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Ariane Web: Conseil d'État 371766, lecture du 20 mars 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:371766.20150320

Décision n° 371766
20 mars 2015
Conseil d'État

N° 371766
ECLI:FR:CESJS:2015:371766.20150320
Inédit au recueil Lebon
1ère SSJS
M. Frédéric Puigserver, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP DELVOLVE, avocats


Lecture du vendredi 20 mars 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler les décisions des 21 décembre 2011 et 29 mars 2012 par lesquelles le président du conseil général des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande tendant à ce que l'intégralité de sa rémunération d'assistante familiale lui soit versée à compter du 1er septembre 2011 et son recours gracieux dirigé contre le rejet de sa demande et, d'autre part, d'enjoindre au département des Hauts-de-Seine de lui verser la totalité de son salaire depuis cette date.

Par un jugement n° 1201897 du 25 juin 2013, le tribunal administratif d'Orléans a annulé les deux décisions attaquées et enjoint au département des Hauts-de-Seine de verser à Mme B...la somme mensuelle correspondant à 120 heures de salaire minimum de croissance à compter du 1er septembre 2011 pour la période pendant laquelle elle ne s'est vu confier aucun enfant.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 août 2013, 8 novembre 2013 et 30 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Hauts-de-Seine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 juin 2013 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de MmeB... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Hauts-de-Seine, et à la SCP Delvolvé, avocat de Mme B....




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...B..., agréée en qualité d'assistante familiale par le département d'Eure-et-Loir, a été engagée par le service de l'aide sociale à l'enfance du département des Hauts-de-Seine par contrat conclu le 24 juin 2008. Après avoir accueilli un enfant, elle a cessé, à compter du 19 avril 2011, de se voir confier des enfants et a alors bénéficié, jusqu'au 1er septembre 2011, de l'indemnité dite " d'attente ", prévue à l'article L. 423-31 du code de l'action sociale et des familles. A l'issue cette période de quatre mois, prorogée de quelques jours du fait de l'accueil d'un enfant de façon intermittente, le département des Hauts-de-Seine a recommencé à lui verser une rémunération mensuelle, correspondant à la seule fonction globale d'accueil, d'un montant de cinquante fois le salaire minimum de croissance horaire. Par une décision du 21 décembre 2011, confirmée le 29 mars 2012, le président du conseil général des Hauts-de-Seine a refusé de faire droit à sa demande tendant à la perception de l'intégralité de la rémunération qu'elle percevait avant le 19 avril 2011, y compris la part correspondant à l'accueil de chaque enfant, mentionnée au 2° de l'article D. 423-23 du même code. Par un jugement du 25 juin 2013, contre lequel le département des Hauts-de-Seine se pourvoit en cassation, le tribunal administratif d'Orléans a annulé ces deux décisions et enjoint au département de verser à Mme B... la somme mensuelle correspondant à cent vingt heures de salaire minimum de croissance à compter du 1er septembre 2011, pour la période pendant laquelle elle ne s'est vu confier aucun enfant.

Sur le jugement attaqué, en tant qu'il a annulé les décisions des 21 décembre 2011 et 29 mars 2012 :

2. Aux termes de l'article L. 423-30 du code de l'action sociale et des familles, applicable aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public en vertu de l'article L. 422-1 du même code : " Sans préjudice des indemnités et fournitures qui leur sont remises pour l'entretien des enfants, les assistants familiaux relevant de la présente sous-section bénéficient d'une rémunération garantie correspondant à la durée mentionnée dans le contrat d'accueil. Les éléments de cette rémunération et son montant minimal sont déterminés par décret en référence au salaire minimum de croissance. / Ce montant varie selon que l'accueil est continu ou intermittent au sens de l'article L. 421-16 et en fonction du nombre d'enfants accueillis. / La rémunération cesse d'être versée lorsque l'enfant accueilli quitte définitivement le domicile de l'assistant familial ". Les dispositions de l'article D. 423-23 du même code, prises en application du précédent texte, prévoient que la rémunération d'un assistant familial accueillant un enfant de façon continue est constituée d'une part correspondant à la fonction globale d'accueil, qui ne peut être inférieure à cinquante fois le salaire minimum de croissance par mois, et d'une part correspondant à l'accueil de chaque enfant, qui ne peut être inférieure à soixante-dix fois le salaire minimum de croissance par mois et par enfant.

