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Ariane Web: Conseil d'État 370321, lecture du 15 décembre 2014, ECLI:FR:CECHR:2014:370321.20141215

Décision n° 370321
15 décembre 2014
Conseil d'État

N° 370321
ECLI:FR:Code Inconnu:2014:370321.20141215
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème SSR
Mme Maïlys Lange, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public


Lecture du lundi 15 décembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet et 17 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), dont le siège est 1 boulevard Malesherbes à Paris (75008) ; l'ANODE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-400 du 16 mai 2013 modifiant le décret n° 2009-1603 du 18 décembre 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 novembre 2014, présentée par l'ANODE ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;

Vu la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de l'énergie ;

Vu la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ;

Vu le décret n° 2004-251 du 19 mars 2004 ;

Vu l'arrêt du 20 avril 2010 de la Cour de justice de l'Union européenne rendu dans l'affaire C-265/08 " Federutility e.a. contre Autorità per l'energia elettrica e il gas " ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;


1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 100-1 du code de l'énergie : " La politique énergétique garantit l'indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. Cette politique vise à : / - assurer la sécurité d'approvisionnement ; / - maintenir un prix de l'énergie compétitif ; / (...) / - garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie. " ; que l'article L. 121-32 du même code prévoit que des obligations de service public sont assignées aux fournisseurs de gaz naturel et portent notamment sur la sécurité d'approvisionnement, et la qualité et le prix des produits et services fournis ; que l'article L. 121-46 dispose que : " I. - Les objectifs et les modalités permettant d'assurer la mise en oeuvre des missions de service public [définies aux sections 1 et 2 du présent chapitre] font l'objet de contrats conclus entre l'Etat, d'une part, et (...) GDF-Suez (...) à raison des missions de service public qui lui sont assignées (...) / II. - Les contrats prévus au I portent, notamment, sur : / 1° Les exigences de service public en matière de sécurité d'approvisionnement, de régularité et de qualité du service rendu aux consommateurs ; / 2° Les moyens permettant d'assurer l'accès au service public ; / (...) / 4° L'évolution pluriannuelle des tarifs réglementés de vente (...) du gaz " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 410-2 du code de commerce : " Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services (...) sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. / Toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions légales et réglementaires, un décret en Conseil d'Etat peut réglementer les prix après consultation de l'Autorité de la concurrence. / Les dispositions des deux premiers alinéas ne font pas obstacle à ce que le Gouvernement arrête, par décret en Conseil d'Etat, contre des hausses ou des baisses excessives de prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé. Le décret est pris après consultation du Conseil national de la consommation. Il précise sa durée de validité qui ne peut excéder six mois. " ; qu'aux termes de l'article L. 445-1 du code de l'énergie : " Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce s'appliquent aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel mentionnés à l'article L. 445-3 " ; qu'aux termes de l'article L. 445-3 : " Les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts à l'exclusion de toute subvention en faveur des clients qui ont exercé leur droit prévu à l'article L. 441-1. " ; que l'article L. 441-1 dispose que " Tout client qui consomme le gaz qu'il achète ou qui achète du gaz pour le revendre a le droit, le cas échéant par l'intermédiaire de son mandataire, de choisir son fournisseur de gaz naturel. " ; qu'aux termes de l'article L. 445-2 : " Les décisions sur les tarifs mentionnés à l'article L. 445-3 sont prises conjointement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur avis de la Commission de régulation de l'énergie. La Commission de régulation de l'énergie formule ses propositions et ses avis, qui doivent être motivés, après avoir procédé à toute consultation qu'elle estime utile des acteurs du marché de l'énergie. " ; qu'enfin, aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 445-4 : " Un consommateur final de gaz naturel ne peut pas bénéficier des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article L. 445-3, sauf pour un site de consommation faisant encore l'objet de ces tarifs. / Toutefois, un consommateur final de gaz naturel consommant moins de 30 000 kilowattheures par an peut bénéficier, sur tout site de consommation, des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article L. 445-3. " ; que la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a complété cet article en prévoyant la fin de l'éligibilité aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel, en premier lieu, des consommateurs non domestiques raccordés au réseau de transport, à l'expiration d'un délai de trois mois qui est venu à échéance le 19 juin 2014, en deuxième lieu, des consommateurs non domestiques et des syndicats de copropriété dont le niveau de consommation est supérieur à 200 000 kilowattheures par an, au plus tard le 31 décembre 2014, enfin, des consommateurs non domestiques dont le niveau de consommation est supérieur à 30 000 kilowattheures par an, ainsi que des syndicats de copropriété consommant plus de 150 000 kilowattheures par an, au plus tard le 31 décembre 2015 ; qu'il en résulte que seuls les consommateurs domestiques, dont les syndicats de copropriété consommant moins de 150 000 kilowattheures par an, ainsi que les consommateurs non domestiques dont le niveau de consommation est inférieur ou égal à 30 000 kilowattheures par an, demeureront éligibles aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel à compter du 1er janvier 2016 ;

