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Ariane Web: Conseil d'État 371257, lecture du 11 février 2015, ECLI:FR:Code Inconnu:2015:371257.20150211
Decision n° 371257
Conseil d'État

N° 371257
ECLI:FR:CESSR:2015:371257.20150211
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
Mme Sophie Roussel, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT, avocats


Lecture du mercredi 11 février 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 14 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Montlouis-sur-Loire (37270), représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1202469 du 11 juin 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de M. B...A..., annulé la décision du 25 mai 2012 par laquelle son maire a refusé de procéder à l'évaluation de sa manière de servir au titre de l'année 2011 et lui a refusé le bénéfice de la prime liée à l'entretien professionnel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-54 du 26 janvier 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la commune de Montlouis-sur-Loire et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. A...;



1. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 8 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le droit syndical est garanti aux fonctionnaires, qui peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats ; qu'aux termes de l'article 56 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade. / Le fonctionnaire qui bénéficie d'une décharge de service pour l'exercice d'un mandat syndical est réputé être en position d'activité." ;

2. Considérant, d'autre part, que, selon l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983, auquel renvoie l'article 87 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, les fonctionnaires " ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fonctionnaire d'une collectivité territoriale qui bénéficie d'une décharge totale de service pour l'exercice d'un mandat syndical a droit, durant l'exercice de ce mandat, que lui soit maintenu le bénéfice de l'équivalent des montants et droits de l'ensemble des primes et indemnités légalement attachées à l'emploi qu'il occupait avant d'en être déchargé pour exercer son mandat, à l'exception des indemnités représentatives de frais et des indemnités destinées à compenser des charges et contraintes particulières, tenant notamment à l'horaire, à la durée du travail ou au lieu d'exercice des fonctions, auxquelles le fonctionnaire n'est plus exposé du fait de la décharge de service ; qu'il y a lieu de tenir compte, pour l'application de ces principes, de l'institution ou de la suppression de primes survenues postérieurement à la date à compter de laquelle l'agent a bénéficié de la décharge ; qu'en particulier, le fonctionnaire bénéficiant d'une décharge totale de service a droit à l'attribution d'une somme correspondant à une prime instituée postérieurement à la date de cette décharge, dès lors qu'il aurait normalement pu prétendre à son bénéfice s'il avait continué à exercer effectivement son emploi, et sous réserve que les conditions rappelées ci-dessus soient réunies ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 11 octobre 2010, le conseil municipal de Montlouis-sur-Loire a mis en place l'évaluation de la valeur professionnelle de ses agents par un entretien professionnel, autorisée à titre expérimental par l'article 71-1 de la loi du 26 janvier du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et a complété ce dispositif d'évaluation par l'institution d'une prime attribuée en fonction de l'évaluation des qualités de l'agent sur une année, dite " prime liée à l'entretien professionnel " ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le tribunal administratif d'Orléans a pu, sans erreur de droit, juger que M.A..., qui, ainsi qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, était adjoint territorial principal de 1ère classe et bénéficiait d'une décharge totale de service pour l'exercice d'un mandat syndical, autorisée chaque année depuis 1995, soit antérieurement à la délibération du 11 octobre 2010 du conseil municipal de Montlouis-sur-Loire instituant la " prime liée à l'entretien professionnel ", avait droit à ce que lui soit versé l'équivalent de cette prime, alors même que l'entretien professionnel ne pouvait être conduit et que la création de cette prime était postérieure à l'octroi de la décharge syndicale ;

6. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif d'Orléans que la prime instituée par la commune avait pour objet, aux termes de la délibération du 11 octobre 2010, de " valoriser la valeur professionnelle de l'agent " ; qu'eu égard à la nature d'une telle prime, le tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur de droit en jugeant qu'il y avait lieu de retenir, pour le calcul de la prime à laquelle M. A...avait droit, un taux correspondant à la moyenne du montant des primes accordées aux autres agents de la commune à l'issue de la campagne d'entretiens, et non le taux moyen attribué aux agents occupant un emploi comparable à celui qu'occupait l'intéressé avant de bénéficier d'une décharge syndicale, eu égard notamment aux fonctions qu'il exerçait et à son cadre d'emplois ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Montlouis-sur-Loire est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montlouis-sur-Loire, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par M. A...; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Montlouis-sur-Loire ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 11 juin 2013 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif d'Orléans.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...et par la commune de Montlouis-sur-Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Montlouis-sur-Loire et à M. B... A....


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