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Ariane Web: Conseil d'État 372148, lecture du 5 février 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:372148.20150205

Décision n° 372148
5 février 2015
Conseil d'État

N° 372148
ECLI:FR:CESJS:2015:372148.20150205
Inédit au recueil Lebon
6ème SSJS
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
FOUSSARD ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR, avocats


Lecture du jeudi 5 février 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 septembre et 6 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Hôtel Verlain, dont le siège est 97, rue de Saint-Maur à Paris (75011), représentée par son président directeur général en exercice ; la société Hôtel Verlain demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1203160 du 15 juillet 2013 par laquelle la vice-présidente de la 7ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 juillet 2011 par laquelle le maire de Paris s'est opposé aux travaux de pose de groupes aéro-réfrigérants en toiture au 97 rue de Saint-Maur, ainsi que du rejet implicite de son recours gracieux ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande en annulant la décision du maire du 25 juillet 2011 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Justine Lieber, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la Société Hôtel Verlain et à Me Foussard, avocat de la Ville de Paris ;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives " ; qu'aux termes de l'article 19 de la même loi : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 21 de la même loi dans sa version applicable au litige : " Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 6 juin 2001 : " L'accusé de réception prévu par l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 susvisée comporte les mentions suivantes : / 1° La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ; (...)/ L'accusé de réception indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision (...) " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que, sauf dans le cas où un décret en Conseil d'Etat prévoit un délai différent, le silence gardé pendant plus de deux mois par les autorités administratives sur les recours gracieux ou hiérarchiques qui leur ont été adressés fait naître une décision implicite de rejet ; qu'il résulte des dispositions de l'article 1er du décret du 6 juin 2001 que le délai de recours à l'encontre de cette décision implicite de rejet ne court que si le recours gracieux ou hiérarchique a fait l'objet d'un accusé de réception comportant les mentions exigées par ces dispositions ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Hôtel Verlain a formé, le 4 août 2011, à l'encontre de la Ville de Paris, un recours gracieux qui, reçu le 8 août 2011, a été implicitement rejeté ; qu'il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond et qu'il n'est pas contesté que ce recours gracieux n'a pas fait l'objet d'un accusé de réception ; que, dès lors, en jugeant que la demande de la société Hôtel Verlain dirigée contre la décision rejetant son recours gracieux, enregistrée le 18 février 2012 au greffe du tribunal administratif de Paris, était tardive et partant irrecevable, le tribunal administratif de Paris a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; qu'il suit de là que la société requérante est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Hôtel Verlain, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la Ville de Paris au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance de la vice-présidente de la 7ème section du tribunal administratif de Paris du 15 juillet 2013 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : La Ville de Paris versera la somme de 1 500 euros à la société Hôtel Verlain au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Ville de Paris au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Hôtel Verlain et à la Ville de Paris.