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Ariane Web: Conseil d'État 370837, lecture du 13 février 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:370837.20150213

Décision n° 370837
13 février 2015
Conseil d'État

N° 370837
ECLI:FR:CESSR:2015:370837.20150213
Inédit au recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
M. Mathieu Herondart, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
BALAT ; SCP RICHARD, avocats


Lecture du vendredi 13 février 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS






Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Chalon-sur-Saône a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 16 décembre 2009 par laquelle le directeur général de l'établissement public Voies navigables de France a refusé d'entretenir le perré du quai de la Monnaie situé dans cette commune. Par un jugement n° 1001807 du 7 juin 2012, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande et mis les frais d'expertise d'un montant de 178 526,66 euros à la charge de la commune et de l'établissement public Voies navigables de France, à parité.

Par un arrêt n° 12LY02095 du 6 juin 2013, la cour administrative d'appel de Lyon, sur appel de la commune de Chalon-sur-Saône, a annulé ce jugement et la décision du directeur général de l'établissement public Voies navigables de France du 16 décembre 2009, enjoint à l'établissement public Voies navigables de France de prendre la décision d'entretenir le quai de la Monnaie à Chalon-sur-Saône dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, mis les frais d'expertise à la charge des deux parties à parité et rejeté l'appel de l'établissement public dirigé contre le partage des frais d'expertise.




Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 4 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'établissement public Voies navigables de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt du 6 juin 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de Chalon-sur-Saône et de mettre à la charge exclusive de cette commune l'intégralité des frais et honoraires d'expertise ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chalon-sur-Saône la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 761-1 du même code.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de l'établissement public Voies navigables de France et à la SCP Richard, avocat de la commune de Chalon-sur-Saône.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 janvier 2015, présentée pour la commune de Chalon-sur-Saône.



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le perré du quai de la Monnaie à Chalon-sur-Saône n'est pas destiné à assurer la sécurité et la facilité de la navigation ou l'exploitation de la rivière mais est physiquement et fonctionnellement indissociable de la voie communale qui le surplombe ; qu'en jugeant que ce bien constitue une dépendance du domaine public fluvial et non un accessoire de la voie communale, la cour administrative d'appel de Lyon a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; que son arrêt doit donc être annulé ; que cette annulation prive d'objet, en tout état de cause, le pourvoi incident par lequel la commune de Chalon-sur-Saône demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il met à sa charge la moitié des frais d'expertise ;

2. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne les frais d'entretien du perré :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques : " L'entretien (...) des cours d'eaux domaniaux et de leurs dépendances est à la charge de la personne publique propriétaire du domaine public fluvial. " ; qu'en vertu de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales, les dépenses d'entretien des voies communales font partie des dépenses obligatoires mises à la charge des communes ;

4. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le perré du quai de la Monnaie à Chalon-sur-Saône constitue un accessoire de la voie communale, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il n'aurait pas été construit à l'origine par la commune ; qu'il appartient dès lors à la commune de Chalon-sur-Saône et non à l'établissement public Voies navigables de France d'assurer l'entretien de ce perré ; que, par suite, la commune de Chalon-sur-Saône n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 7 juin 2012, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2009 par laquelle le directeur général de l'établissement public Voies navigables de France a refusé d'entretenir ce perré ;

En ce qui concerne les frais d'expertise :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) " ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, d'un montant de 178 526,66 euros, à la charge définitive de la commune de Chalon-sur-Saône et de réformer en conséquence l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 juin 2012 ;

En ce qui concerne les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative et de la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R 761-1 du même code :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Chalon-sur-Saône la somme de 3 000 euros à verser à l'établissement public Voies navigables de France, au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public Voies navigables de France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune au même titre ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 6 juin 2013 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la commune de Chalon-sur-Saône devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les frais d'expertise, d'un montant de 178 526,66 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge définitive de la commune de Chalon-sur-Saône.

Article 4 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 juin 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : La commune de Chalon-sur-Saône versera à l'établissement public Voies navigables de France une somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le pourvoi incident de la commune de Chalon-sur-Saône et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à l'établissement public Voies navigables de France et à la commune de Chalon-sur-Saône.
Copie en sera adressée, pour information, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.