3. Considérant que les règles de fixation des tarifs réglementés de vente de gaz naturel du fournisseur historique, des entreprises locales de distribution et de la société Total Energie Gaz sont fixées par le décret du 18 décembre 2009 ; que ce décret a été modifié par le décret du 16 mai 2013 dont l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) demande l'annulation ; qu'elle soutient, par la voie de l'exception, que les articles L. 445-1 à L. 445-4 du code de l'énergie méconnaissent notamment les objectifs de la directive 2009/73/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel ;

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 106, paragraphe 2 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union. " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive 2009/73/CE : " Les Etats membres (...) veillent à ce que les entreprises de gaz naturel, sans préjudice du paragraphe 2, soient exploitées conformément aux principes de la présente directive, en vue de réaliser un marché du gaz naturel concurrentiel, sûr et durable sur le plan environnemental, et s'abstiennent de toute discrimination pour ce qui est des droits et des obligations de ces entreprises. " ; qu'aux termes du paragraphe 2 du même article : " En tenant pleinement compte des dispositions pertinentes du traité, en particulier de son article 86, les Etats membres peuvent imposer aux entreprises opérant dans le secteur du gaz, dans l'intérêt économique général, des obligations de service public qui peuvent porter sur (...) le prix de la fourniture (...). Ces obligations sont clairement définies, transparentes, non discriminatoires et vérifiables et garantissent aux entreprises de gaz naturel de la Communauté un égal accès aux consommateurs nationaux (...) " ; que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans son arrêt " Federutility e.a. contre Autorità per l'energia elettrica e il gas " du 20 avril 2010 (affaire C-265/08), que l'article 3, paragraphe 2, de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003, dont les termes sont repris en substance à l'article 3, paragraphe 2, de la directive 2009/73/CE, " permet une intervention des Etats membres sur la fixation du prix de fourniture du gaz naturel au consommateur final, à condition que cette intervention poursuive un intérêt économique général consistant à maintenir le prix de la fourniture du gaz naturel au consommateur final à un niveau raisonnable eu égard à la conciliation qu'il appartient aux Etats membres d'opérer, en tenant compte de la situation du secteur du gaz naturel, entre l'objectif de libéralisation et celui de la nécessaire protection du consommateur final poursuivis par la directive ne porte atteinte à la libre fixation des prix de la fourniture du gaz naturel que dans la seule mesure nécessaire à la réalisation d'un tel objectif d'intérêt économique général et, par conséquent, durant une période nécessairement limitée dans le temps et soit clairement définie, transparente, non discriminatoire, contrôlable, et garantisse aux entreprises de gaz naturel de l'Union européenne un égal accès aux consommateurs " ;

6. Considérant que la réponse aux moyens d'inconventionnalité soulevés, par la voie de l'exception, par l'ANODE dépend de la réponse aux questions de savoir, en premier lieu, si, comme elle le soutient, la réglementation française de tarifs de vente de gaz naturel au consommateur final constitue une entrave à la réalisation d'un marché du gaz naturel concurrentiel mentionné à l'article 3, paragraphe 1 de la directive 2009/73/CE, et en second lieu, dans l'affirmative, si cette intervention étatique peut néanmoins être admise au titre de l'article 106, paragraphe 2 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lu en combinaison avec l'article 3, paragraphe 2 de cette directive ;