3. Aux termes de l'article L. 423-31 du même code : " Lorsque l'employeur n'a plus d'enfant à confier à un assistant familial ayant accueilli des mineurs, celui-ci a droit à une indemnité dont le montant minimal est déterminé par décret en référence au salaire minimum de croissance, sous réserve de l'engagement d'accueillir dans les meilleurs délais les mineurs préalablement présentés par l'employeur, dans la limite d'un nombre maximal convenu avec lui et conformément à son agrément. / Cette disposition n'est applicable qu'aux personnes qui justifient d'une ancienneté de trois mois au moins au service de l'employeur ". Aux termes de l'article L. 423-32 du même code : " L'employeur qui n'a pas d'enfant à confier à un assistant familial pendant une durée de quatre mois consécutifs est tenu de recommencer à verser la totalité du salaire à l'issue de cette période s'il ne procède pas au licenciement de l'assistant familial fondé sur cette absence d'enfants à lui confier ".

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles qu'à l'expiration d'une période de quatre mois pendant laquelle il ne lui a confié aucun enfant, l'employeur d'un assistant familial peut licencier l'agent ou le maintenir en fonction et que, dans cette seconde hypothèse, il est tenu de " recommencer à [lui] verser la totalité du salaire " qu'il percevait jusqu'à la date à compter de laquelle aucun enfant ne lui a été confié. Il ne résulte ni de ces dispositions, qui sont claires, ni d'autres dispositions législatives que le législateur ait entendu limiter la notion de " totalité du salaire " à l'un des éléments de la rémunération d'un assistant familial mentionnés au point 2.

5. Par suite, le département des Hauts-de-Seine n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif d'Orléans aurait commis une erreur de droit et méconnu la règle selon laquelle la rémunération n'est due qu'après service fait en jugeant que le salaire qu'il était tenu de recommencer à verser à MmeB..., au terme de la période de quatre mois au cours de laquelle il ne lui avait confié aucun enfant, devait comprendre tant la part de rémunération correspondant à la fonction globale d'accueil que celle correspondant à l'accueil de l'enfant qui lui était confié avant l'ouverture de cette période, telles qu'elles sont définies par l'article D. 423-23 du code de l'action sociale et des familles. De même, le département requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait méconnu le principe selon lequel une personne publique ne peut être condamnée au paiement d'une somme qu'elle ne doit pas.

6. Il résulte de ce qui précède que le département des Hauts-de-Seine n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il a annulé les décisions des 21 décembre 2011 et 29 mars 2012.

Sur le jugement attaqué, en tant qu'il a prononcé une injonction à l'encontre du département des Hauts-de-Seine :

7. Après avoir annulé les décisions des 21 décembre 2011 et 29 mars 2012, le tribunal a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, enjoint au département des Hauts-de-Seine de verser à Mme B...la somme mensuelle correspondant à cent vingt heures de salaire minimum de croissance à compter du 1er septembre 2011, pour la période pendant laquelle elle ne s'est vu confier aucun enfant. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département des Hauts-de-Seine a, du 1er septembre 2011 au 28 juin 2012, date à laquelle il a procédé au licenciement de MmeB..., versé à l'intéressée une somme correspondant à la fonction globale d'accueil d'assistant familial, d'un montant mensuel de cinquante fois le salaire minimum de croissance horaire. En enjoignant au département de verser à Mme B...l'intégralité de la rémunération qu'elle percevait avant le 19 avril 2011, sans tenir compte des sommes déjà versées par le département depuis le 1er septembre 2011 au titre de la rémunération correspondant à la fonction globale d'accueil, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier. Contrairement à ce que soutient MmeB..., le département peut utilement se prévaloir de ce moyen, qui est né du jugement attaqué.

8. Il résulte de ce qui précède que le département des Hauts-de-Seine est fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement qu'il attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi dirigés contre cet article 2.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Mme B...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Delvolvé, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine une somme de 2 000 euros à verser à cette SCP, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 juin 2013 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif d'Orléans.
Article 3 : Le département des Hauts-de-Seine versera à la SCP Delvolvé, avocat de Mme B..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi du département des Hauts-de-Seine est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au département des Hauts-de-Seine et à Mme A...B....


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