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Ariane Web: Conseil d'État 371250, lecture du 27 mars 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:371250.20150327
Decision n° 371250
Conseil d'État

N° 371250
ECLI:FR:CESSR:2015:371250.20150327
Inédit au recueil Lebon
2ème / 7ème SSR
M. Tristan Aureau, rapporteur
Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public
CORLAY ; SCP BOULLEZ, avocats


Lecture du vendredi 27 mars 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 14 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...C..., demeurant ... ; Mme C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1300291 du 3 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2012 par laquelle la communauté d'agglomération de Niort a refusé d'imputer le suicide de son époux au service ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tristan Aureau, auditeur,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Corlay, avocat de MmeC..., et à la SCP Boullez, avocat de la communauté d'agglomération de Niort ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...C..., directeur du service des gens du voyage de la communauté d'agglomération de Niort, s'est suicidé le 5 janvier 2012 ; que, par une décision du 13 décembre 2012, la communauté d'agglomération a rejeté la demande de Mme A...C...tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité au service du suicide de son époux ; que Mme C...a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Poitiers qui, par jugement du 3 juillet 2013, a rejeté sa demande ; que Mme C...se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service ; qu'il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service ; qu'il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service ; qu'il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce ;

3. Considérant, dès lors, qu'en recherchant si le suicide de M. C...avait eu pour cause déterminante les conditions du service, alors qu'il avait relevé que le suicide de ce dernier avait eu lieu sur son lieu de travail et pendant ses horaires de service et qu'il lui appartenait donc seulement d'apprécier, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, si des circonstances particulières permettaient de regarder cet évènement comme détachable du service, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme C...est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., directeur du service des gens du voyage de la communauté d'agglomération de Niort, a été convoqué le 5 janvier 2012 au matin à une réunion, qui s'est tenue le même jour à 15h30 au siège de la communauté d'agglomération et au cours de laquelle le directeur général des services et la directrice adjointe des ressources humaines lui ont fait part de critiques sur son comportement et sa manière de servir ; qu'à l'issue de cette réunion, il est retourné à son domicile, où il a pris une arme, avant de revenir sur son lieu de travail pour se suicider aux environs de 17h ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le suicide de M. C...est intervenu sur le lieu et dans le temps du service ; qu'il ne ressort des pièces du dossier aucune circonstance particulière détachant cet acte du service ; que, par suite, le suicide de M. C...doit être regardé comme imputable au service ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...est fondée à demander l'annulation de la décision du 13 décembre 2012 de la communauté d'agglomération de Niort ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme C...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Niort la somme de 3 500 euros à verser à MmeC..., au titre des mêmes dispositions ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 juillet 2013 est annulé.

Article 2 : La décision de la communauté d'agglomération de Niort du 13 décembre 2012 est annulée.

Article 3 : La communauté d'agglomération de Niort versera à Mme C...la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...C...et à la communauté d'agglomération de Niort.