Sur l'objectif de réalisation d'un marché intérieur du gaz concurrentiel :

7. Considérant que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, au point 18 de son arrêt " Federutility " précité, que bien qu'il ne résulte pas explicitement de l'article 3, paragraphe 1 de la directive 2003/55/CE, dont les termes sont repris en substance à l'article 3, paragraphe 1 de la directive 2009/73/CE cité au point 5, que le prix de fourniture du gaz naturel devrait être seulement fixé par le jeu de l'offre et de la demande, cette exigence découle de la finalité même et de l'économie générale de la directive qui a pour objectif de parvenir progressivement à une libéralisation totale du marché du gaz naturel dans le cadre de laquelle, notamment, tous les fournisseurs peuvent librement délivrer leurs produits à tous les consommateurs ;

8. Considérant que la règlementation française impose au fournisseur historique ainsi que, pour les parties du territoire qu'elles desservent, aux entreprises locales de distribution et pour certains clients raccordés au réseau de transport, à la société Total Energie Gaz, de proposer au consommateur final la fourniture de gaz naturel à des tarifs réglementés ; que cependant, des offres concurrentes aux tarifs réglementés sont librement proposées par l'ensemble des fournisseurs, historique comme alternatifs ; que le principe de couverture des coûts complets de l'opérateur historique par les tarifs réglementés, à l'exclusion de toute subvention en faveur de ceux de ses clients ayant opté pour une offre de marché, a permis de faire obstacle, à l'amorce de la libéralisation du marché, à ce que cet opérateur pratique des prix abusivement bas ; qu'il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que depuis le 1er trimestre 2012, date à laquelle la Commission de régulation de l'énergie a pour la première fois publié une comparaison des offres disponibles pour des clients résidentiels à faible consommation, plusieurs des offres des fournisseurs alternatifs, indexées sur les tarifs réglementés, sont proposées à des prix inférieurs à ces derniers ; qu'ainsi, la réglementation française des tarifs de vente du gaz naturel n'empêche ni les fournisseurs alternatifs ni l'opérateur historique lui-même de proposer à l'ensemble des consommateurs des offres dites " libres " à des prix inférieurs aux tarifs réglementés ; que, par suite, la question de savoir si cette intervention étatique doit être regardée comme conduisant à déterminer le niveau du prix de fourniture de gaz naturel au consommateur final indépendamment du libre jeu du marché et si elle constitue, par sa nature même, une entrave à la réalisation d'un marché du gaz naturel concurrentiel mentionnée à l'article 3, paragraphe 1 de la directive 2009/73/CE, soulève une difficulté sérieuse ;

9. Considérant que, dans l'hypothèse où une réponse positive serait apportée à cette première question, il y aurait lieu de déterminer si cette intervention de l'Etat sur le prix de fourniture du gaz naturel au consommateur final respecte les conditions fixées à l'article 3, paragraphe 2 de la directive 2009/73/CE ;

Sur les conditions posées par la directive 2009/73/CE aux interventions des Etats membres sur le prix de fourniture du gaz naturel au consommateur final :

