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Ariane Web: Conseil d'État 365074, lecture du 15 octobre 2014, ECLI:FR:CESSR:2014:365074.20141015

Décision n° 365074
15 octobre 2014
Conseil d'État

N° 365074
ECLI:FR:CESSR:2014:365074.20141015
Publié au recueil Lebon
8ème et 3ème sous-sections réunies
M. Mathieu Herondart, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats


Lecture du mercredi 15 octobre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu 1°, sous le n° 365074, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 3 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Geciotel dont le siège est 16, rue des Capucines à Paris (75002) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1101408 du 5 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a décidé, avant de statuer sur les conclusions de sa demande tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 dans les rôles de la commune de Val-d'Isère (Savoie) à raison d'un ensemble immobilier, dont elle est propriétaire, exploité sous l'enseigne du " Club Méditerranée ", de procéder à un supplément d'instruction afin que le directeur départemental des finances publiques de la Savoie confirme, dans un délai d'un mois, si et à quelle occasion la valeur locative unitaire du local-type n° 30 de la catégorie " hôtels " de Val-d'Isère a été rehaussée et, dans cette hypothèse, communique le détail des éléments d'appréciation qui ont conduit l'administration à rehausser, en dernier lieu, ladite valeur de 9,14 euros à 10,06 euros par m2 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;







Vu 2°, sous le n°367506, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et 9 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Geciotel ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1101408 du 5 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 dans les rôles de la commune de Val-d'Isère (Savoie) à raison d'un ensemble immobilier dont elle est propriétaire exploité sous l'enseigne du " Club Méditerranée " ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


....................................................................................



Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Geciotel ;



1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus ont trait au même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les moyens dirigés contre le jugement avant-dire-droit du 5 novembre 2012 :

2. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Geciotel, au soutien de sa demande devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 dans les rôles de la commune de Val-d'Isère (Savoie) à raison d'un ensemble hôtelier qu'elle possède, exploité sous l'enseigne " Club Méditerranée ", a évoqué le jugement de ce même tribunal rendu le 29 octobre 2010 rejetant les mêmes demandes de la société au titre des années 2006, 2007 et 2008, et faisait valoir les moyens qu'elle soulevait dans son pourvoi en cassation contre ce jugement ; que le directeur départemental des finances publiques de la Savoie, dans son mémoire en défense, a indiqué pour sa part qu'il entendait se référer à l'argumentation exposée devant le tribunal administratif dans les précédentes instances ; que si, dans un mémoire en réplique, la société a également fait valoir de nouveaux arguments qui n'étaient pas les mêmes que ceux qu'elle avait présentés lors des instances ayant donné lieu au jugement du 29 octobre 2010, les deux parties se sont référées, chacune en ce qui la concerne, aux écritures qu'elles avaient présentées dans ces affaires antérieures, dont elles avaient nécessairement eu connaissance ; que, par suite, le tribunal administratif n'a méconnu ni son office, ni le principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle en joignant le dossier de ces précédentes instances à la nouvelle procédure sans communiquer à nouveau l'ensemble de ces pièces aux parties ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en estimant que l'administration pouvait procéder à l'évaluation de la valeur locative de l'immeuble en retenant comme terme de comparaison le local-type n° 30 figurant sur le procès-verbal des opérations de révision des évaluations foncières de la commune de Val-d'Isère, le tribunal administratif de Grenoble a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Geciotel n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement avant-dire-droit du 5 novembre 2012 ;


Sur les moyens dirigés contre le jugement au fond du 5 février 2013 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. / Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions. " ; qu'aux termes de l'article R. 732-1-1 du même code : " Sans préjudice de l'application des dispositions spécifiques à certains contentieux prévoyant que l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public, le président de la formation de jugement ou le magistrat statuant seul peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience sur tout litige relevant des contentieux suivants : (...) 5° Taxe d'habitation et taxe foncière sur les propriétés bâties afférentes aux locaux d'habitation et à usage professionnel au sens de l'article 1496 du code général des impôts ainsi que contribution à l'audiovisuel public ; (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative que le rapporteur public ne peut être dispensé de prononcer des conclusions dans un litige relatif à une taxe foncière sur les propriétés bâties pour des biens dont la valeur locative n'a pas été déterminée en application de l'article 1496 du code général des impôts ; qu'ainsi la dispense de conclusions permise par les dispositions de l'article R. 732-1-1 ne peut s'appliquer au jugement d'un litige portant sur l'évaluation de locaux affectés à une activité commerciale ;

7. Considérant que, pour critiquer la régularité de la procédure suivie devant les juges du fond, la société Geciotel soutient que la décision de dispenser le rapporteur public de prononcer des conclusions n'a pas été notifiée aux parties préalablement à l'audience, contrairement à ce que prescrit l'article R. 711-3 du code de justice administrative ; que, s'il n'appartient pas au juge d'appel ou de cassation, dans un cas où le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions sur un litige ne relevant pas des contentieux mentionnés à l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, de relever d'office l'irrégularité de la procédure ainsi suivie, le Conseil d'Etat ne pourrait, en l'espèce, se prononcer sur le moyen dont il est saisi, sans méconnaître lui-même le champ d'application de ces dispositions, en ne relevant pas que le litige soumis au tribunal administratif de Grenoble n'était pas au nombre de ceux sur lesquels le rapporteur public pouvait être dispensé de prononcer des conclusions ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande de la société Geciotel était relative à des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties à raison d'un bâtiment qui, ainsi qu'il a été dit au point 2, est affecté à une exploitation hôtelière, c'est-à-dire à un usage commercial, et dont la valeur locative a, de ce fait, été évaluée en application de l'article 1498 du code général des impôts ; que, dès lors, le rapporteur public ne pouvait être dispensé de prononcer des conclusions sur un tel litige ; qu'ainsi, le jugement du 5 février 2013, intervenu à la suite d'une audience qui n'a pas donné lieu au prononcé de conclusions du rapporteur public, a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de son pourvoi, la société Geciotel est fondée à demander l'annulation de ce jugement ;



Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Geciotel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 février 2013 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : Le surplus des conclusions des pourvois de la société Geciotel est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Geciotel et au ministre des finances et des comptes publics.



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