens des dispositions précitées du 3° de l'article 20 du décret du 21 septembre 1990 ; que, dès lors, en refusant son intégration dans le corps des secrétaires médicaux au seul motif qu'elle n'avait pas été admise à l'un des concours d'accès prévus par les 1° et 2° de l'article 20 du décret du 21 septembre 1990, sans se prononcer sur la possibilité de l'inscrire sur la liste d'aptitude prévue par le 3° du même article, le directeur du centre hospitalier de Brignoles a méconnu ces dispositions ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à demander l'annulation de la décision du 21 mars 2008 du directeur du centre hospitalier de Brignoles refusant de la nommer dans le corps des secrétaires médicaux ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Brignoles le versement à Mme B...de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 août 2012 est annulé.

Article 2 : La décision du 21 mars 2008 du directeur du centre hospitalier de Brignoles est annulée.

Article 3 : Le centre hospitalier de Brignoles versera à Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier de Brignoles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au centre hospitalier de Brignoles.



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