10. Considérant que si, ainsi qu'il a été dit au point 5, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé, dans son arrêt " Federutility ", les conditions auxquelles l'article 3, paragraphe 2, de la directive 2003/55/CE, dont les termes sont repris en substance à l'article 3, paragraphe 2, de la directive 2009/73/CE, permet une intervention des Etats membres sur la fixation du prix de fourniture du gaz naturel au consommateur final, elle s'est alors prononcée sur le cas d'une réglementation nationale qui définissait des " prix de référence " que l'ensemble des fournisseurs de gaz naturel devaient incorporer dans leurs offres commerciales sans pouvoir, en pratique, proposer à leurs clients des tarifs alternatifs plus intéressants, et qui a été adoptée peu avant le 1er juillet 2007, date limite de libéralisation complète du marché de la vente de gaz naturel aux clients finals, dans un contexte où le marché était encore caractérisé par une absence de concurrence effective, dans la mesure où l'opérateur historique, propriétaire de la majeure partie du réseau de transport, titulaire d'une position dominante en matière de production et principal grossiste, détenait également un monopole de l'importation ; qu'à l'inverse, ainsi qu'il a été dit au point 8, la réglementation française des tarifs de vente du gaz naturel n'empêche ni l'opérateur historique ni les fournisseurs alternatifs de proposer à l'ensemble des consommateurs des offres à des prix inférieurs aux tarifs réglementés ; que l'opérateur historique n'exerce aucun monopole sur l'importation, qui constitue la source exclusive de consommation du gaz en France ; que le décret attaqué a été publié près de six ans après la libéralisation complète du marché de la vente de gaz naturel aux clients finals et non à l'amorce de celle-ci ; qu'eu égard à ces circonstances de droit et de fait nouvelles, la question de savoir à l'aune de quels critères la compatibilité de la réglementation française des tarifs de vente du gaz naturel au consommateur final avec la directive 2009/73/CE devrait, en cas de réponse positive à la question posée au point 8 ci-dessus, être appréciée soulève une difficulté sérieuse ;

11. Considérant en particulier, en premier lieu, que dans son arrêt " Federutility ", la Cour de justice a jugé que l'intervention de l'Etat membre sur le prix de la fourniture du gaz naturel au consommateur final devait poursuivre un intérêt économique général et que, à la lumière de l'article 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, un tel intérêt pouvait justifier que des obligations de service public soient imposées aux entreprises intervenant dans le secteur du gaz afin, notamment, d'assurer que le prix de fourniture du gaz naturel au consommateur final soit maintenu à un niveau raisonnable eu égard à la conciliation qu'il appartient aux Etats membres d'opérer, en tenant compte de la situation du secteur du gaz naturel, entre l'objectif de libéralisation et celui de la nécessaire protection du consommateur final poursuivis par la directive ;

12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, à la date de publication du décret attaqué, certaines offres étaient proposées par les fournisseurs alternatifs à des prix inférieurs aux tarifs réglementés ; que le ministre fait valoir que ce différentiel de prix s'explique par la constitution différente de leurs portefeuilles d'approvisionnement, les contrats d'approvisionnement du fournisseur historique, de long terme, étant en règle générale fortement indexés sur l'évolution du prix des produits pétroliers, alors que les fournisseurs alternatifs s'approvisionnent plus facilement sur les marchés de gros, notamment sur les places organisées ; que le ministre se prévaut également du caractère temporaire de la liquidité actuellement observée sur ces marchés, qui aurait notamment pour cause une baisse purement conjoncturelle de la demande de gaz, due à la réduction de l'activité économique et à la concurrence momentanément très vive du charbon pour la production d'électricité, et de ce qu'une concurrence sur les prix durablement efficace ne serait ainsi pas garantie ; qu'il soutient que les choix d'approvisionnement du fournisseur historique, qui peuvent, en fonction des prix proposés sur les marchés de gros, conduire à ce que les tarifs réglementés de vente du gaz soient plus élevés que les prix de certaines des offres des fournisseurs qui s'approvisionnent préférentiellement sur ces marchés, garantissent au consommateur une plus grande sécurité d'approvisionnement ; qu'il ajoute que les tarifs réglementés de vente du gaz permettent également une harmonisation des prix sur l'ensemble du territoire national ; qu'ainsi, selon le ministre, les tarifs réglementés de vente du gaz naturel permettent à la fois de maintenir un prix de l'énergie compétitif, dans la mesure où ils jouent, en pratique, le rôle d'un plafond de référence pour la fixation des prix des offres proposées par les fournisseurs alternatifs, et de poursuivre les objectifs de sécurité d'approvisionnement et de cohésion territoriale mentionnés à l'article L. 100-1 du code de l'énergie, cité au point 1 ; que la question de savoir dans quelle mesure et à quelles conditions l'article 106, paragraphe 2 du traité, lu en combinaison avec l'article 3, paragraphe 2 de la directive 2009/73/CE, permet aux Etats membres de poursuivre, en intervenant sur le prix de fourniture du gaz naturel au consommateur final, d'autres fins que le maintien du prix de la fourniture à un niveau raisonnable, comme la sécurité d'approvisionnement et la cohésion territoriale, soulève une difficulté sérieuse ;

