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Ariane Web: Conseil d'État 374772, lecture du 30 janvier 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:374772.20150130
Decision n° 374772
Conseil d'État

N° 374772
ECLI:FR:CESSR:2015:374772.20150130
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème / 7ème SSR
M. Camille Pascal, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY, avocats


Lecture du vendredi 30 janvier 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 janvier et 15 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), dont le siège est au 23 place de Catalogne à Paris (75014) ; l'AEFE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 13NT00900,13NT00901 du 15 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a rejeté sa requête qui tendait, d'une part, à l'annulation du jugement n° 12-9348 du 22 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes avait annulé la décision du 18 septembre 2012, prise par sa directrice, mettant fin au contrat de M. A...B...à compter du 1er octobre 2012, d'autre part, au rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. B...;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

Vu le décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Camille Pascal, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. B...;





1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...B..., professeur des écoles titulaire de l'Académie du Nord, a été affecté en 1996 sur un poste d'enseignant du premier degré au lycée français Jean Monnet de Bruxelles ; qu'il a été détaché auprès de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), à compter du 1er août 2002, pour occuper les mêmes fonctions ; qu'en application des dispositions du décret du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels d'enseignement français à l'étranger, il a été recruté par cet établissement sur un contrat de résident d'une durée de trois ans, qui a été renouvelé par périodes de trois ans dont la dernière venait à expiration le 31 août 2014 ; qu'à la suite de plusieurs incidents, la directrice de l'Agence a mis fin de façon anticipée au contrat d'enseignant résident de M. B...par une décision du 18 septembre 2012 dont l'intéressé a demandé l'annulation au tribunal administratif de Nantes ; que le tribunal a annulé la décision attaquée par un jugement du 22 février 2013 ; que l'AEFE a saisi la cour administrative d'appel de Nantes de conclusions qui tendaient à l'annulation de ce jugement ; que la cour, qui a par ailleurs prononcé un non-lieu sur les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement par l'article 2, non contesté, de son arrêt du 15 novembre 2013, a, par ce même arrêt, rejeté la requête de l'AEFE ; que celle-ci se pourvoit en cassation, dans cette mesure, contre cet arrêt ;

2. Considérant qu'il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, combinées avec celle du 2° de l'article R. 222-13 du même code, dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2014, que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs à la situation individuelle des agents publics autres que ceux qui concernent l'entrée au service, la discipline ou la sortie du service ;

3. Considérant que le litige soumis au tribunal administratif de Nantes par M. B..., à la suite de la décision de la directrice de l'AEFE mettant fin à son contrat de résident et le remettant à la disposition de son administration d'origine, est relatif au déroulement de la carrière de l'intéressé et ne concerne ni l'entrée ou la sortie du service, ni une procédure disciplinaire ; qu'il est donc au nombre des litiges sur lesquels le tribunal administratif statuait en premier et dernier ressort, s'agissant d'un jugement rendu avant le 1er janvier 2014 ;

4. Considérant, par suite, qu'en statuant sur les conclusions présentées par l'AEFE contre le jugement du 23 février 2013 rendu par le tribunal administratif de Nantes en premier et dernier ressort, la cour administrative d'appel a méconnu sa compétence ; qu'il y a lieu d'annuler sur ce point l'arrêt contesté et de regarder les conclusions présentées par l'Agence comme des conclusions de cassation dirigées contre ce jugement ;

5. Considérant que l'administration qui accueille un fonctionnaire en position de détachement peut à tout moment, dans l'intérêt du service, remettre celui-ci à la disposition de son corps d'origine en disposant, à cet égard, d'un large pouvoir d'appréciation ; qu'il n'appartient au juge de l'excès de pouvoir de censurer l'appréciation ainsi portée par l'autorité administrative qu'en cas d'erreur manifeste ; que, par suite, en se fondant, pour annuler la décision attaquée, sur le motif que l'Agence aurait commis une erreur d'appréciation, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que l'AEFE est, par suite, fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant que la décision attaquée, qui fait état d'incidents précis, mentionne les risques pour le bon fonctionnement de l'établissement ainsi que la rupture de la relation de confiance avec la communauté scolaire ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du décret du 4 janvier 2002 : " Il peut être mis fin de manière anticipée au contrat d'un personnel résident ou expatrié sur décision du directeur de l'agence après consultation des commissions consultatives paritaires compétentes de l'agence " ; qu'il résulte de ces dispositions que le directeur de l'AEFE peut, après avis des organismes paritaires compétents, faire usage de son pouvoir de résiliation pour un motif tiré de l'intérêt du service ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'année scolaire 2011-2012, plusieurs incidents mettant en cause M. B...ont été signalés au Lycée Jean Monnet de Bruxelles par des parents d'élèves ; que ces incidents trouvaient leur cause dans les difficultés de l'intéressé à rester maître de soi lorsqu'il était confronté au comportement de certains élèves, difficultés qu'il n'est pas parvenu à surmonter en dépit des mesures prises par le chef d'établissement ; que ces incidents ont entraîné d'importantes perturbations dans le fonctionnement de l'établissement et dans la communauté scolaire dont, en particulier, des courriers de l'ambassadeur de France à Bruxelles ont fait état ; que, dans ces conditions, la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts, ne s'est pas livrée à une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce en mettant fin au détachement de M. B...; que cette décision, bien qu'elle ait été prise en considération de la personne, est intervenue dans l'intérêt du service et n'a pas revêtu un caractère disciplinaire ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. B... ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que demande l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger présente au même titre ;


D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 3 de l'arrêt du 15 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 février 2013 est annulé.

Article 3 : La demande de M. B...et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et à M. A...B....


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