13. Considérant, en second lieu, que selon l'arrêt " Federutility ", l'intervention des Etats membres sur le prix de la fourniture est soumise au respect de l'exigence de proportionnalité et, par suite, ne peut porter atteinte à la libre fixation des prix que durant une période limitée dans le temps et doit se limiter en principe à la composante du prix directement influencée à la hausse par les circonstances spécifiques qui la justifient ; qu'à cet égard la question de savoir, d'une part, si l'article 3, paragraphe 2 de la directive 2009/73/CE permet, compte tenu notamment des objectifs mentionnés au point 12 de sécurité d'approvisionnement et de cohésion territoriale, une intervention d'un Etat membre sur la fixation du prix de fourniture du gaz naturel fondée sur le principe de couverture des coûts complets du fournisseur historique par application d'une formule représentative de ses coûts d'approvisionnement et d'une méthodologie d'évaluation de ses coûts hors approvisionnement, élaborées après une analyse annuelle de l'évolution des coûts réalisée par l'autorité de régulation, et, d'autre part, si les coûts destinés à être couverts par les tarifs peuvent inclure d'autres composantes que la part représentative de l'approvisionnement de long terme, soulève une difficulté sérieuse ;

14. Considérant que les questions posées aux points 8, 10, 12 et 13 sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat ; qu'elles présentent une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête de l'ANODE ;


D E C I D E :
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Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par l'ANODE jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :
" 1. L'intervention d'un Etat membre consistant à imposer à l'opérateur historique de proposer au consommateur final la fourniture de gaz naturel à des tarifs réglementés, mais qui ne fait pas obstacle à ce que des offres concurrentes soient proposées, à des prix inférieurs à ces tarifs, par le fournisseur historique comme par les fournisseurs alternatifs, doit-elle être regardée comme conduisant à déterminer le niveau du prix de fourniture du gaz naturel au consommateur final indépendamment du libre jeu du marché et constitue-t-elle, par sa nature même, une entrave à la réalisation d'un marché du gaz naturel concurrentiel mentionnée à l'article 3, paragraphe 1 de la directive 2009/73/CE '
2. Dans l'hypothèse où il serait répondu positivement à la question 1, à l'aune de quels critères la compatibilité d'une telle intervention de l'Etat sur le prix de fourniture du gaz naturel au consommateur final avec la directive 2009/73/CE devrait-elle être appréciée '
En particulier :
a) Dans quelle mesure et à quelles conditions l'article 106, paragraphe 2 du traité, lu en combinaison avec l'article 3, paragraphe 2 de la directive 2009/73/CE, permet-il aux Etats membres, en intervenant sur le prix de fourniture du gaz naturel au consommateur final, de poursuivre d'autres objectifs, comme la sécurité d'approvisionnement et la cohésion territoriale, que le maintien du prix de la fourniture à un niveau raisonnable'
b) L'article 3, paragraphe 2 de la directive 2009/73/CE permet-il, compte tenu notamment des objectifs de sécurité d'approvisionnement et de cohésion territoriale, une intervention d'un Etat membre sur la fixation du prix de fourniture du gaz naturel fondée sur le principe de couverture des coûts complets du fournisseur historique et les coûts destinés à être couverts par les tarifs peuvent-ils inclure d'autres composantes que la part représentative de l'approvisionnement de long terme ' "
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie, au Premier ministre, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, à la Commission de régulation de l'énergie, à la société GDF Suez et à la Cour de justice de l'Union européenne.
Copie en sera adressée à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à l'Autorité de la concurrence.